Appel à communication : « Auto-portraits irlandais : je/ux de miroirs » les 7 décembre 2012 et 8 mars 2013, Dijon, MSH.
Date limite pour soumettre une proposition : 30 avril 2012.
Si l’Irlande peut se targuer de posséder une collection nationale d’autoportraits, conservés à l’Université de Limerick, l’art de l’autoportrait en littérature et dans les arts visuels reste encore largement inexploré. L’absence de tels travaux scientifiques est d’autant plus surprenante que – comme le souligne Marie Bourke – « l’autoportrait est un acte complexe. Le caractère intime de cette entreprise, de même que l’introspection profonde qu’elle implique, ont représenté un défi pour les artistes au fil des siècles. Il n’est pas seulement question d’examen de conscience, mais il s’agit aussi de brosser un portrait ressemblant, de dépeindre un état psychologique, un statut social, de représenter des idées abstraites » . Certes, la pratique de l’autoportrait marque une tentative de plonger au fond de soi-même mais la représentation qui en découle n’est ni simple ni directe dans la mesure où l’artiste a nécessairement recours à un miroir. Une lumière tamisée, un regard expressif ou un visage qui occupe tout l’espace peuvent attester de la volonté de l’artiste de se livrer. Mais l’autoportrait recèle bien plus de choses qu’il n’en révèle, que ce soit au spectateur ou au lecteur ou encore à l’artiste lui-même : comme le remarque William Gallagher, « la lecture de l’autoportrait comme donnant accès à une vérité authentique a – comme beaucoup d’autres lectures, été soumise à un examen plus rigoureux et nuancé » . Si « l’autoportrait signe l’engagement purement personnel » de l’artiste et invite le spectateur ou le lecteur à être « témoins d’une découverte intime » , cette représentation ne doit pas, pour autant, être gage de sincérité. Les artistes mettent en scène leur propre identité et leur propre personnage, se jouant de la célébrité et de leur rayonnement d’artiste, montrant de l’irrespect ou du mépris pour toute forme de canon ou d’usage. Le miroir dans lequel l’artiste se contemple est ainsi souvent un miroir courbe. L’objet de cette conférence, organisée par le Centre Interlangues TIL dans le cadre de l’axe « Langage, Identités, Représentations » de la MSH de l’université de Bourgogne, est d’analyser les diverses stratégies à l’œuvre dans l’art de l’autoportrait.
Cette conférence consistera en deux journées d’étude, programmées les 7 décembre 2012 et 8 mars 2013, qui auront respectivement pour objet le regard introverti (« tourné vers l’intérieur ») et le regard extraverti (« tourné vers l’extérieur ») de l’autoportrait.
Première journée : 7 décembre 2012
Miroirs convexes : regard introverti ou le « je » en point de mire
Jan Van Eyck, dans son portrait des époux Arnolfini, et le Parmesan, dans un autoportrait de 1524, eurent recours à des miroirs convexes afin d’introduire dans leurs œuvres une réflexion sur ce que l’art donne à voir. Dans leurs autoportraits littéraires ou visuels, les artistes peuvent également créer des illusions diverses afin d’explorer leur moi, de s’exprimer, ou de soumettre les tréfonds de leur être à une analyse endoscopique. L’exacerbation des passions, la mise en scène ou l’improvisation de confessions, des intro- et rétrospections rejouées, des regards lourds de sens (qu’ils soient directs ou obliques), une tonalité de voix particulière sont autant de stratégies convoquées par les artistes pour délimiter les contours de leur être, des contours qui peuvent être évanescents, erratiques et simplement ébauchés, ou bien inscrits plus nettement et durablement à la fois sur le papier et dans le temps.
Dans de tels autoportraits, comme dans un miroir convexe, l’artiste se trouve au centre de la composition tandis que son environnement est relégué à l’arrière plan. Cette forme de cadrage egocentré peut trahir le désir, et le besoin, de se dévoiler, ou, inversement, de déguiser ou défigurer un moi secret. Une telle prépondérance dans l’image, ou clarté dans le discours, peut participer du pacte biographique décrit par Lejeune et contribuer à une construction (élaboration mais peut-être aussi élucubration) de soi. Cependant, en raison de l’atrophie de l’autre résultant de leur égotisme et de leur extimité, ces autoportraits au miroir convexe, peuvent aussi permettre aux artistes de se dérober devant le pacte implicite qu’impose la pratique de l’autoportrait : les reflets agrandis deviennent dès lors des reflets déformés, tronqués, défigurants ou déplacés. Derrière la prétendue visibilité de l’image se cache une résistance, voire une défiance, profonde, bref, une opacité délibérée.
D’un autre point de vue, celui de l’artiste, on est aussi en droit de se demander si le miroir convexe (offrant un champ de vision plus large qu’une surface plane) permet d’accéder plus sûrement à la perception de son individualité, s’il offre à l’artiste la possibilité d’une intégrité plus immédiate. En d’autres termes, le reflet agrandi vient-il palier l’irreprésentabilité ontologique du moi, sa retraite ou “auto-ri-tratto” tel que le décrit Derrida dans Mémoires d’aveugle : autoportrait et autres ruines ?
Deuxième journée : 8 mars 2013
Miroirs concaves : regard extraverti ou le « je » en point de fuite
Bien qu’il n’y ait que très peu – voire pas – d’exemples connus de portrait dans un miroir concave, nous pouvons faire l’hypothèse que l’un des effets d’un tel dispositif serait un décentrage du moi. Lorsqu’un artiste se décrit ou se représente dans un contexte élargi et accorde la même ou une plus grande importance à son environnement qu’à lui-même, non seulement l’autoportrait outrepasse les limites du sujet mais l’altérité – tout ce qui n’est pas moi – s’en trouve magnifiée. Si bien des artistes se sont représentés en peintres ou écrivains dans le cadre rassurant de leur atelier ou de leur bureau, mettant en avant leur statut de créateurs, d’autres ont choisi des arrière-plans tout aussi révélateurs mais ayant une portée collective. S’ancrer dans un temps ou un espace donnés initie un dialogue entre soi et l’autre dans le but explicite ou implicite d’exacerber un sentiment d’appartenance, de pointer des filiations, de transmettre un message politique, culturel ou social. Dans ces autoportraits « en situation », l’expérience intime qu’est la réalisation d’un autoportrait se mue en aveu ou déclaration publique si bien que l’on peut se demander ce qu’il advient de l’excentricité du soi ainsi manifestée. Mais la localisation du soi va de paire avec sa territorialisation, son inscription dans un espace géographie tout autant que dans l’espace du discours
Sans être limitée à ces questions, cette journée sera centrée sur les mises-en-abymes, l’interaction entre l’artiste ou l’auteur et les autres personnages, le rôle et l’importance de l’arrière plan, les références à d’autres créateurs ou personnages historiques, la figure du double qui parfois hante l’artiste.
Les propositions concernant les champs de la littérature (roman, poésie et théâtre), du cinéma, des arts visuels ou du spectacle vivant pourront aborder les thématiques suivantes sans nécessairement s’y limiter :
- Irlandité : Quels liens sont tissés entre histoire personnelle et Histoire nationale irlandaise dans les autoportraits narratifs ou visuels ? L’identité irlandaise de l’artiste est-elle pleinement assumée ou au contraire délibérément/catégoriquement rejetée ?
- Genre : L’art ou la pratique de l’autoportrait est-elle influencée par le genre ? Comment le genre influe-t-il sur la gestuelle et la présence du corps, sur la visibilité, sur l’expressivité et la voix ?
- Tradition et pacte : Comment est-ce que l’artiste subvertit la tradition de l’autoportrait et le pacte qu’il implique? Cette subversion s’apparente-t-elle à un acte artistique, social ou politique ?
- Habiter son autoportrait : Y a-t-il plus d’extimité dans un autoportrait performatif que dans un autoportrait littéraire ou pictural? Comment le corps physique s’articule-t-il au corpus textuel ? A quelles modulations (de voix ou de point de vue) les artistes ont-ils recours dans leurs autoportraits, autobiographies et autres autofictions ?
- Matérialité et forme : En quoi la forme fait-elle signe ou symptôme ? L’entreprise par laquelle l’artiste s’efforce de se dire ou de se représenter lui-même, de saisir son moi évanescent et de le traduire sous la forme d’une image tangible et cohérente est-elle vouée à l’échec ?
- Temporalité : Quel est le facteur déclencheur de l’autoportrait? L’autoportrait fait-il signe ou symptôme tout en abolissant le temps ? L’autoportrait a-t-il valeur de monument ? La représentation de soi t son interprétation sont-elles modifiées dans le temps ?
Les propositions de communication (environ 250 mots) sont à envoyer, accompagnées d’une courte biographie (100 mots) à Valérie Morisson (Valérie.Morisson@u-bourgogne.fr) et à Christelle Serée-Chaussinand (Christelle.Chaussinand@u-bourgogne.fr)
pour le 30 avril 2012.
Merci de nous faire parvenir ces documents comme fichiers attachés, sous format Word.
Contact : Valérie Morisson, Valérie.Morisson@u-bourgogne.fr
URL de référence : http://calenda.revues.org/nouvelle22609.html
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