L’Unité de Recherche École et Littérature
(Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université de Sousse)
organise un colloque interdisciplinaire :
École, esprit critique et émancipation par le savoir
Sousse, 19-20-21 avril 2012
Dernier délai pour l’envoi des propositions : 30 novembre 2011
Dans une publication récente (Le Devoir de résister, 2007), Ph. Meirieu déclare qu’« un apprentissage n’est formateur que s’il allie, dans le même temps, acquisition de connaissances et projet d’émancipation ». Il est vrai aussi, Bachelard l’a confirmé depuis longtemps, que l’accès à la connaissance est en lui-même libérateur, parce qu’une vérité scientifique, tel ou tel élément de savoir viennent toujours battre en brèche des idées reçues, invalider des préjugés établis, rompre avec tous les mensonges préalables, bref, « contredire un passé » (La Formation de l’esprit scientifique, 1938) ; mais l’on sait également, et depuis plus longtemps encore, que l’ignorance engendre la servitude, – ce qui signifie rien moins que l’acte d’enseigner est de facto un acte d’émancipation. Reste que la servitude n’est pas rare encore aujourd’hui, en dépit d’une scolarisation obligatoire et gratuite depuis plusieurs générations, – à croire que notre enseignement, Jean-Claude Michea le définit justement en ces termes, est un « enseignement de l’ignorance » (1999). Il devient donc urgent d’entendre l’appel de Ph. Meirieu, qui a raison de faire de cette émancipation un projet d’apprentissage, un idéal éducatif. Enseigner doit permettre à l’élève d’acquérir non seulement un savoir mais aussi et dans le même temps, comme le dit Meirieu lui-même, un rapport au savoir.
On l’aura donc compris : l’émancipation a partie liée avec la pensée critique, ce qu’on appelle traditionnellement l’esprit critique, un rapport critique à la « vérité ». On se souvient de Georges Canguilhem, qui considère que la mission de l’école est de préparer l’homme à se faire le juge de toutes les valeurs…
Les questions que pose ce colloque, et auxquelles il appartient à chacun de répondre en fonction de sa discipline d’enseignement, peuvent par conséquent se décliner de la manière suivante :
– A l’heure où, contexte général oblige, on parle de « défaite de la pensée » (A. Finkielkraut), que faire, à partir de l’école, pour inverser la tendance, pour accéder, faire accéder, à la pensée critique ?
– Comment associer le « penser par soi-même », forme suprême de la liberté, et le déjà-là, les acquis communs en matière de connaissance, le « prêt à penser » ?
– Comment intégrer, en pédagogie, processus de transmission et processus d’émancipation ? Comment allier autonomie et directivité, ce qui intéresse l’élève et ce qu’il lui importe de connaître, ce qu’« il ne lui est pas permis d’ignorer » (Jules Ferry) ?
– Comment coordonner, articuler, combiner notre action didactique par-delà les clivages disciplinaires et les cloisonnements pédagogiques ? Comment réaliser à l’école un nécessaire « agir ensemble » ?
– Comment, enfin, croiser éventuellement émancipation scolaire et émancipation sociale, s’il s’avère que l’une n’est pas possible sans l’autre ?
Autant d’interrogations qui impliquent des démarches pédagogiques spécifiques mais aussi, sans doute, des contenus d’enseignement nouveaux : « Pour qu’on enseigne aussi, à côté des théorèmes mathématiques et des lois physiques, la manière dont les hommes les ont élaborées, se sont battus contre l’ignorance et l’assujettissement, ont subverti toute forme de cléricature » (Meirieu). Les sciences exactes se combineront alors avec les sciences humaines et sociales, où, dans les cours d’histoire par exemple ou d’économie, on apprendra, à côté de la vie des rois, la lutte des hommes et les prix qu’ils payent pour la liberté, ou encore, au-delà des phénomènes d’inflation et de déflation, les mécanismes aussi bien que les valeurs qui déterminent aujourd’hui la domination ravageuse des sociétés par le marché.
Mais les enseignants des belles-lettres et des beaux-arts ne seront pas en reste, évidemment. La littérature comme l’art, par définition, donnent de l’homme et du monde une image multiple, plurielle et problématique, qui en fait un mode d’accès au réel particulièrement favorable au développement de la pensée critique, du rapport critique à la connaissance. Encore faut-il, bien sûr, que littérature et art aient toujours de la place à l’école, et que, le cas échéant, leur usage pédagogique tire parti de leur potentiel révolutionnaire, en évitant toutes les formes de dérive, comme celles, depuis la lecture méthodique en France, de l’objectivisme ou du technicisme ambiants, qui en sont les derniers avatars. « Cela n’aurait aucun sens, dit Einstein, de décrire une symphonie de Beethoven comme des variations de pression ondulatoire. »
C’est sans conteste, au bout du compte, la question du sens qui est de retour, mettant en cause le statut même de l’éducation dans la société d’aujourd’hui. Faut-il se résigner au triomphe cynique de la réal-politique qui, au nom de l’« adaptation » de l’école à la société, en fait un simple rouage de l’économie marchande, ou au contraire – c’est l’alternative que défendra le colloque – chercher à la remettre sur la voie de l’humanisme, dans le cadre d’un projet global de civilisation, d’une « politique de civilisation » (E.Morin), où apprendre c’est toujours et nécessairement, en dernière instance, apprendre à être libre ?
Comité scientifique :
Amor Séoud (Lettres, Université de Sousse), Hajer Ben Youssef (Lettres, Université de Sousse), Hafedh Jdidi (Beaux-arts, Université de Sousse), Ridha Lamine (Géographie, Université de Sousse), Adnène Mansar (Histoire, Université de Sousse), Hassine Dimassi (Economie, Université de Sousse), Amor Boubakri (Droit, Université de Sousse), Mounir Ben Fredj (Biologie, Université de Monastir), Aouni Mahjoub (Virologie, Université de Monastir).
Comité d’organisation : Naïma Tlili, Najeh Ajimi, Sana Masmoudi, Sameh Hamed, Faten Ben Lazreg, Mohamed Maalej, Nabil Najjara (Unité de Recherche Ecole et littérature, Université de Sousse)
Contact : nouha.tourki@gmail.fr
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