Au XVIe siècle, la libéralité reste, comme au Moyen Âge, une modalité capitale de la relation entre les Grands et ceux qu’ils protègent, les faisant profiter de leurs largesses. À travers cette création symbolique d’un lien par le don, le rang social se donne en spectacle et la place de chacun dans un corps politique fortement hiérarchisé se trouve clairement affirmée. Pourtant, dans le chapitre XVI du Prince, « De liberalitate et parcimonia », Machiavel dit préférer un roi ladre à un roi libéral. Il paraît ainsi prendre le contre-pied d’un des principes les plus fondamentaux exprimés par les traditionnels Miroirs des Princes. Par ailleurs, dans la pensée d’Érasme, de Budé, ou encore de Montaigne, on constate que la notion tend à perdre sa place de vertu modérée, à égale distance entre prodigalité et avarice.
La libéralité constitue donc, à la Renaissance, un objet complexe : à certains égards critiquée, elle conserve pourtant une forte valeur positive. Ambivalente, elle exerce sur les artistes et les auteurs une sorte de fascination, théorique comme esthétique. Elle fait également l’objet de redéfinitions qui engagent à réévaluer l’organisation sociale et politique du temps.
La revue numérique Le Verger souhaite consacrer son deuxième numéro à cette riche notion. Plusieurs questions peuvent être envisagées :
– Si, pour reprendre le mot de Starobinski commentant l’Eve du Corrège, « le geste du don inaugure l’histoire humaine », cette offrande n’en comporte pas moins des variantes selon les époques : dans un contexte d’évolution de la notion, quelles sont les spécificités de la libéralité par rapport à la prodigalité, la largesse, la générosité ou encore la charité ? Quelles sont les notions qui s’y opposent et/ou qui s’y substituent à la Renaissance ?
– Si être libéral signifie à l’origine « être libre », comment articuler cette situation politique avec les obligations sociales, fortement codifiées, qu’induit le geste libéral ?
– À qui doit s’adresser le don pour que la largesse des Grands se manifeste avec l’à-propos attendu ? Y-a-t-il par ailleurs un temps, un espace adéquats pour ce geste ? À l’inverse, y a-t-il des contextes où se montrer libéral est malvenu ? En ce cas, la libéralité peut-elle conserver son nom ? Peut-on, en somme, dresser le tableau d’une « bienséance » de la libéralité à la Renaissance ?
– Montaigne critique la libéralité chez le Prince, mais la compte parmi les qualités de l’ami (« De l’Amitié », Essais, I, XXVIII) : serait-ce le signe d’un glissement de la notion de la sphère publique à la sphère privée, voire d’une relation verticale à une relation horizontale ?
– La libéralité engendre des images, dans les œuvres littéraires comme dans les Beaux-Arts : cornes d’abondance, guirlandes de fleurs et de fruits, geste du semeur qui fertilise la terre, pluies d’or. Quelles sont celles que privilégie la Renaissance ?
– Le don libéral est avant tout un geste politique et social. À l’époque du développement du « capitalisme », les mutations de la notion et de la valeur qui lui est accordée sont-elles liées à une perspective économique ?
Le Verger est une revue seiziémiste pluridisciplinaire qui accueille des articles émanant de spécialistes de littérature, d’histoire de l’art, d’histoire, de philosophie et, plus largement, de toute science humaine. Les numéros de la revue sont dirigés par l’équipe de Cornucopia et soumis à l’approbation d’un comité de lecture.
Calendrier :
– avant le 24 octobre 2011 : adresser une proposition comportant un titre provisoire et un résumé d’une page maximum à l’adresse suivante : site.cornucopia@gmail.com
– fin novembre 2011 : réponse du comité de lecture.
– avant le 30 avril 2012 : remise des articles sous forme électronique, respectant la feuille de style (http://personae.jimdo.com/a-le-verger-revue-en-ligne/feuille-de-style/).
– 18 juin 2011 : mise en ligne du numéro.
Source : http://personae.jimdo.com/1-colloques-journées-d-étude-conférences-seiziémistes/
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