Appel à publication : « La représentation de l’architecture autour de ses déclinaisons figurées », Revue de l’association d’histoire de l’architecture

L’association d’histoire de l’architecture lance une nouvelle revue à comité de lecture, qui paraitra sous forme électronique à partir du printemps 2017. Cette publication sera composée de numéros thématiques, placés pour chacun d’entre eux sous la responsabilité éditoriale de l’équipe de deux à trois personnes à l’origine de la proposition.

logo_AHACes numéros comprendront toutefois en plus des dossiers thématiques des varia et des articles hors thème, qui peuvent donc être soumis à tout moment.

Les propositions reçues seront analysées et sélectionnée par le comité éditorial, qui s’appuiera au cas par cas sur des expertises demandés à des spécialistes de la période ou du thème abordés. Les textes retenus feront ensuite l’objet d’une relecture scientifique anonyme.

Issu des réunions préparatoires qui se sont déroulées ces derniers mois, le comité éditorial se compose de : Elisa Boeri, Robert Carvais, Anne-Marie Chatelet, Stéphanie Dadour, Aurélien Davrius, Michale Decrossas, Jean-Philippe Garric (responsable), Shahram Hosseinabadi, Hélène Jannière, Ariela Katz, Elise Koering, Guy Lambert, Emilie d’Orgeix, Caroline Maniaque, Catherine Maumi, Antoine Picon, Pierre Pinon, Carmen Popescu, Matteo Porrino, Eve Roy et Nathalie Simonnot.

Ce premier appel à contributions a été rédigé par Éric Monin et Nathalie Simonnot

La représentation de l’architecture autour de ses déclinaisons figurées

Depuis la fin du XIXe siècle le développement croissant de la société de consommation s’est accompagné d’un renouvellement des techniques de conditionnement de la marchandise. Aux raisons sanitaires, pratiques et économiques qui ont commandé l’évolution des emballages se sont vite ajoutées des considérations esthétiques capables de signaler efficacement et agréablement la provenance mais aussi la nature des produits présentés aux consommateurs. Dans ce contexte, la mise en scène par un bel emballage des marchandises disposées sur les rayons des boutiques puis des grands magasins constitua dès le Second Empire un artifice important dans le système de séduction qui s’installait alors à grande échelle. Dans le vaste corpus d’images qui allaient servir à alimenter un imaginaire marchand capable de toucher la corde sensible du grand public, l’architecture joua très tôt un rôle essentiel en colonisant les boîtes de fer blanc, les sachets en papier et tout type d’emballage comme les boîtes de cigares, mais aussi tout un lot de produits dérivés offerts aux enfants et servant à fidéliser les jeunes consommateurs et leurs parents1.

Cette marche en avant de l’architecture qui commençait à s’imposer dans l’espace de la consommation à grand renfort de représentations iconiques concernait également de nombreux autres supports chargés de rendre compte de l’activité des commerces et des industries. Les papiers à en tête dont les factures émises par ces établissements témoignent par exemple d’un corpus considérable encore mal étudié. Pour les produits de consommation courante, comme pour les cartes de visite de certains groupes attachés à la magnificence de leurs sièges sociaux et aux vues d’ensemble de leurs bâtiments d’usine, l’architecture est considérée comme une signature capable de rendre compte de la notoriété d’une firme, de la spécificité d’une marque attachée à une région dont quelques monuments servent à fixer l’image et que l’on retrouve, par exemple, sur les sacs plastiques après la Seconde Guerre mondiale2. Le procédé est à peu près le même au moment des expositions universelles au cours desquelles l’excellence d’une entreprise semble liée à l’image de son pavillon d’exposition et à ses diverses déclinaisons sur quantité de supports.

Mais cette architecturophilie qui s’installe un peu avant le XXe siècle grâce aux techniques de duplication de l’image prendra encore bien d’autres formes comme le souligne le développement des jeux de construction, les motifs des papiers peints, les timbres-poste3 ou bien encore les dizaines de milliers de cartes postales4 éditées elles aussi dès la fin du XIXe siècle. Depuis cette époque, la place occupée par les images d’architecture dans notre quotidien ne faiblit pas.

Qu’elle soit produit de l’industrie touristique, représentation d’édifices traduisant une valeur symbolique, cadre peuplant les vignettes de bandes dessinées5, guides de voyages6 ou représentations d’images de marque pour les entreprises, l’architecture subit un processus de transfert qui en assure, indirectement ou non, la promotion. Le souvenir du monument est conservé sous la forme de produits dérivés qui varient selon les modes et les utilisations allant du simple objet décoratif aux produits les plus utilitaires (boules à neige7, porte clefs, articles de maison, accessoires vestimentaires, etc.). « Les objets populaires (…) envahissent les portes de réfrigérateurs et les pare-brises des voitures »8, « symbolisant une consommation touristique standard et impersonnelle [mais qui] de retour chez soi, [va] introduire le temps des vacances dans celui du quotidien »9. Il s’établit ainsi avec l’architecture une sorte de proximité immédiate, naturelle. Un air de déjà vu donne à toutes ces images une légitimité évidente, une familiarité rassurante.

Cette omniprésence de l’image, déjà signalée par Ernst Gombrich au début des années 196010, témoigne de la manière dont l’architecture, unique, localisée, voire éphémère, s’impose à grande échelle dans des stratégies de diffusion économique. L’image de l’architecture est manipulée, transformée ou détournée pour servir un nouveau propos, bien éloigné parfois de l’histoire de l’édifice elle-même. Quel sens prend l’architecture une fois réduite à un format minuscule, rangée dans un album de photographie de famille, montrée dans des manuels scolaires ou associée aux anneaux olympiques ? Même s’il est largement stimulé par les nouveaux moyens de production et de diffusion de l’ère industrielle, ce phénomène de médiation concerne bien évidemment les périodes antérieures. Des poteries antiques aux toiles de Jouy du XVIIIe siècle, l’architecture s’invite sur un grand nombre de supports qui en offrent quantité de déclinaisons figurées. Des livres d’Heures aux sites internet, l’architecture se montre pour signaler la magnificence d’un prince ou asseoir la notoriété d’une firme. Au-delà de la réalité parfois spectaculaire d’une œuvre construite, en véhiculant une image plus ou moins conforme, sa représentation participe également à la construction d’un mythe. Ce déplacement de la parcelle à une représentation collective donne à l’architecture la possibilité de dépasser sa réalité construite pour atteindre un état second inaltérable et capable de perpétuer la forme originale d’un projet parfois soumis à rude épreuve. S’intéresser à la diversité des représentations de l’architecture, c’est donc aussi poser la question de la mémoire des formes construites et évoquer les différentes manières de saisir la trace d’une œuvre au gré des époques qu’elle a traversées. Il s’agit de penser la richesse des sources qui servent à faire de l’histoire de l’architecture en embrassant ici la pluralité des supports témoins d’une multiplicité de points de vues.

L’objectif de cet appel est d’analyser les modes de réception de l’architecture au travers des représentations destinées à un large public de consommateurs. Il concerne toutes les périodes historiques et vise à comprendre comment une architecture peut être arrachée de son site par la puissance de la représentation figurée11, dans des processus maîtrisés et assumés (la construction d’images et de noms de marques) comme dans des dérives où elle est instrumentalisée au service d’autres besoins faisant perdre le lien avec le référent initial12. Entre archéologie de l’objet ordinaire et écriture d’une histoire culturelle reposant sur une variété innombrables de supports, ce questionnement sur les représentations des édifices interroge sur la manière dont on peut construire d’autres histoires de l’architecture, constituer de nouveaux corpus d’études en regardant d’un œil curieux des phénomènes si communs qu’ils échappent trop souvent à l’historien.

Les propositions d’articles en français, en anglais ou en italien, doivent comporter un titre, un résumé (2000 signes) et quatre mots clef. Elles seront adressées avant le 14 juillet 2016 à :

e.monin@free.fr et simonnotnathalie@gmail.com

http://www.histoire-architecture.org/archives/1338

1 Touillier-Feyrabend, Henriette, « Châteaux en albums », in Made in Chambord, Paris : édition du Patrimoine, 2007, p. 41-67.

2 Exposition Ces architectures qui nous emballent, École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille / Maison de l’architecture de Picardie, Amiens, 3 juin au 22 juillet 2014. Commissariat d’exposition : Éric Monin.

3 Exposition Archi-Timbrée. Voyage philatélique dans l’architecture, Cité de l’architecture et du patrimoine et musée de la Poste, 15 avril au 21 septembre 2015. Voir aussi Richard Klein, « L’architecture contemporaine, l’événement et le timbre-poste », in R. Klein et É. Monin (dir.), L’architecture et l’événement, Cahiers Thématiques n°8, Ensap de Lille, FMSH, Paris, 2009, p 167-173.

4 Liaudet, David : http://archipostcard.blogspot.fr/; Pernot (Mathieu), Le Grand ensemble, Paris : Le Point du Jour – Centre d’Art, 2007 ; Burriel Bielza, Luis, Le Corbusier. La passion des cartes, Bruxelles : Mardaga, 2013.

5 Exposition Archi & BD, la ville dessinée, Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 9 juin au 28 novembre 2010.

6 Cohen, Evelyne, Vajda Joanne et Toulier, Bernard, « Le patrimoine des guides : lectures de l’espace urbain européen », In Situ n°15, 2011. En ligne : http://insitu.revues.org/111.

7 Le Centre canadien d’architecture à Montréal possède ainsi dans ses fonds d’archives une collection de boules à neige représentant des monuments.

8 Hergott, Fabrice, Préface, in Schnitzler, Bernadette et Schnitzler, Françoise (dir.), Archéopub. La survie de l’antiquité dans les objets publicitaires, Strasbourg : Musées de Strasbourg, 2006, p. 9.

9 Perlès, Valérie, « Et l’image créa le touriste… », in Made in Chambord, Paris : édition du Patrimoine, 2007, p. 151.

10 Gombrich, Ernst, L’art et l’illusion. Psychologie de la représentation picturale, Paris : Gallimard, 1971, p.27. Traduit de l’anglais par Guy Durand, [1960].

11 Lardière, Bernard, « Représentations pour servir à autre chose », in L’architecture en représentation, Paris : Ministère de la Culture – Direction du Patrimoine – Inventaire général des monuments et des richesses de la France, 1985. pp.194-198

12 « Il arrive même parfois que la réalité dépasse la fiction, que les filiations s’inversent et que la marque supplante sa référence. Ainsi, pour un grand nombre d’Américains, Chambord n’évoque pas tant le château, connu d’une élite, que la liqueur du même nom » (Perlès, Valérie, « Chambord à tous prix », in Made in Chambord, op. cit., p. 256).

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