Journée d’études : « À l’ombre des maîtres : les artistes dits « secondaires » dans les arts en Europe du XIIe au XIXe siècle » (Nantes, 5-6 décembre 2019)
Lieu : Auditorium de la Maison des Sciences de l’Homme Ange Guépin, 5 allée Jacques Berque, 44000 Nantes.
Entrée libre sur inscription par le site : https://ombredesmaitres.sciencesconf.org
L’histoire de l’art se définit en grande partie par l’étude de la figure de l’artiste, et surtout par celle des maîtres autour desquels gravitent de nombreuses figures considérées comme secondaires. Une telle catégorisation est due en grande partie aux critères de valeur que la recherche applique aux œuvres. Pour autant, il faut prendre en compte les pratiques historiques propres à chaque espace géographique au sein du continent européen. La péninsule italienne dispose ainsi d’une tradition biographique très forte dont l’exemple vasarien des Vite de’più eccellenti pittori, scultori e architettori (1550) connaît une fortune certaine avec Giovanni Baglione, Giovanni Pietro Bellori, Carlo Cesare Malvasia ou encore Filippo Baldinucci. La volonté d’exhaustivité de ces textes permet de renseigner un nombre conséquent d’artistes et artisans. Ainsi, dans un grand nombre de cas, l’historien de l’art ne part pas de rien, il exhume la mémoire de personnalités et de leurs pratiques. A contrario, le cas français se distingue par un intérêt très prononcé pour quelques grandes figures provoquant l’oubli de tous ceux qui n’ont pas profité d’une reconnaissance publique de leur vivant. Il faut en effet attendre l’engouement d’érudition du XIXe siècle pour que certains lettrés ou historiens, souvent à l’échelle locale, publient des compilations de biographies d’artistes. Pour le Maine par exemple, le Dictionnaire des artistes et artisans manceaux de l’Abbé Denis (1899) regroupe tout à la fois peintres, verriers, sculpteurs, maçons… Une démarche qui trouve un début d’aboutissement par la publication entre 1911 et 1923 du Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les Pays par E. Bénézit. Une connaissance encyclopédique qui se fait toutefois au profit des grandes figures et au détriment de certains noms moins remarqués. Ces deux modèles témoignent des enjeux liés aux contextes historique et géographique, lesquels influent sur notre définition de ceux que l’on considère être des artistes secondaires. Aussi, ces notions de figures premières et secondaires interviennent dans des cadres précis où leurs rôles sont toujours interdépendants, que ce soit concrètement (liens avérés) ou symboliquement (liens supposés).
Le cas incontournable de l’atelier est ainsi à questionner : comment se compose-t-il ? Quel rôle est dé-volu à chacun de ses membres ? De la préparation des couleurs à l’exécution de certaines parties de la toile, du moulage à la fonte d’un bronze ou encore du dessin de projet à la conduite d’un chantier, quelle évolution et quelle autonomie ont les élèves par rapport à leur maître ? Vasari nous a livré une vision progressiste de l’histoire de l’art qui a pendant longtemps dominé la discipline : l’élève finit inévitablement par dépasser le maître (Michel Ange et Ghirlandaio) ou par éclipser le père (au XVIIe siècle Gian Lorenzo Bernini et Pietro Bernini). Mais qu’en est-il de ceux qui n’ont pas été retenus ou restent des petites mains toute leur vie ? Leur rôle secondaire l’était-il vraiment ? Finalement, il s’agit de comprendre les modalités de dépendance et d’émancipation des artistes par rapport à un maître, un modèle ou une technique.
Parallèlement, nombre d’études (récentes ou anciennes) opposent un ou plusieurs chefs de file et leurs suiveurs. Une telle manière d’envisager les productions artistiques sous-entend que les « suiveurs » sont soumis à leur chef de file et donc peu enclins à formuler de nouvelles propositions. Or dans les faits, il reste très difficile de limiter les perspectives de recherche selon ce point de vue tant nos connaissances historico-artistiques ne peuvent être exhaustives. Se pose alors la question : pourquoi une telle classification ? Qu’est-ce qui distingue le chef de file de ses suiveurs ? Le suiveur ne peut-il pas être chef de file lorsqu’on le regarde d’un point de vue différent ? Dès lors, est-il forcément un artiste dit « secondaire » ? Au fond, il ne s’agit pas tant d’analyser les rapports entre ces profils artistiques mais plutôt de comprendre ce qui fait la singularité de ces personnages dissimulés par le nom de ceux qui les précède.
Programme :
Journée du 5 décembre
9h30 : Ouverture et introduction : Mathilde Legeay & Jessy Jouan
10 h – 13h : Session 1 : Ateliers et familles d’artistes
Présidence : Pascal Julien & Camille Broucke
- Sylvain Chardonnet : La double-identité du sculpteur à l’époque romane – Lorsque le tailleur de pierre se fait sculpteur (XIIe –début XIIIe siècles). Université Montpellier III.
- Carol A. Taddeo : The Artistic Production of Antonio del Massaro : An Alternative View of the Quattrocento Workshop Assistant. University of Edinburgh.
Pause
- Gloria Antoni : « Con molta sua fatica studio et assiduità », la formazione di Jacopo Zucchi nella bottega di Giorgio Vasari. Università Roma Tre.
- Lisa Sapy : Nicolas-Sébastien Adam, « Disciple de son frère ». De la difficulté de se faire un prénom au sein d’une famille d’artistes. Université Montpellier III.
- Elodie Le Beller : Collaboration et hiérarchie dans l’atelier de Haute-Claire. Université Rennes II.
14h30 – 17h30 : Session 2 : Productions artistiques à la marge et complémentarité des pratiques
Présidence : Emmanuel Lamouche & Marie Ferey
- Amal Azzi : Les sculpteurs ornementistes de la cathédrale romane de Nantes (XIIe – XIIIe siècles). Université de Nantes.
- Charline Bessière : Romolo Ferrucci del Tadda : Sculpteur animalier à Florence à la fin du XVIe siècle. Paris EPHE.
Pause
- Vladimir Nestorov : Petits maîtres et grands travaux : la foule des peintres dans le Louvre d’Henri IV (1594-1617). Université de Bourgogne Franche-Comté.
- Éric Sergent : Marbriers et sculpteurs, artistes « secondaires » de l’art funéraire ? Université Lumières Lyon II.
- Justine Lécuyer : Les tapissiers-décorateurs dans la seconde moitié du XIXe siècle : dans l’ombre des architectes. Université Paris Sorbonne.
Journée du 6 décembre
9h30 – 12h30 : Session 3 : Carrières et pratiques: le rôle des Académies et des corporations.
Présidence : Hélène Rousteau-Chambon
- Bruno Guilois : L’Académie de Saint-Luc parisienne aux XVIIe et XVIIIe siècles : une communauté d’artistes secondaires ? Université Paris Sorbonne.
- Perrine Vigroux : À l’ombre de l’Académie royale de peinture et de sculpture : Dorothée Massé ou le parcours oublié d’une sculptrice sur bois. Université Montpellier III.
Pause
- Julia Castiglione : Pietro Contini, peintre, doreur et expert à Rome (1592-1635). Université Paris III Sorbonne Nouvelle.
- Pierre-Olivier Ouellet : François Baillairgé (1759-1830) depuis l’Histoire de l’expansion de l’art français : de la mention à la reconnaissance. Professeur Associé au département d’histoire de l’art, Université du Québec, Montréal.
- Auriane Gotrand : La lutte pour la reconnaissance des peintres-verriers au XIXe siècle : le cas de Claudius Lavergne. Université Paris Sorbonne.
14h – 17h : Session 4 : Dépasser la hiérarchisation ?
Présidence : Jean-Marie Guillouët & Martial Guédron
- Maritchu Etcheverry : Des artistes oubliés : sculpteurs navarrais dans l’ombre du Maître de la cathédrale de Pampelune (première moitié du XIIe siècle). Université de Pau et des Pays de l’Adour.
- Matteo Chirumbolo : Secondary artists for secondary patrons: Girolamo Basso della Rovere (ca. 1440 – 1502), Bernardino de Cuppis (d.1513?) and the Marian fresco cycles at Santa Maria del Popolo and Sant’Onofrio al Gianicolo (Rome). Courtauld Institute of Art, Londres.
Pause
- Yvon Plouzennec & Marie-Luce Pujalte-Fraysse : L’échec fait-il la figure secondaire ? Études croisées de deux carrières d’architectes au siècle des Lumières. UniversitÉ Paris Sorbonne, UniversitÉ de Poitiers.
- Morgane Weinling : Réhabiliter les « petits maîtres de l’école de 1830 » : entre justice de l’histoire et marché de l’art. Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
- Sophie Harent : La chaîne des talents à travers les siècles. Conservateur et directrice du musée national Magnin, Dijon.
Journées organisées par l’UMR 6566 CReAAH (Centre de recherche en Archéologie, Archéosciences et Histoire) et le laboratoire LARA (Laboratoire de recherche en Archéologie et Architectures) de l’Université de Nantes en collaboration avec l’Inventaire du Patrimoine de la région des Pays de la Loire.
Comité d’organisation :
- Mathilde LEGEAY, Doctorante en histoire de l’art moderne, Université de Nantes.
- Jessy JOUAN, Doctorant en histoire de l’art moderne, Université de Nantes / Inventaire du Patrimoine de la région des Pays de la Loire.
Comité scientifique :
- Camille BROUCKE, Conservatrice du Patrimoine, chargée des collections d’art médiéval, département de Loire-Atlantique.
- Marie FEREY, Attachée de Conservation, chercheuse à l’Inventaire du Patrimoine de la région Pays de la Loire.
- Martial GUÉDRON, Professeur d’Histoire de l’art moderne, Université de Strasbourg.
- Jean-Marie GUILLOUËT, Maître de conférences HDR en Histoire de l’art médiéval, Université de Nantes.
- Pascal JULIEN, Professeur d’Histoire de l’art moderne, Université de Toulouse II.
- Emmanuel LAMOUCHE, Maître de conférences en Histoire de l’art moderne, Université de Nantes.
- Hélène ROUSTEAU-CHAMBON, Professeur d’Histoire de l’art moderne, Université de Nantes.
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