Parution : « L’imaginaire des grottes dans les jardins européens »

Mosser, Monique et Brunon, Hervé, L’imaginaire des grottes dans les jardins européens, Paris : Hazan, 2014

400 pages – 26 x 31 cm

Volume relié sous jaquette avec étui habillé – 304 illustrations

Parution : 2014

Prix : 125 €

ISBN : 9782754104890

Pour découvrir l’ouvrage sur le site des éditions Hazan, cliquez ici.

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Dès l’Antiquité, puis de la Renaissance à nos jours, les grottes artificielles constituent un topos incontournable dans la création des jardins de toute l’Europe, soumis à d’infinies variations de formes, au gré des changements de goût, de l’excentricité des mécènes et de la fantaisie des concepteurs. Ce sont des milliers de grottes qui furent aménagées au cours des cinq derniers siècles selon des échelles extraordinairement variées allant de la simple niche abritant une petite fontaine à l’immense chaos naturel transformé en paysage sublime. Beaucoup ont disparu, en raison de l’extrême fragilité de ces décors précieux, mais d’admirables réalisations témoignent encore de cet engouement jamais démenti, notamment en Allemagne, en France, en Italie ou au Royaume-Uni, au Portugal et en Russie, en Finlande et Ukraine. En rendant compte sans volonté d’exhaustivité – à travers plus d’une centaine d’exemples illustrés grâce à des prises de vue actuelles d’excellente qualité – de la richesse de ce patrimoine relativement méconnu, l’ouvrage vise à explorer les enjeux de cette fascination ininterrompue pour les grottes de jardin et à mettre en lumière l’inventivité formelle et technique à laquelle elles ont donné lieu. Il ne s’agit pas d’aborder les grottes en tant que motifs autonomes et isolés, mais bien de les inscrire tant dans leur contexte spatial et culturel, en considérant le rôle qu’elles tiennent dans la composition et la poésie du jardin, l’écriture du relief et des eaux miroitantes ou jaillissantes, la narration de la statuaire, et la manière dont elles révèlent les aspirations de chaque époque ou de chaque individu. Une centaine de documents iconographiques – illustrations encyclopédiques, peintures allégoriques, portraits, décors de théâtre, etc. –, permettent d’évoquer leur arrière-plan à la fois artistique, littéraire, scientifique, technique, religieux, philosophique ou encore anthropologique. Si le jardin opère comme microcosme, la grotte constitue à son tour un monde en réduction, une cristallisation de l’imaginaire s’incarnant dans des formes sensibles qui puisent à la réalité des lieux et poussent le vocabulaire ornemental à son paroxysme, qu’il relève du rustique, du grotesque ou encore de la rocaille. L’accumulation des matériaux et l’intensité des effets sonores et lumineux produisent des fantasmagories théâtrales ; la pénombre, les anfractuosités favorisent une intimité qui renvoie aux origines. Dépassant le simple catalogue par pays ou par périodes, les douze chapitres diachroniques de ce livre embrassent une série de catégories littéraires, esthétiques ou anthropologiques, qui, du primordial au profane en passant par le tellurique, le merveilleux et le diluvien, déclinent la poétique profonde des éléments et des émotions à l’œuvre dans la grotte.

SOMMAIRE

Avant-propos

Introduction

Qu’est-ce qu’une grotte de jardin ? Des éclaircissements lexicaux et typologiques aident à situer ces dispositifs complexes et ambigus, à l’interface entre nature et culture. Où se situe la grotte dans le jardin ? Sa présence tient compte du climat, du relief, des ressources en eau, et s’inscrit dans l’ensemble de la composition et de la poésie du lieu. Quelques repères permettent d’illustrer les grandes étapes de leur évolution formelle, à travers des thèmes récurrents sur plusieurs siècles (grottes d’Apollon, de Vénus, etc.), et de témoigner de l’engouement pour les grottes artificielles qui constitue un phénomène d’ampleur européenne dans les jardins de la Renaissance à nos jours. De nombreuses figures mythiques sont associées aux grottes (Pan, Orphée, Ulysse, etc.). Ces structures fragiles posent des problèmes spécifiques de conservation et restauration. Quelques avatars modernes et contemporains (Arts Déco, Land Art…).

1. Le primordial

La grotte correspond à un archétype fondamentalement ambigu, entre lieu de délices et lieu d’effroi (Gaston Bachelard, Léonard de Vinci). Elle se rattache à l’imaginaire des origines de l’humain, de la naissance ou encore de l’enfance divine (giron, matrice). La grotte et le Paradis terrestre (Castello, Italie). La grotte et l’allégorie de la Nature. La grotte dans les mythes fondateurs de l’architecture (cabane, dolmen, troglodytisme).

2. Le tellurique

Associée à l’élément terrestre, la grotte renvoie aux origines de la matière du monde et s’insère dans un imaginaire géologique d’ordre à la fois scientifique et mythique, comme l’illustre le débat entre neptunisme et vulcanisme au XVIIIe en outre de modèles (Fingal, Capri, Antiparos, etc.). Les grottes participent à l’âme rocheuse du jardin, son infrastructure invisible (Méréville, France). Sous le signe de Vulcain, l’exploitation rationnelle des mines s’entremêle à la fascination pour les entrailles de la terre.

3. Le métamorphique

La mise en forme de la matière dans la grotte transcrit des processus temporels de transmutation en perpétuel devenir : du chaos à l’ordre, de la pierre brute à la pierre taillée, de l’artifice naturel à la nature artificielle, de l’édifice à la ruine. L’illusion d’un effondrement potentiel suscite un sentiment ludique de terreur (Boboli à Florence, Italie). Le motif de la sala terrena s’inscrit de même dans une dialectique entre dedans et dehors, visible et invisible (Isola Bella, Italie ; Potsdam, Allemagne). Le principe de pétrification nourrit l’idée de circularité entre les règnes, minéral, végétal, animal, humain (parc Guëll, Espagne).

4. L’aquatique

Combinant l’élément terrestre à l’élément aquatique, la grotte prend place dans le système orographique et le réseau hydraulique du jardin, dont les fontaines peuvent transposer la réalité géographique du territoire (villa d’Este, Italie). Issu de l’Antiquité, le thème architectonique et décoratif du nymphée développe une exaltation des sources et des fleuves (villa Giulia et villa Barbaro, Italie ; Tanlay, La Rivette et Menars, France). L’iconographie aquatique évoque la vitalité du monde sous-marin, règne de Neptune, de Thétis, des tritons et des sirènes (grotte Doria à Gênes, Italie).

5. Le merveilleux

S’inscrivant dans la culture des collections de merveilles et des cabinets de curiosités, la grotte expose les trésors de la nature : cristaux, stalactites, coquillages, coraux, fossiles, etc. (Grottenhof à Munich, Allemagne ; Goldney et Painshill, Royaume-Uni). La disposition de sculptures assimile également la grotte au musée (Lainate à Milan, Italie). La complexité de la mise en œuvre de ces matériaux, recensés par certains recueils de modèles (Joseph Furttenbach, Albert Seba), est aujourd’hui mieux comprise grâce aux études techniques et archéologiques.

6. Le fantastique

L’atmosphère nocturne des grottes, à la pénombre éclairée d’orifices et de flambeaux, est propice à l’apparition de formes étranges, voire surnaturelles : automates, dont le mouvement tient de la magie (Pratolino, Italie ; Saint-Germain-en-Laye, France) ; masques inquiétants et grimaçants ; animaux monstrueux (Vallenstein, Prague). La grotte abrite également enchanteurs et fées (Merlin, Morgane).

7. Le chthonien

La grotte introduit au monde souterrain et donc au règne infernal (Bomarzo, Italie ; Sofieska, Ukraine). Orphée est l’une de ses figures récurrentes. La grotte peut également se faire tombeau (Ermenonville, France) ou monument funèbre (Christian Cay Lorenz Hirschfeld).

8. Le diluvien

L’eau des grottes et des fontaines se déchaîne parfois, selon différents registres. Les scherzi d’acqua jaillissent à l’improviste pour arroser les visiteurs (Hellbrunn, Autriche ; L’Ermitage de Bayreuth, Allemagne). L’inondation ludique peut servir de support à l’évocation mythique du Déluge biblique ou païen (villa Lante, Italie). Le voile d’eau transfigure la vision du réel (Segrez, France). La puissance des cascades se mesure à la force sublime de grands sites exceptionnels (Wilhelmshöhe, Allemagne ; Buttes-Chaumont, France).

9. Le rocheux

Le motif de la grotte « contamine » fréquemment le reste du jardin, pour composer de véritables scénographies à l’échelle paysagère constituées d’amoncellements de rochers, de montagnes artificielles, etc., qu’il s’agisse d’aménagements entièrement artificiels (Bagatelle, France) ou de transformations spectaculaires de la topographie initiale (Sanspareil, Allemagne ; La Garenne-Lemot, France ; Monrepos, Finlande ; Artigas, Espagne ; Hawkstone, Royaume-Uni).

10. Le labyrinthique

La grotte se combine à une autre forme archétypale, le labyrinthe, pour composer des dispositifs complexes de parcours plus ou moins dédaléens à vocation initiatique (Boboli, Italie ; Ferrand, France ; Quinta da Regaleira, Portugal ; Mirano, Italie), parfois manifestement liés à la culture maçonnique (Wörlitz, Allemagne ; Schönau, Autriche). En outre, la grotte sert symboliquement de lieu de passage entre deux mondes (Saline d’Arc-et-Senans et Désert de Retz, France).

11. Le sacré

Lieu de séjour divin, la grotte évoque le culte des forces naturelles incarnées par certaines présence : Pan (Nymphenburg et Schwetzingen, Allemagne), nymphes (Stourhead, Royaume-Uni ; Rambouillet, France). À ce versant païen correspond un versant chrétien qui fait de la grotte une chapelle « naturelle » propice à l’adoration (Coulommiers, France ; Kuks, République tchèque) ou un ermitage associé à la retraite au désert (villa Guastavillani, Italie). Cette vocation méditative se prolonge dans le motif de l’antre où le poète reçoit l’inspiration des Muses (Twickenham, Royaume-Uni).

12. Le profane

Conçue pour le plaisir, la grotte accueille de multiples pratiques, devenant salle à manger pour banquets nocturnes (avec mobilier assorti), salle de spectacle et de concert (Linderhof, Allemagne) ou encore salle de bains (Hagley, Royaume-Uni ; Schwetzingen, Allemagne ; Salaberg, Autriche ; Tsarkoé Selo et Kouskovo, Russie). La pénombre de ce refuge intime abrite les rencontres furtives et les ébats amoureux, depuis l’union de Didon et Énée jusqu’aux décors suggestifs des maisons closes de la belle Époque.

Notes

Bibliographie

Index

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