Séminaire : L’histoire de l’art, obstinément. Intuitions, obsessions, régulations (Paris, 18 mars 2025)

« Toutes les histoires écrites sont des histoires de désir, emplies de besoins tout à la fois manifestes et latents qui outrepassent le seul pacte professionnel visant à comprendre ce qu’il s’est passé, et quand », écrivait Michael Ann Holly en introduction d’une collection d’essais publiée en 2013 sous le titre The Melancholy Art. L’auteure poursuivait dans ce livre une plus vaste réflexion sur l’écriture de l’histoire de l’art menée depuis une décennie au moins, et dont le colloque What is Research in the Visual Arts? Obsession, Archive, Encounter, organisée au Clark Art Institute en 2007 posait un premier jalon.

Dans la continuité de ces questionnements (comment naît, s’anime et s’achève un projet de recherche sur les arts visuels ?), ce séminaire propose d’explorer la manière avec laquelle les dynamiques d’obsession, d’accumulation, d’insistance – où ce que l’on appelle plus familièrement une « marotte » – affectent l’écriture de l’histoire de l’art. Selon leur nature (un motif récurrent, une thématique inexplorée, un dispositif conceptuel particulier…), elles rassemblent les chercheuses et chercheurs par affinités, structurent les moments de rencontres professionnelles et régissent les rapports informels au sein de la communauté savante.

Si Michael Ann Holly voit dans la « mélancolie » une notion permettant de distinguer l’histoire de l’art des autres sciences historiques et sociales, en ce qu’elle associe cette discipline à une tension fondamentale entre les sentiments de deuil et d’espoir éprouvés dans notre rapport aux objets du passé, ce prisme pourrait être complété par bien d’autres. Qu’elle se réclame du positivisme le plus strict ou succombe aux fantasmes fictionnels, qu’elle aboutisse à des entreprises méthodiques de compilation de données ou des interprétations déroutantes, qu’elle célèbre une illusoire « neutralité » ou se nourrisse de courants de pensée explicitement situés, chaque recherche porte en elle – consciemment ou non – sa raison d’être et les outils de sa réalisation. Ce séminaire entend partir sur leurs traces, en étudiant les phénomènes de sidération et d’intrigue relatifs à l’identification première d’un problème, en célébrant l’intuition et l’entêtement comme méthode, en tentant de comprendre comment et pourquoi un sujet prend corps par la recherche et l’écriture – quand le savant ne s’y trouve pas lui-même assujetti.

Représentant différentes traditions de recherche et couvrant tant que possible la variété des domaines de l’histoire de l’art tout en réévaluant sa position dans le champ des sciences humaines, les intervenantes et les intervenants de ce séminaire pourront tout aussi bien évoquer l’obstination telle qu’elle se manifeste chez d’autres (artistes, critiques, universitaires, conservatrices et conservateurs) qu’évoquer leurs propres manies ou persévérances, en ce qu’elles façonnent leur discipline et ses méthodes. À l’occasion de tables rondes thématiques ou de conférences, ils et elles partageront leurs convictions, leurs doutes et leurs impasses, ainsi que les modes de pensée à l’œuvre dans l’élaboration et la transmission de leurs travaux. L’un des enjeux de ce séminaire sera ainsi de renouer avec l’idée de passion, non pas envisagée comme un seul tropisme individuel, mais bien au contraire comme un sentiment nécessaire, sinon déclencheur du savoir académique, qu’il convient de situer.

Lieu : Institut national d’histoire de l’art, 2 rue Vivienne, 75002 Paris – Salle Walter Benjamin
Horaire : 17h30-19h30

Programme :

18 mars 2025 – Introduction
« Échafaudages. L’histoire de l’art et la construction du sujet »
Victor Claass (INHA)

1er avril 2025
Catalogues irraisonnés. L’histoire de l’art et la fureur catalographique
Isolde Pludermacher (conservatrice générale des peintures au musée d’Orsay)
Hadrien Viraben (ingénieur projets SHS à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chercheur associé au laboratoire TEMOS)

20 mai 2025
Motifs obsédants (I). Cheval, urinoir
Sophie Goetzmann (INHA)
Louise Thiroux (EPHE/INHA)

20 mai 2025
Ivresse de la donnée. Histoire de l’art, humanités numériques et frénésie compilatoire
Koenraad Brosens (université de Louvain) – conférence en langue anglaise

 

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