Appel à communication : « Art et libéralisme en France (1814-1830) : la contestation par l’image » (Lausanne, 17-18 mars 2016)

Jean-Baptiste Isabey, Caricature politique : un renard conduisant Louis XVIII avec un mors, c. 1815, LouvreDepuis une vingtaine d’années, l’histoire de l’iconographie politique sous la Restauration a suscité un certain nombre de travaux. Plusieurs études consacrées à des artistes de premier plan (Th. Géricault, H. Vernet, J.-B. Isabey, N.-T. Charlet, A. Scheffer…) ont notamment permis de préciser les cadres d’élaboration, de diffusion et de réception d’œuvres élaborées dans les cercles de l’opposition libérale (bonapartistes, républicains, charbonniers, anticléricaux) et considérées comme potentiellement subversives par les monarchistes. Durant cette période, l’estampe et les œuvres séditieuses font en effet partie intégrante de la stratégie d’opposition, au même titre que les luttes électorales, les pamphlets littéraires et l’exposition de mémentos républicains ou bonapartistes. Le succès populaire des caricatures antinobiliaires est ainsi enregistré dans plusieurs quotidiens tels que le Journal des arts (16 juillet 1814) et le Nain Jaune (25 mai 1815). Les opposants au régime tirent alors volontiers partie de l’invention d’une nouvelle technique, la lithographie, qui permet la multiplication rapide des images et leur diffusion à moindre coût. Dans ce contexte, la volonté d’apaisement de 1814, exprimée par l’ouverture systématique de la Chambre des Pairs aux sénateurs de l’Empire, fait place à une attitude impitoyable à l’égard des « girouettes », pour reprendre ici le terme employé par A. Eymery et P.-J. Charrin (1815). La loi du 29 octobre 1815 suspend toutes les autorisations données aux journaux et annonce un contrôle renforcé des discours publics, des images et des écrits imprimés (9 novembre). Sont ainsi « déclarés coupables d’actes séditieux les auteurs, marchands, distributeur, expositeurs de dessins ou images dont la gravure, l’exposition ou la distribution tendrait »  à affaiblir par « des calomnies ou des injures, le respect dû à la personne du Roi, ou à la personne des membres de sa famille, ou que l’on aura invoqué le nom de l’usurpateur [Napoléon] au même but ». En 1819, les avancées libérales et la naissance de véritables débats parlementaires au sein de la Chambre des députés adoucissent toutefois le climat politique en France. La liberté de la presse est provisoirement restaurée mais l’assassinat, en 1820, du duc de Berry, entraîne de nouveau le musellement de la presse et un renforcement du contrôle des images.

Dans un temps où les enquêtes et les mises en garde se multiplient à l’encontre des opposants les plus actifs, ces mesures comminatoires ne parviennent toutefois pas à verrouiller complètement la circulation d’images considérées comme séditieuses. Entre la chute de Napoléon en 1814 et la mort de Louis XVIII en 1824, on retrouve ainsi souvent en filigrane d’œuvres militantes le souvenir ambigu de la Révolution ou de l’Empire qui favorise la prolongation de l’agitation (portraits de libéraux notoires, sujets militaristes, caricatures du roi et de ses ministres, œuvres d’apparence anecdotique mais dont la teneur politique est sous-jacente). Bien des ouvrages parviennent en outre à contourner habilement les chausse-trappes de la censure. Si les images royalistes mettent en avant les figures de François Ier, d’Henri IV ou même de Jeanne d’Arc, celles porteuses d’une idéologie de gauche s’inspirent de Washington, de Voltaire, de Necker, de Mme de Staël ou encore de La Fayette. Alors même que la nouvelle droite s’efforce d’écraser les idéaux des Lumières en prenant pour cible Benjamin Constant et d’autres parlementaires opposés aux Ultras, la célébration de personnalités fortes du libéralisme – notamment à l’occasion des journées électorales – devient un moyen subtil d’affirmer sa couleur politique sans attaquer de front la monarchie. Inversement, dans le rang des ultras, on s’attaque alors plus que jamais aux visages, aux symboles et aux emblèmes associés au libéralisme. Les caricatures antinapoléoniennes et antirépublicaines sont alors très nombreuses, en particulier celles qui prennent le roi de Rome pour cible.

Cette journée, organisée dans le cadre des activités de recherche du département d’histoire de l’art et de l’Institut Benjamin Constant de l’Université de Lausanne, a pour objectif de poursuivre la dynamique initiée par des travaux antérieurs à travers l’étude d’un corpus original, avec une attention toute particulière au portrait (peinture, sculpture, gravure/lithographie, caricature). Il s’agira de préciser le contexte de production et de réception de ces images en France entre 1814 et 1824 à partir de sources variées, souvent méconnues et relativement peu exploitées par les chercheurs, mais encore de mettre en exergue les obstacles auxquels ont pu se heurter les auteurs et/ou commanditaires de ces images et les polémiques que leurs initiatives ont éventuellement engendré.

On pourra notamment s’intéresser (cette liste n’est pas exhaustive) :

  • aux représentations de libéraux notoires (en examinant, par exemple, les récits qui les impliquent, leurs engagements personnels, les modes de diffusion et de reproduction de leurs portraits, la signification de leur récurrence lorsqu’ils sont gravés)
  • aux caricatures du roi et de son entourage (famille, Ultras…)
  • aux caricatures de Napoléon, du roi de Rome et des libéraux
  • aux modèles invoqués par les libéraux (grands hommes…) et reproduits par l’estampe, le dessin, la peinture ou la sculpture
  • à la figure du parlementaire
  • à figure du soldat d’Empire (demi-solde…)
  • aux collections de mémentos républicains/bonapartistes
  • à la politique de censure et au contrôle des images (lois, surveillance policière, saisie d’images, sanctions…)
  • aux stratégies de contournement de la censure (allusions iconographiques, symbolisme des couleurs, des fleurs, des gestes, présence d’accessoires significatifs…)
  • au vandalisme et à la destruction

Les propositions de communication, en français ou en anglais, comporteront un titre et un résumé (1500 signes) ainsi que des mots-clés. Elles seront accompagnées d’une brève bio-bibliographie de l’auteur et devront parvenir en format Word ou Pdf par courrier électronique, au plus tard le 1er septembre 2015, à la fois à Cyril Lécosse (cyril.lecosse@unil.ch) et à Guillaume Poisson (guillaume.poisson@unil.ch).

Les actes de cette rencontre seront publiés dans la revue des Annales Benjamin Constant (Ed. Slatkine-Genève / Ed. Institut Benjamin Constant / Lausanne), fin 2016.

Comité organisateur :

Cyril Lécosse (Maître assistant en histoire de l’art moderne, Unil) et Guillaume Poisson (Institut Benjamin Constant)

Comité scientifique :

Léonard Burnand (directeur de l’Institut Benjamin Constant, Maître d’enseignement et de recherche en histoire moderne, Unil) ; Annie Duprat (professeure d’histoire moderne, IUFM de l’académie de Versailles) ; Cyril Lécosse (Maître assistant en histoire de l’art moderne, Unil) ; Guillaume Poisson (Historien des représentations, Institut Benjamin Constant, Unil).

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