Au sein de l’histoire des arts appliqués, les années 1910 occupent une place cruciale que quelques faits marquants suffisent à rappeler : le Salon d’Automne de 1910 est caractérisé par la présence des artistes du Deutscher Werkbund et celui de 1912 voit Raymond Duchamp-Villon présenter sa Maison Cubiste aménagée par André Mare ; dès l’avant- guerre, Jacques Doucet fait appel à Paul Iribe, André Groult, Pierre Legrain ou Eileen Gray pour l’aménagement de son appartement de l’avenue du Bois ; la première exposition du Deutscher Werkbund se tient à Cologne en 1914 ; Gerrit Rietveld conçoit en 1918 la première version de sa fameuse chaise rouge et bleue ; le Bauhaus ouvre à Weimar en 1919 et la Compagnie des Arts français est créée par Louis Süe et André Mare la même année. L’hétérogénéité, tant esthétique que conceptuelle, dont font part ces quelques exemples, choisis parmi d’autres, renvoie aux difficultés définitionnelles que pose encore cette époque dans le domaine des arts décoratifs et du design. Si elles voient encore se diffuser les expressions les plus tardives de l’Art nouveau, les années 1910 n’en sont pas moins considérées comme pleinement représentatives des débuts de l’Art déco. C’est ainsi qu’elles ont notamment été appréhendées au sein de travaux fondamentaux, à commencer par ceux de Jean-Paul Bouillon (Journal de l’Art déco, Genève, Skira, 1988).
Au tout début des années 1910, l’achèvement de deux bâtiments emblématiques, la Casa Milà d’Antoni Gaudí à Barcelone et le Palais Stoclet de Josef Hoffmann à Bruxelles, apparaît finalement bien représentatif de cette coexistence des derniers feux de l’Art nouveau et des prémisses de l’Art déco. C’est cependant au-delà de l’idée quelque peu réductrice qui ferait de cette décennie une simple époque de transition entre Art nouveau et Art déco que ce colloque entend s’orienter.
En s’appuyant précisément sur la diversité et les paradoxes dont fait part la production concernée, la manifestation tentera de dégager les spécificités de cette période à la fois héritière du XIXe siècle mais déjà bien ancrée dans le XXe. Les arts décoratifs et le design seront abordés dans une perspective aussi large que possible, qui devra également envisager les liens évidents de ces domaines avec l’architecture. De façon non restrictive, seront particulièrement appréciées les propositions inscrivant la réflexion dans une perspective internationale, valorisant la polyvalence disciplinaire des créateurs, s’attachant à l’importance prise par la mode dans la genèse de l’Art déco, nuançant l’opposition entre le versant traditionnaliste de l’Art déco et les tendances modernistes ou s’intéressant aux années de guerre en tant que période de gestation de productions futures, comme en témoignent par exemple les carnets de Jacques-Émile Ruhlmann.
Organisé par Jérémie Cerman (Maître de conférences, Université Paris-Sorbonne – Centre André Chastel) dans le cadre du LabEx EHNE Écrire une Histoire Nouvelle de l’Europe (axe Traditions nationales, circulations et identités dans l’art européen, porté par le Centre André Chastel), ce colloque international se tiendra les 20 et 21 mai 2016 dans la Galerie Colbert. Les propositions d’intervention d’environ 2000 signes espaces compris, accompagnées d’une biographie de quelques lignes, sont à envoyer avant le 18 octobre 2015 à l’adresse suivante: lesannees1910@gmail.com.
http://www.centrechastel.paris-sorbonne.fr/actualites/appel-communications-les-annees-1910
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