Colloque international, Aix- Marseille Université, Aix en Provence, novembre 2012
Organisation : Département Arts et laboratoire du LESA
Organisateur : Patrick Lhot (Dpt .Arts plastiques et Sciences de l’art) et Shiyan Li (Docteure en Sciences de l’art)
Le principe de ce colloque interdisciplinaire, « Vertu des contraires : art, artiste, société », organisé en novembre 2012, par l’Université de Provence (Laboratoire d’Etudes en Sciences des Arts – LESA), est d’associer des chercheurs en France et à l’étranger ayant déjà exploré ou approché ce thème, chacun dans leur sphère de compétence respective, tout en espérant susciter de nouvelles recherches. Dans cette perspective, seront prévues deux journées, rassemblant les communications d’une douzaine de chercheurs confirmés.
Les propositions de communication ne devront pas dépasser 300 mots et comporter : nom et prénom des auteurs, court CV et bibliographie sélective, titre, fonction et institution de rattachement, coordonnées (adresse postale et électronique, téléphone), titre de la communication et principaux arguments.
Date limite de réception des propositions de communication : 15 juillet 2012
Les propositions doivent être adressées à Patrick Lhot (patricklhot@yahoo.fr)
Présentation thématique
L’hypothèse que nous soumettons, ici, comme base de travail pour ce colloque est la suivante : qu’il s’agisse du champ théorique( écrits d’artistes, théories de l’art) comme de celui des pratiques plastiques, il existe une figure (dans son sens structurel le plus général) qui oppose (ou dispose) des contraires, antagonistes ou complémentaires, comme une nécessité génératrice de théories et de pratiques spécifiques .
Peut-on avancer l’efficace d’une esthétique des contraires, alléguer une vertu spécifique à ceux-ci, en rapprochant, malgré la diversité de ses manifestations historiques ou culturelles par exemple, le concept de Coïncidence des opposés de Nicolas de Cuès au XVème siècle, l’oxymore de l’ horreur délicieuse , ce sentiment recherché par Edmund Burke dans sa philosophie du Sublime, au XVIIIème siècle, en Angleterre ou bien encore, les démarches plastiques des dadaïstes, dans leur recherche d’un « point d’indifférence » entre des pôles opposés ( Salomo Friedländer) et la nécessité d’établir des champs de tensions contradictoires (Hans Richter, Raoul Hausmann, Tristan Tzara, Hugo Ball) dans le processus créateur ?
Ne serait ce pas, aussi, l’occasion de réitérer l’hypothèse de l’existence d’une zone d’échanges, de transitions ou d’influences au cours de la modernité, entre les cultures de l’Orient et celles de l’Occident, précisément autour de cette question d’une esthétique des contraires ?
La réflexion portera avant tout sur la création artistique contemporaine dans sa transversalité (arts plastiques, musique, théâtre, cinéma, poésie ou littérature), sans nous priver de porter cette recherche dans le champ de la modernité et dans celui des sciences humaines (philosophie, ethnologie, histoire, psychologie), tant la question peut être traitée dans sa dimension généalogique, dans un jeu de comparaisons, de différences et d’interactions.
La figure des contraires, au delà de ses occurrences dans le langage ou dans les pratiques (contradiction, antagonisme, opposition, polarité, conflit, tension, dialectique, contrastes, dualité etc…) peut-elle avoir une valeur méthodologique ou même épistémologique nous permettant d’aborder sous un angle nouveau l’histoire de l’art, les œuvres et les démarches artistiques et plus largement de concevoir une dimension sociale , anthropologique ou politique de la pratique artistique ?
La démarche contradictoire en nous confrontant au Rien ou à l’expérience proche de l’implosion, frôle la disparition pure et simple. Mais en suspendant dans le temps et dans l’espace cette orientation funeste, elle capte la plus haute tension dans laquelle s’engouffre une vérité, contenue dans l’intervalle de pôles opposés mais complémentaires. Il y aurait non pas un espace-temps contrarié mais un espace-temps issu de la contrariété.
Faire appel à la figure des contraires n’est-ce pas l’étape nécessaire qui précède tout élargissement ou encore la stratégie rusée qui préside à toute transformation, lorsque nous ne saisissons plus clairement les limites et que, spontanément, nous abordons les choses par le milieu ?
Axes de travail
1 Un premier volet de la réflexion sera consacré à une approche philosophique de la figure des contraires .
2 Un second volet sera consacré au repérage et à l’ analyse de quelques exemples de ces figures de la « contrariété » dans des systèmes philosophiques occidentaux ; souligner l’ importance de la figure des contraires dans les philosophies de la polarité (la Coïncidence des opposés et la Docte ignorance du théologien Nicolas De Cuès, la dialectique chez Hegel, le Néant créateur chez Max Stirner, l’apollinien et le dionysiaque chez Niezsche…) ou extra-occidentaux (chinois, par exemple…)
3 Une troisième partie sera consacrée à la modernité naissante, à bien des égards, du XVIIIème siècle avec, en particulier, la séquence du passage du classicisme au romantisme et l’expérience du sublime (l’horreur délicieuse d’Edmund Burke), au sein de la peinture de paysage. Les contrastes de lumière en peinture s’amplifient, l’espace se radicalise en plans opposés, les pratiques picturales laissent apparaître du brouillage et de l’écart au sein même des règles de l’Imitation. N’y a t-il pas ici concomitance troublante entre contrariétés théoriques et contrariétés plastiques dans le contexte des Lumières ?
4 Une quatrième partie traitera de l’art du début du XXème siècle, notamment l’expressionnisme et le dadaïsme allemands. L’indifférence créatrice de Salomo Friedländer à Berlin, dans les années dix, marquent nombre d’expressionnistes et de dadaïstes tel que Raoul Hausmann. De nombreuses théories psychologiques font ressortir à Vienne et en Allemagne, l’importance des contraires sous la figure principalement du conflit : Freud et le conflit Oedipien, mais aussi Alfred Adler ou Otto Gross avec le conflit du Propre et de l’Etranger. Carl Einstein, historien de l’art berlinois, évoque, de son côté, la nécessité presque morale d’une expérience individuelle de dissociation dans la vision des œuvres d’art, seule capable, à ses yeux, de relever le défi du moderne en ouvrant au nouveau. Esthétique de la contradiction chez les dadaïstes : antagonismes revendiqués par Hausmann dans la procédure du photomontage, stratégies de désindividualisation ou d’effacement de l’auteur, dans l’introduction du hasard dans les procédures plastiques (Hans Arp) ou littéraires (Tzara, Huelsenbeck), dans le brouillage de la simultanéité sonore des poésies, la dissonance ou les effets de choc avec le public, lors des actions scéniques. Après la phase contradictoire de l’art dadaïste, les œuvres des années vingt connaissent une expansion de leurs limites dans l’espace et dans le temps (Le Merzbau de Kurt Schwitters ou l’utilisation du médium filmique dans Rythme 21 de Hans Richter en sont des exemples). Y a t-il ici encore, dans un contexte allemand cette fois, corrélation entre la contrariété qui délimite un certain corpus théorique et des pratiques contradictoires, nommées comme telles, qui qualifieraient le champ de certaines procédures plastiques communément regroupées dans les tendances expressionnistes, dadaïstes ou constructivistes ?
5 Enfin une cinquième partie sera consacrée au champ de la création contemporaine . La problématique des contraires sera mise à l’épreuve des démarches artistiques actuelles et des procédures mises en jeu. La figure des contraires est-elle susceptible de révéler de nouvelles approches conceptuelles concernant la réception sensible de l’œuvre contemporaine ?
Ces différentes parties ne sont pas closes sur elles-mêmes. Elles sont ouvertes, bien entendu, à d’autres pistes et à d’autres propositions qui sortiraient des limites de ces séquences temporelles et culturelles plus ou moins précises.
A travers la diversité des champs disciplinaires et la différence des approches, nous mettrons à l’épreuve le bien fondé de l’hypothèse de départ : la présence des contraires dans le langage et dans les pratiques, peut-elle générer des façons spécifiques de penser, de faire et de ressentir l’art ?
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