Appel à communication : « Archives orales de l’art de la période contemporaine, 1950-2010 »

Dans le cadre du programme de recherches « Archives orales de l’art de la période contemporaine, 1950-2010 » créé en septembre 2010, l’Institut national d’histoire de l’art organise deux journées d’étude interdisciplinaires qui s’attacheront à mettre en valeur les enjeux et les apports de la constitution d’une histoire orale de l’art. Si l’entretien est loin d’être un phénomène nouveau pour la discipline, la théorisation du recours de plus en plus systématique aux sources orales et dialogiques reste balbutiante en France, alors même que les travaux se sont multipliés dans le champ élargi des sciences humaines depuis le début des années 1980. De Pierre Bourdieu ou Alain Blanchet à Florence Descamps, la question de l’entretien a notamment été largement étudiée en histoire et en sociologie. L’étude de plusieurs fonds d’archives orales en histoire de l’art et des enjeux de leur valorisation scientifique pour la discipline, ouvre actuellement le champ d’un renouvellement des méthodes, des outils et des analyses d’une histoire de l’art du temps présent.
Outre le caractère auto-producteur de la source orale et la dimension « provoquée » d’une telle archive, l’histoire orale de l’art propose une méthodologie qui interroge entre autres clairement les subjectivités, du chercheur comme du témoin. L’adoption d’une « identité narrative » et la reconstruction de soi par le récit font-elles de l’histoire orale une méthode non pas scientifique mais herméneutique, cherchant à comprendre et à interpréter une sensibilité, une situation historique ?
A travers une approche résolument interdisciplinaire, valorisant plus particulièrement le travail de jeunes chercheurs, ces journées souhaitent confronter et mettre en partage les usages des sources et archives orales dans les sciences humaines afin de dégager les spécificités d’une histoire orale de l’art.

THÉMATIQUES DES JOURNÉES D’ÉTUDES

1- Histoire de l’art du temps présent / critique d’art
Un premier axe pourra tout d’abord mettre en valeur les formats et les déclinaisons de l’archive orale en histoire de l’art, en s’attachant à distinguer et à définir ce que sont les archives orales, les sources orales et l’histoire orale, dans la suite des différenciations proposées par l’historienne Danièle Voldman. La source orale serait recueillie par un chercheur dans un objectif précis, quand l’archive orale aurait d’abord pour destination les historiens futurs. A travers cette distinction, c’est toute la différence entre histoire de l’art du temps présent et critique d’art qui se profile, et au cœur de celle-ci, la question de la temporalité que nous nous proposerons d’explorer.

2- Les sciences humaines dans le prisme de l’histoire orale
L’archive orale est un objet fondamentalement transdisciplinaire. Des observations directes d’Hérodote, des témoignages croisés de Thucydide dans l’Antiquité, aux enquêtes de terrain de l’Ecole de Chicago au début du XXe siècle, en passant par les entretiens de Félibien au XVIIe, l’évolution des usages de l’histoire orale témoigne de passages permanents d’un champ disciplinaire à un autre. L’oralité à la fois comme source et comme méthode accompagne ainsi la progression de la philosophie, de la sociologie, de la psychanalyse, de l’histoire – et notamment de l’histoire de l’art.
Le discours du réel, du fait, du vécu est constitutif de l’histoire et de la sociologie, mais dans quelle mesure la collecte du témoignage peut-elle intégrer le champ de l’histoire de l’art ? Et dans quelle mesure peut-elle faire preuve de vérité ? La méfiance longtemps entretenue à l’égard de l’oralité en France constitue un renversement notoire de la conception platonicienne de la vérité. Face à la supposée scientificité de l’archive écrite, il s’agira de redonner toute sa place au logos dans la constitution du discours de vérité.

3- Les archives orales de l’art dans le contexte international
La vague américaine de l’histoire orale dans les années 1960 est un épisode fondateur des méthodes et des outils actuels d’une histoire par la parole. Les années de la guerre du Vietnam, de la lutte pour les droits civiques et pour les droits des femmes voient l’épanouissement d’une histoire orale considérée comme une « contre-histoire », une histoire faite par ceux dont la parole était jusqu’alors restée sans voix. L’histoire orale devient militante. Très tôt, des programmes d’archives orales de l’art sont lancés par le Smithsonian (Oral History / Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington), par le Musée d’art moderne de New York, ou encore par le Getty Research Institute de Los Angeles. Plus récemment, on a vu en Europe la mise en place de programmes de recherche pertinents :  celui concernant les archives orales relatives à la scène artistique en Suisse, porté par le Kunsthistorisches Institut der Universität Zurich, ou encore en Grande Bretagne le projet Voices in Art History : AAH Oral Histories, entre autres exemples. Nous tacherons ainsi de revenir sur le développement des archives orales de l’art à l’échelle internationale, sur leur contexte d’épanouissement, sur les méthodes employées, les objectifs défendus et l’apport qu’il constitue pour la recherche.

4- Récits, fictions, narrations : l’histoire de l’art à l’épreuve du dialogue
L’entretien, la source orale, le dialogue et le témoignage offrent des formes du discours dont le caractère fictionnel se doit aussi d’être questionné. Quand certains préfèrent « prendre la parole en silence », adoptant l’écrit comme seul vecteur de mémoire et de narration, d’autres se prêtent volontiers au jeu du dialogue, de la correspondance orale, acceptant par là une mise au jour spontanée de la construction du discours.
Le mythe, le mensonge, le fantasme, l’anecdote, l’usage de la première personne, et la mise en forme d’un récit artistique dans l’archive orale confrontent l’histoire de l’art au champ littéraire. A la charnière de la psychanalyse, de la linguistique et de la littérature, dans quelle mesure l’histoire orale de l’art peut-elle faire usage de ces fictions documentées ?

Comité scientifique :
Annie CLAUSTRES, Conseiller Scientifique en histoire de l’art contemporain XXe/XXIe siècle à l’INHA (Paris), Maître de conférences HDR, Université Lyon 2 ;
Pauline CHEVALIER, Maître de conférences en esthétique, Université de Franche Comté, Besançon ;
Judith DELFINER, Maître de conférences en Histoire de l’art contemporain, Université Pierre Mendès France, Grenoble 2.
Et la collaboration scientifique de Déborah Laks et Marine Schütz, Chargées d’études et de recherche, INHA
Les journées d’étude sont organisées par L’INHA (Paris).

Modalités de participation  :
Les communications, présentées indifféremment en français ou en anglais, n’excèderont pas trente minutes.
Les propositions de communications (titre, résumé d’une page maximum, bref CV), en français ou en anglais, sont à adresser aux organisateurs à l’adresse suivante : annie.claustres@inha.fr

 

 

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