Appel à communication : « Archives » (Paris, 22 octobre 2016)

Revues MargesLes archives deviennent un instrument de plus en plus central pour l’art contemporain, aussi bien dans la pratique des artistes que dans le travail des chercheurs. D’une part, on observe une « pulsion d’archive » (archival impulse) (Foster) dans la pratique d’artistes qui se servent des archives comme d’un matériau pour leurs œuvres. Ils visent ainsi à problématiser le rapport au passé et aux formes de reconstruction de la mémoire aussi bien individuelle que collective. C’est ce qui conduit de nombreux artistes à se pencher sur le pouvoir médiateur de l’image. Le statut de document de l’image reste cependant problématique, celle-ci étant aussi souvent dénoncée comme vecteur de falsifications : c’est une ambivalence à laquelle les artistes se confrontent en explorant des archives d’images toujours grandissantes. Mais la figure de l’artiste-archiviste ne se restreint pas aux media de l’image. Notre époque étant aussi celle d’une gigantesque accumulation de choses, divers artistes mettent en œuvre un travail archivistique de collection et de classement qui interroge les normes régissant les rapports sociaux à ces objets.

D’autre part, l’archive est devenue un instrument fondamental pour la recherche sur l’art contemporain. L’apparition et la généralisation de pratiques artistiques éloignées des fondements traditionnels de l’art ont rendu les archives nécessaires. L’analyse formelle de l’œuvre s’avère impuissante face à un art où l’objet est souvent absent. L’art contemporain étant fréquemment conçu comme une pratique éphémère, on ne peut l’atteindre que par ses traces et réminiscences (photographies, récits, enregistrements…). Là où l’objet n’a pas disparu, il a souvent perdu sa centralité : sa mise en présence devient contextuelle et circonscrite, et le cœur de la pratique artistique se déplace vers la manière dont l’artiste détermine les modes d’exposition et de circulation (voire de destruction) de ses objets. Dans tous ces cas, c’est grâce à la documentation conservée dans les archives d’artistes et d’institutions que l’étude de l’art devient possible.

Mais cela pose encore un problème : qui constitue ces archives ? Et dans quel cadre sont-elles conservées ? Toute opération d’archivage comporte, on le sait, des sélections et des exclusions qui prédisposent la reconstruction historique et qui peuvent varier selon les circonstances dans lesquelles les archives sont constituées et conservées. Il faut ainsi également réfléchir au concept d’archive, son statut d’origine et ses différentes fonctions sociales. Loin d’être un dispositif neutre, la « condition de l’archive » (Derrida) est d’être un « lieu d’autorité ». L’archive peut être un instrument de pouvoir, imposant des récits idéologiques et des identités figées, ou elle peut permettre de reconstruire à rebours l’histoire des « hommes infâmes » (Foucault). Dans d’autres cas, il s’agit de mettre en question non seulement les modes de fonctionnement, mais aussi la fragilité des institutions chargées de la conservation archivistique, révélant ainsi l’instabilité de la mémoire sociale.

La réflexion critique sur le dispositif de l’archive apparaît d’autant plus nécessaire que l’on assiste à une fétichisation progressive des archives : elles font de plus en plus l’objet d’expositions et, tandis que les institutions se les disputent, leur prix monte sur le marché. Mais l’actuelle valorisation des archives peut être vue aussi comme un symptôme de leur disparition, au moins sous leur forme matérielle habituelle. Avec le développement de l’informatique, les archives personnelles ont progressivement disparu et les institutions se sont lancées dans la numérisation de ressources. Certains artistes ont aussi cherché à convertir leurs archives au numérique, Internet ayant été parfois perçu comme un instrument démocratique permettant de rendre les archives accessibles au-delà du contrôle des institutions et des restrictions du droit d’auteur. Mais Internet a aussi signifié une dilution plus problématique des limitations traditionnelles de l’archive.

Nous vous invitons ainsi à soumettre des propositions sur le rôle des archives dans l’art contemporain, qui peuvent s’inscrire dans l’un des axes suivants :

  • L’archive comme source et matériau de l’artiste ;
  • Le paradigme archivistique comme procédé artistique, l’archive comme œuvre ;
  • L’archive comme source pour la critique (l’histoire de l’art et des expositions faite par l’étude des archives d’artistes et d’institutions) ;
  • Les institutions et les archives : constitution, conservation et usages ;
  • Exposer l’archive ;
  • La valorisation des archives ;
  • L’archive et le numérique ;
  • Théorie(s) de l’archive.

Les propositions devront nous parvenir avant le 1er juin 2016, sous la forme d’une problématique résumée (5000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à Gabriel Zacarias (gabrielzacarias@gmail.com) et à Nicolas Heimendinger (nicolas.heimendinger@yahoo.fr).

Les textes sélectionnés (en double aveugle) feront l’objet d’une journée d’études à Paris, à l’INHA, le 22 octobre 2016. Le texte des propositions retenues devra nous parvenir le 14 octobre 2016 (30.000 à 40.000 signes, espaces et notes compris). Certaines de ces contributions seront retenues pour la publication du numéro 25 de Marges (octobre 2017).

La revue Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées – histoire de l’art, esthétique, arts plastiques, philosophie, sociologie, géographie, architecture, sciences de la communication…

http://www.puv-editions.fr/revues/marges-revue-d-art-contemporain-34-1.html
http://marges.revues.org/
http://www.cairn.info/revue-marges.htm

Leave a Reply