Appel à contribution : La guerre civile anglaise des Romantiques. France-Angleterre, 1797-1901 – Université de Rouen

Peinture_de_Jeaurat_de_Bertry_Nicolas_Henry_1728_-_1796_Un_tambour_et_une_epeeokLa guerre civile anglaise constitue aujourd’hui, d’un côté comme de l’autre de la Manche, un épisode bien oublié de l’histoire britannique. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi : au XIXe siècle, la Grande Rébellion était au contraire érigée en référence, tant par ceux qui tentaient de penser les soubresauts politiques qui secouaient alors l’Europe que par de nombreux écrivains et artistes, qui y trouvaient une inépuisable source d’inspiration. L’expression « Révolution anglaise », qui fait écho à « Révolution française », a été forgée par François Guizot pour désigner la période qui couvre les années 1640-1660. Elle renvoie aux changements sociaux, religieux et politiques, qui affectèrent les Îles britanniques au milieu du XVIIe siècle.

Les romantiques français, passionnés d’histoire nationale et européenne, ont perçu dans la Révolution anglaise un moment charnière de l’histoire civile de l’Europe. Bien avant 1789, ce moment de bouleversement a pu être interprété comme un signe avant-coureur des événements climatériques qui transforment la société française à la fin du XVIIIe siècle. Pourtant, ce que retiennent aussi les romantiques, Hugo en tête, c’est le caractère utopique de la Révolution anglaise. Le personnage de Cromwell fascine Hugo au point qu’il lui consacre son premier drame, en 1827, mais il revient à plusieurs reprises sur cette figure énigmatique dans son œuvre. « On admire Charles Ier ; on ne peut que plaindre Louis XVI. Quant à Cromwell, l’enthousiasme hésite devant ce grand homme difforme. Ce qu’il a de Scarron gâte ce qu’il a de Richelieu ; ce qu’il a de Robespierre gâte ce qu’il a de Napoléon », écrit Hugo dans Le Rhin. La Révolution anglaise permet en effet de repenser la Révolution française, ce qui explique en partie le nombre important de publications consacrées à Cromwell sous la Restauration (Villemain, Histoire de Cromwell, 1819 ; Guizot, Histoire de la Révolution de l’Angleterre depuis Charles Ier jusqu’à la restauration de Charles II, 1826-1827). Au théâtre, Dumas et Mérimée s’intéressent aussi à ce personnage.

En Grande-Bretagne aussi, la Révolution anglaise est encore très vivace dans les mémoires. Dans les débats politiques et sociaux du XIXe siècle, elle sert alternativement de modèle, ou de repoussoir, au gré des parallèles qui sont faits entre Cromwell et Napoléon, entre Charles Ier et Louis XVI ou entre Henriette-Marie et Marie-Antoinette. Il faut dire qu’après un siècle de dénigrement, le personnage de Cromwell trouve des partisans, d’abord parmi les dissidents, puis auprès d’un public plus large, souvent proche des Whigs. De plus, la publication, par Thomas Carlyle, de ses lettres et de ses discours en 1845 contribue de façon décisive à la réhabilitation du personnage, le plus souvent considéré comme l’assassin de Charles Ier. Mais la figure de Cromwell n’éclipse pas celle de « Charles le Martyr », encore officiellement commémoré, et dont le culte, inscrit dans le Livre de prière commune jusqu’en 1859, se perpétue jusqu’à nos jours à travers la Society of St Charles the Martyr.

Ce regain d’intérêt pour la Révolution anglaise s’accompagne de l’édition de nombreux textes inédits relatifs à ces événements : des Mémoires, des lettres, mais aussi des collections de « pamphlets ». Les guerres civiles servent de cadre à de nombreux tableaux, mais aussi à des pièces de théâtre et à des romans, parmi lesquels ceux de Walter Scott sont restés les plus célèbres. Ils constituent aussi, tout au long du siècle, une source d’inspiration pour les poètes romantiques, de Wordsworth à Shelley.

Même si cet attrait pour la Révolution a son histoire propre en France et en Angleterre, il existe néanmoins des interactions entre les deux pays comme le suggère l’histoire éditoriale de textes sur les guerres civiles. Ainsi, par exemple, L’histoire de la Révolution d’Angleterre (1826) de Guizot est traduite en Angleterre en 1838 et, jusqu’à la publication des travaux de S. R. Gardiner et de C. H. Firth à la fin du XIXe siècle, elle demeure le récit le plus autorisé sur la période. Inversement, en France, au moment de la Révolution française, on traduit les grands textes de Milton, Harrington et Needham. Un peu plus tard, dans les années 1820, les romans de Scott sont mis en français dès leur publication en Angleterre. C’est le cas de Woodstock ou le Cavalier (1826) adapté pour la scène française en septembre 1826. Dans les deux pays, il ne fait pas de doute que l’histoire tourmentée des guerres civiles est indispensable pour comprendre un présent en pleine mutation.

Les communications pourront porter sur le domaine anglais ou français et aborder par exemple les questions suivantes :
Les représentations romanesques, dramatiques et poétiques de la guerre civile anglaise. Les sources de ces représentations. La transformation du personnage historique en personnage de théâtre ou de roman. Les rapports entre histoire et fiction.
La Révolution anglaise dans l’iconographie (peinture, gravures, illustrations)
L’historiographie de la guerre civile anglaise au XIXe siècle.
Les traductions françaises des textes révolutionnaires anglais et la traduction des histoires françaises des guerres civiles anglaises.
La guerre civile anglaise vue par les Français. La guerre civile anglaise dans les débats politiques et religieux en Angleterre au XIXe siècle.
Les éditions au XIXe siècle de textes sur la guerre civile : pamphlets, mémoires, lettres, histoires.

Merci d’adresser vos propositions de communication (environ 300 mots) et une courte notice bio-bibliographique à Claire Gheeraert-Graffeuille, Tony Gheeraert et Sylvain Ledda avant le 1er mars 2014.
claire.gheeraert-graffeuille@univ-rouen.fr
tony.gheeraert@univ-rouen.fr
sylvain.ledda@univ-rouen.fr

 

 

 

 

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