Ce colloque clôt un séminaire international et interdisciplinaire organisé en 2010-2011 sur les usages de la photographie comme méthode de collecte de données dans les recherches urbaines (http://photographierlaville.hypotheses.org). Il reprend la problématique générale du programme et s’adresse à l’ensemble des disciplines des sciences sociales (histoire, anthropologie, sociologie, science politique, géographie, économie, urbanisme, sciences de l’information) : qu’apporte la photographie, considérée comme une source, une méthode d’enquête ou un mode de restitution de la recherche, à l’analyse des transformations urbaines aux XIXe, XXe et XXIe siècles ?
La photographie, telle que l’appréhende ce colloque, est une construction sociale offrant des perspectives innovantes sur la ville et ses transformations. Les photographies auxquelles s’intéresse ce colloque sont, en effet, produites par l’ensemble des acteurs de la ville contemporaine et de la recherche urbaine (citadins, professionnels de la ville, pouvoir politique, médias, professionnels de l’image, participants à une enquête, chercheurs en sciences sociales, etc.), dans des contextes sociaux très divers (vie quotidienne et familiale, loisirs, activité professionnelle ou artistique, bénévole ou militante, enquête). Ce colloque poursuit deux objectifs : considérer ces usages dans leur diversité et mettre en évidence leurs apports pour la recherche urbaine.
De nombreuses recherches ont déjà exploré plusieurs façons d’utiliser la photographie pour analyser la ville et ses transformations.
Nous pensons, par exemple, à la pratique de la « reconduction » de photographies anciennes ou de cartes postales, qui a servi de base à des entreprises institutionnelles comme l’Observatoire photographique du paysage, mais que l’on rencontre aussi couramment dans les albums des habitants passionnés par l’histoire de leur ville, dans les publications et les expositions d’associations d’histoire locale ou de certaines municipalités. Voir défiler le temps et pouvoir repérer le changement dans ses plus infimes détails semble ainsi caractériser de nombreux usages encore actuels de la photographie. Quelles lectures du changement ces usages autorisent-ils ? Quels rapports à l’espace et au temps instaurent-ils ?
Les usages de la photographie comme outil de documentation se repèrent aussi dans des pratiques comme celles de l’ethnographie urbaine : la photographie est alors mobilisée comme support de mémorisation au même titre que le journal de terrain. Dans cette perspective, l’enjeu est plutôt de documenter le changement (la gentrification d’un ancien quartier ouvrier ou la reconversion d’une ancienne friche industrielle en zone commerciale, par exemple), en faisant varier les échelles temporelles (quelques mois ou plusieurs décennies) et spatiales (le logement, le quartier, la métropole) ainsi que les objets : la morphologie urbaine, les ambiances urbaines, les usages sociaux de l’espace, les dispositifs techniques et spatiaux, les formes non verbales de communication.
Les critiques adressées aux usages documentaires les plus naïfs de la photographie ont insisté sur sa dimension construite et esthétique : loin d’être un reflet objectif ou exact de la réalité, elle en livre une vue déformée par le prisme des finalités sociales, politiques ou artistiques poursuivies par le photographe et par ses lecteurs/récepteurs. Aujourd’hui, de nombreuses enquêtes font de cette déformation un ressort de la recherche, en s’inscrivant dans le cadre d’une collaboration avec des artistes, en donnant l’appareil photo aux personnes enquêtées, en les faisant réagir à des photographies dans le cadre d’entretiens, ou encore en imaginant des dispositifs de prise de vue permettant d’impliquer les personnes photographiées dans la production de leurs images. On rencontre ces dispositifs dans le cadre d’enquêtes analysant les représentations des espaces urbains en lien avec leurs usages sociaux, considérés à plusieurs échelles temporelles et spatiales. Mais de tels dispositifs indiquent aussi combien les productions photographiques (sur des supports d’enregistrement numériques comme les i-Phone, par exemple) émanant de groupes sociaux aussi divers qu’une bande de jeunes, un collectif de sans-papiers, une association de quartier, une agence de publicité, un collectif d’artistes ou un service municipal s’avèrent pertinentes pour l’étude des mobilisations sociales et des politiques urbaines : la photographie est alors une ressource sociale dans des luttes symboliques où l’image sociale d’un groupe ou d’un territoire est en jeu.
Le programme du colloque se décomposera en séances plénières et en ateliers. Le présent appel à communications concerne la programmation des ateliers. Ceux-ci s’adressent aussi bien à des photographes qu’à des doctorants ou à des chercheurs confirmés qui souhaitent présenter les résultats d’une enquête empirique s’inscrivant dans le champ des études urbaines et mobilisant la photographie comme source, comme méthode d’enquête ou comme mode de restitution de la recherche. Les communications s’inscriront dans l’un des quatre axes suivants, qui dessinent autant de façons de considérer les usages de la photographie dans la recherche urbaine, en les rapportant à des pratiques concrètes de recherche
1/ L’histoire des études urbaines par la photographie
A ses débuts, la photographie est vue comme une reproduction fidèle et exacte de la réalité. Ces qualités en font un outil de documentation pour lequel se passionnent les savants de plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales. Elle est, par exemple, appliquée à l’étude du comportement humain en psychiatrie ou à la collecte de matériaux ethnographiques en anthropologie (Maresca, 1996). Comment ces usages ont-ils évolué dans les différentes disciplines de la recherche urbaine ? Que reflètent-ils des évolutions de ces disciplines, des relations qu’elles entretiennent entre elles et avec d’autres univers ou champs sociaux (art, littérature, politique, médias, etc.) ? Qu’est-ce que les photographies nous apprennent sur les caractéristiques et la genèse d’une œuvre ou d’un parcours scientifique singuliers ?
2/ Le mode de construction du corpus d’images
Comment les photographies ont-elles été produites, y compris par le chercheur, et avec quelles finalités ? A partir de quels critères le chercheur sélectionne-t-il, parmi sa propre production ou celle d’un autre, les images qu’il va analyser ? Ces questions engagent une réflexion sur les finalités du projet photographique, ainsi que sur les choix techniques et formels, voire esthétiques, dans lesquels ces finalités s’incarnent. Elles interrogent la façon dont la photographie cristallise un ensemble de processus en jeu dans la situation de prise de vue (relation photographe/personne photographiée), dans des situations connexes (relation photographe/chercheur) ou à d’autres échelles (effets de la position du photographe dans l’espace social, le champ artistique, médiatique, scientifique, etc.).
3/ Le type de lectures auxquelles la photographie donne lieu
Comment analysons-nous concrètement nos propres photographies ou celles que nous avons sélectionnées dans un fond ? Comment choisissons-nous parmi les différents types d’analyses disponibles : analyse contextuelle, analyse de contenu, traitement statistique, analyse sémiologique, analyse descriptive, etc. ? Comment ce choix s’est-il imposé au cours de la recherche ? Qu’apportent les outils informatiques actuels (logiciels d’analyse de contenu, de traitement statistique) à ces différents modes d’analyse ? Dans les cas de collaborations entre artistes et chercheurs, comment s’organise l’articulation entre différentes lectures de l’image ? Les communications pourront notamment distinguer les modes de lectures dans lesquels l’interprétation est entièrement prise en charge par le chercheur, de ceux dans lesquels une part plus ou moins importante de cette interprétation est laissée à d’autres (enquêtés, collaborateurs ou destinataires des photographies).
4/ La photographie comme mode de restitution de la recherche
Dans son manuel sur les méthodes visuelles, Gillian Rose distingue les usages de la photographie qui en font un support du discours scientifique de ceux qui en font un supplément de ce discours (Rose, 2007). Par quels dispositifs d’écriture ces deux types d’usage se caractérisent-ils ? Quelle(s) fonction(s) y remplit la photographie et quelle(s) forme(s) y prend-t-elle ? Les communications pourront, par exemple, comparer les différents supports utilisés pour diffuser la recherche (ouvrage monographique, article de revue, support multimédia, exposition, film, etc.) et analyser la façon dont ils mettent en rapport matériaux d’enquête, analyse scientifique et propos esthétique. A ces questions s’ajoute une dimension éthique : est-il possible d’utiliser des photographies dans un compte-rendu de recherche, une exposition ou sur un site internet, tout en garantissant l’anonymat aux participants à l’enquête ou le respect de leur vie privée ? A l’heure où les chartes d’éthique se diffusent et s’imposent dans nos disciplines, l’usage de la photographie nous oblige à reconsidérer certaines de nos pratiques de recherche (enquêtes à couvert, enquêtes en terrain « sensible », rapports chercheurs/enquêtés, etc.).
Modalités de proposition
envoi des propositions à Cécile Cuny (cecile.cuny@unistra.fr) et Héloïse Nez (heloise.nez@gmail.com)
pour le 31 mai 2011
Les communications, d’une durée de 20 minutes environ, peuvent prendre la forme d’un exposé argumenté, d’une narration photographique ou filmique, d’un diaporama ou d’une animation multimédia. Dans tous les cas, elles doivent se faire sur la base d’une présentation de photographies. Les salles seront sonorisées, équipées d’ordinateurs et de vidéoprojecteurs.
Les propositions doivent comporter :
- un titre
- le nom et les coordonnées complètes du ou des auteurs
- l’indication de l’axe dans lequel elles s’inscrivent
- un résumé de 2500 signes maximum
- présenter le corpus de photographies faisant l’objet de la communication, la méthode d’exploitation et le format de l’intervention (exposé, montage photo ou filmique, autre).
Les langues de travail sont le français, l’allemand et l’anglais. Une traduction simultanée de l’allemand vers le français sera assurée durant le colloque. Les propositions peuvent être soumises dans les trois langues.
Calendrier
- envoi des propositions pour le 31 mai 2011 à Cécile Cuny (cecile.cuny@unistra.fr) et Héloïse Nez (heloise.nez@gmail.com),
- sélection des propositions par le comité scientifique en juin 2011,
- envoi des supports visuels à projeter (formats ppt, jpeg, mp3 et avi) et du texte des communications pour le 1er octobre 2011.
Comité d’organisation
- Cécile Cuny, Post-doctorante en sociologie, CRESPPA-CSU ;
- Alexa Färber, Professeure en anthropologie urbaine, Université HafenCity de Hambourg ;
- Héloïse Nez, Post-doctorante en sociologie, LAVUE-CRH ;
- Hélène Steinmetz, Agrégée répétitrice à l’ENS Ulm.
Conseil scientifique
- Juliette Aubrun, Maîtresse de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles-Saint-Quentin ;
- Jean-Yves Authier, Professeur de sociologie, Université de Lyon II ;
- Marie-Hélène Bacqué, Professeure d’urbanisme, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense ;
- Martine Bouchier, Professeure d’Art et Esthétique, ENSA Paris-Val-de-Seine ;
- Philippe Bonnin, Directeur de recherches CNRS, LAVUE-AUS ;
- Sylvaine Conord, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense ;
- Frédéric Dufaux, Maître de conférences en géographie, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense ;
- Yankel Fijalkow, Professeur de sociologie, ENSA Paris-Val-de-Seine ;
- Ulrich Hägele, Maître de conférences en sociologie, Eberhard Karls Universität Tübingen ;
- Susanna Magri, Directrice de recherche CNRS émérite, CRESPPA-CSU ;
- Sylvie Tissot, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de Strasbourg ;
- Kathrin Wildner, Maîtresse de conférences en anthropologie, Europa-Universität Viadrina de Frankfort/Oder.
URL de référence : http://calenda.revues.org/nouvelle19324.html
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