La sociologie visuelle est communément divisée en deux types de recherches: la sociologie sur les images et la sociologie avec les images (Harper, 2000 ; La Rocca, 2007; Chauvin & Reix 2013). Cette distinction permet de différencier deux positions du chercheur face à son matériau. La sociologie sur les images consiste à analyser des images déjà produites par le monde social. À l’inverse, dans la sociologie faite avec les images, le chercheur produit lui-même ses images et en maîtrise les conditions de production, ce qui est souvent considéré comme un postulat de l’utilisation d’une image comme « donnée scientifique » (Becker, 1974 ; Stanczak, 2007 ; Margolis & Pauwels, 2011). Ce numéro spécial propose de revenir sur ces deux types de sociologies, en envisageant l’image à la fois comme un objet et comme un outil de recherche (Terrenoire, 1985).
La sociologie avec les images
La sociologie avec les images est à la fois une méthode d’observation instrumentée par des outils d’enregistrement visuel (appareil photo, caméra vidéo) et un mode de restitution des résultats d’une enquête appuyé sur des ressources visuelles (photographies, films, dessins). Les données visuelles sont généralement produites dans le cadre d’enquêtes s’appuyant sur la méthode de l’observation ethnographique et sont ainsi traitées comme un matériau « qualitatif ». Elles peuvent être utiles en phase exploratoire pour aiguiller l’enquêteur grâce à la puissance de désignation des images (Piette, 1992 ; Chauvin & Reix, 2009) ou apporter un « gain de réflexivité » (Du et Meyer, 2007) en permettant de continuer l’observation « hors-terrain ». Elles peuvent aussi servir en phase d’observation pour récolter un nombre conséquent de données visuelles et favoriser ainsi une connaissance systématique (sinon exhaustive) de certains lieux, équipements, tenues corporelles, dispositifs, etc.
Les données visuelles peuvent ainsi faire l’objet de dispositifs de comptage ou s’intégrer dans des démarches d’observation quantitative (Fillion 2011) qui font intervenir une « logique du chiffre ». Les outils visuels permettent également de favoriser les échanges avec les enquêtés, notamment à travers les techniques de la photo-interview (Collier, 1967 ; Schwartz, 1989 ; Duteil-Ogata, 2007) ou de la photo-elicitation (Harper, 2002) ou encore en phase de restitution pour construire des modes inédits d’argumentation (Meyer, 2010) ou d’« intervention » sociologiques.
L’usage d’outils visuels n’exclut en aucun cas un travail d’écriture. Bien au contraire, une image nécessite la médiation de l’écrit (Prosser, 1996) pour s’intégrer dans un raisonnement et une argumentation scientifiques. Le recours à un texte permet au lecteur/spectateur d’être informé sur le contexte de production d’une image et de saisir le sens qu’a voulu lui donner le chercheur. Les contributions au numéro devront donc non seulement articuler textes et images, mais pourront également proposer des formes originales d’articulation, – titrage des photos ; images légendées par des extraits d’entretiens ; séries photographiques regroupées par thèmes ; explicitation des conditions de production des photographies, des vidéos ; « analyse de contenu » de photographies ou vidéos sélectionnées, etc.- .
La sociologie sur les images
Les contributions au numéro pourront également s’inscrire dans une démarche de « sociologie sur les images », selon la distinction précitée. Les images photographiques ou filmiques (qui sont parfois agrémentées de textes visibles sous forme de titres ou de dialogues par exemple) pourront être issues de « fictions », de « documentaires », ou encore d’autres types de documents (publicités, etc.). Quels que soient les origines, les supports ou les modes de diffusion de ces images, et comme le remarque Becker dans plusieurs de ses écrits sur la sociologie « visuelle » (1974, 2007), les images ne sont que l’expression du point de vue de ceux qui les ont produites et en ce sens poser la question de la « vérité » des images est un non-sens. L’interprétation reste évidemment plus aisée lorsque le chercheur produit lui-même ses images. Dans le cas contraire, l’interprétation des images peut être réalisée conjointement à une enquête sur ou auprès des auteurs des images concernées. Contextualiser une image déjà produite revient notamment à restituer la place de l’image dans une séquence d’action (avant/après), et à reconstruire le sens subjectivement attribué par les auteurs à leur image (et/ou le sens attribué par les récepteurs) tout en cherchant à expliquer ce que l’image donne à voir à partir des informations récoltées.
Conditions de soumission
Nous invitons les auteurs intéressés à soumettre une proposition d’article en l’adressant soit aux coordonnateurs de ce numéro, soit / et au secrétariat de la revue (voir les coordonnées plus bas), et à consulter les règles de soumission sur la page de L’Année sociologique sur le site des PUF: http://www.puf.com/L%27Ann%C3%A9e_sociologique
Les articles pour ce numéro thématique sont attendus pour publication dans le numéro 1 de l’année 2015
au plus tard le 15 septembre 2013.
Secrétariat de la rédaction de L’Année sociologique
Université Paris-Sorbonne
Maison de la Recherche,
28 rue Serpente,
75006 Paris (France)
secretariat.annee-sociologique@paris-sorbonne.fr
ou
annie.devinant@paris-sorbonne.fr
Conditions d’évaluation
Les articles seront évalués conjointement par le comité de redaction de la revue et par les coordinateurs du numéro
Coordinateurs du numéro
Pierre-Marie CHAUVIN
Maître de conférences en sociologie
Université de Paris-Sorbonne
pmchauvin@gmail.com
Fabien REIX
Sociologue indépendant
Enseignant à l’Université Bordeaux Segalen
fabien.reix@u-bordeaux2.fr
Comité de rédaction
- É. Béthoux,
- M. Borlandi,
- G. Bronner,
- P. Demeulenaere,
- L. Deroche-Gurcel,
- M. Dion, P. Duran,
- M. Forsé,
- Y. Grafmeyer,
- M. Hisrschhorn,
- M. Lallement,
- S. Langlois,
- P. Lascoumes,
- J. Lautman,
- G. Manzo, C.
- Mantzavinos,
- J.-Ch. Marcel.
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