APPEL À CONTRIBUTIONS
Date limite: 23 Juin 2014
MUSEES AU CINEMA – LE CINEMA FACE AU MUSEE :
LIEUX D’EXPOSITION, GALERIES, MUSEES IMAGINAIRES DANS LES FILMS DE FICTION.
Colloque International organisé par les universités Paris 3, Paris 4, Paris 8, Paris 10
Paris, INHA (Institut National d’Histoire de l’Art), 15-17 décembre 2014.
Problématique générale :
Depuis les origines du cinéma, les cinéastes se sont introduits dans l’espace muséal. Ce colloque est consacré à la réinvention de l’espace d’exposition, et plus largement des stratégies constitutives du projet muséal, par le cinéma de fiction, thème qui n’a pas encore fait l’objet d’une étude dédiée. La recréation filmique de musées confronte le spectateur à un cadre architectural et à des collections empruntés, travestis ou imaginés, proposant un parcours inédit. Il s’agira d’évaluer en quoi cette recréation offre un regard nouveau sur l’histoire de l’art, sur l’œuvre en abyme, sur les gestes de la muséalité, mais aussi comment, en retour, elle renouvelle et nourrit l’art filmique.
Partant du musée comme lieu de déploiement de la narration au cinéma, on pourra s’interroger sur son adaptation aux genres filmiques, sur ses topoï (visite guidée, flânerie ou course-poursuite), et ses métamorphoses. Tantôt au centre d’une réflexion sociale, tantôt lieu de la projection intérieure des acteurs, l’espace muséal au cinéma peut se faire paradoxalement instrument de légitimation du 7ème art, métaphore de la création cinématographique, mais aussi lieu de rivalité entre les arts.
Episode mémoriel, il offre témoignage de muséographies disparues et trace aussi une autre histoire de ces musées de cinéastes, fantasmatiques et personnels, qui ne vivent que le temps d’un film et sous les auspices de la fiction.
Comité d’organisation :
Joséphine Frizon Jibokji (Doctorante, université Paris 4, Histoire de l’art)
Barbara Le Maître (Maître de conférences HDR, université Paris 3, Cinéma)
Natacha Pernac (Maître de conférences, université Paris 10, Histoire de l’art),
Jennifer Verraes (Maître de conférences, université Paris 8, Cinéma).
Comité scientifique :
Christa Blümlinger (Professeur, université Paris 8, Cinéma)
Thierry Dufrêne (Professeur, université Paris 10, Histoire de l’art)
Térésa Faucon (Maître de conférences, université Paris 3, Cinéma)
Céline Gailleurd (Maître de conférences, université Paris 8, Cinéma)
Daniela Gallo (Professeur, université Grenoble 2, Histoire de l’art)
Alain Kleinberger (Professeur, université Paris 10, Cinéma)
Rémi Labrusse (Professeur, université Paris 10, Histoire de l’art)
Ségolène Le Men (Professeur, université Paris 10, Histoire de l’art)
Suzanne Liandrat-Guigues (Professeur, université Paris 8, Cinéma)
Arnauld Pierre (Professeur, université Paris 4, Histoire de l’art)
Laurence Schifano (Professeur émérite, université Paris 10, Cinéma)
Modalités de soumission et de participation
Le programme s’attachera à établir un dialogue transdisciplinaire entre chercheurs en histoire de l’art, histoire et esthétique du cinéma et des décors, histoire des musées, du patrimoine et des collections, histoire de l’exposition, muséologie et histoire de l’histoire de l’art. Les langues de communication du colloque sont le français et l’anglais.
Les propositions comprenant l’argument de votre intervention en français ou en anglais (titre et résumé, 3000 signes maximum, en format PDF) et un CV ou une courte présentation biographique (maximum une page, format PDF) doivent être envoyées à l’adresse suivante avant le 23 juin 2014 : museocinema@yahoo.fr
Tous les résumés soumis seront revus par le comité. Les notifications d’acceptation des communications seront communiquées fin juillet pour les intervenants résidant en France, et courant octobre pour les intervenants internationaux. Les modalités de prise en charge des frais (déplacement et logement) engagés par les intervenants retenus seront précisées ultérieurement. Un droit d’inscription modique (20 euros) et payable par le laboratoire de rattachement des intervenants est normalement applicable pour ce colloque soutenu par des fonds régionaux, sauf exception.
Les organisateurs ont l’intention de publier une sélection des contributions dans un ouvrage collectif aux presses universitaires. Le cahier des charges pour la publication sera spécifié en décembre 2014.
CONTEXTE DES RECHERCHES
Les travaux développés ces dernières années sur les croisements entre cinéma et arts plastiques ou beaux- arts (le cinématisme cher à Eisenstein) se sont attachés à des études comparatistes (le cinéma et l’architecture, le cinéma et la sculpture, notamment), aux transferts esthétiques entre arts de l’image, à la représentation filmique des œuvres et des artistes du point de vue de la pratique et de la production artistique (ANR Filmer la création artistique). Parallèlement, dans le champ muséal ont éclos des réflexions sur la définition spécifique du musée pour le cinéma (la Cinémathèque), et sur la migration du cinéma dans sa composante expérimentale vers les espaces d’exposition et l’art contemporain (Le mouvement des images, Centre Pompidou). Dans le domaine des échanges entre cinéma et espace de l’exposition et de la collection, les études ont porté prioritairement sur le film d’art dans sa dimension de film d’artiste ou de documentaire sur l’art (Cinéma Museum. Le Musée d’après le cinéma, Presses Universitaires de Vincennes, 2013) ou sur un motif isolé (exemplairement, la visite guidée). Il s’agit désormais de porter un regard élargi sur la représentation fantasmée, documentaire ou critique du musée dans le champ de la fiction cinématographique, sur son utilisation métaphorique et d’explorer la richesse et la polysémie de cette rencontre.
Le colloque s’attachera à établir un dialogue entre chercheurs et professionnels du monde muséal, en convoquant simultanément dans une approche transdisciplinaire et internationale, histoire de l’art, esthétique du cinéma, histoire du cinéma et des décors, histoire des musées, histoire du patrimoine et des collections, histoire de l’exposition, muséologie et histoire de l’histoire de l’art.
Tous les avatars de l’exposition d’œuvres au cinéma seront concernés, de l’évocation du musée à celle de la galerie d’art, en passant par le cabinet de collectionneurs, mais aussi le musée imaginaire. Seront convoqués tous les types de musées à composante esthétique (musée des beaux-arts, musée de cires, musée de plein air) et les lieux d’exposition (galerie, cabinet d’amateur, Salons et toute forme de lieux d’exposition publique), dans le cadre du cinéma de fiction et à l’exclusion du documentaire et du film sur l’art.
PROBLEMATIQUE DÉTAILLÉE
Comment le musée investit-il et prend-il part à la fiction cinématographique, qu’il soit simplement entrevu ou réellement visité ? Quelle est alors sa fonction ? Comment participe-t-il à cette nouvelle création ? Et quel lien tisse le travelling dans le musée entre le visiteur-acteur et le spectateur participant à cette visite depuis la salle de cinéma ? Quelles sont la nature et les visées de cette nouvelle expérience du regard et de cette déambulation à valeur généralement métaphorique ?
Le musée, nœud de la narration cinématographique
Absorbé par le film de fiction, le musée devient partie prenante du genre cinématographique qui l’intègre, film d’horreur, policier, satirique ou comédie romantique. Le musée fictionnel peut devenir un territoire menaçant dont les personnages sont les victimes (Dario Argento). À l’inverse, l’espace muséal, écrin du trésor convoité, subit parfois l’assaut des personnages qui s’évertuent à violer son sanctuaire par des vols ou des destructions. Il s’offre aussi comme terrain d’investigations policières ou d’enquêtes savantes menées pour percer le mystère qu’il renferme. Lieu énigmatique ou cauchemardesque, souvent poussiéreux, le musée au cinéma peut être un endroit de résurrection ou de mort. Pourtant, si le musée est cet espace de mystère et de cauchemar, c’est aussi celui de la rencontre amoureuse et du fantasme nourri par l’imaginaire pictural (Max Ophuls, Éric Rohmer, Brian de Palma, François Truffaut).
Ainsi se dessine toute une galerie de personnages : professionnels de l’art et badauds se croisent et réagissent variablement aux œuvres exposées, oscillant de l’indifférence aux symptômes extrêmes du syndrome de Stendhal. Lieu institutionnel de l’art et dépositaire de son histoire par excellence, le musée a aussi servi au cinéma de toile de fond à une satire sociale du monde culturel où évoluent personnages stéréotypés, faisant émerger au passage une appréciation sur la critique d’art (Jean-Michel Ribes, Woody Allen).
Le musée, outil de légitimation paradoxal de la place du cinéma dans le concert des arts
Espace de consécration de l’art et de ses objets, le musée est devenu, par le biais de son remploi cinématographique, une métaphore de l’entrée du cinéma dans l’histoire de l’art et, par conséquent, un moyen de revendiquer sa place dans le concert des arts. En tant que garant des traditions, l’espace muséal au cinéma sert le réalisateur auquel il offre un point de départ artistique, des œuvres qui en susciteront d’autres et que le cinéma perpétue, parfois dans un dialogue entre cinéaste et historien de l’art (Lech Majewski).
L’espace de l’exposition au cinéma surgit parfois dans sa composante allégorique, témoignant de la volonté du 7ème art de se réapproprier ce qui l’a précédé, de créer son propre musée imaginaire, de faire du film un nouveau musée. L’évocation sérielle d’œuvres peut prendre tantôt la forme d’un fondu-enchaîné de plans fixes présentant un modèle esthétique programmatique (Andrei Tarkovski), tantôt celle d’images mentales jaillissant de l’esprit d’un personnage et combinant oeuvres artistiques et fiction (Henri-Georges Clouzot). De la pratique de la citation systématisée dans les années 1950 à la réappropriation de l’œuvre d’art, le musée au cinéma est le lieu de la rivalité avec les autres arts, comme celui de leur continuité. L’évocation muséale peut en effet répondre à une volonté de déconstruire une norme, de se libérer de la tradition artistique. Entrevu, en cours de destruction, cet espace devient lieu de passage et de vie qui laisse en arrière-plan l’académisme et témoigne d’une rupture, d’une rébellion face aux arts traditionnels en dressant l’apologie de la liberté esthétique (Jean-Luc Godard).
L’espace muséal comme miroir de la création cinématographique
Dans ce rapport à l’histoire et à l’art qu’instaure la citation muséale, le cinéma trouve le moyen d’une mise en abyme de la démarche du cinéaste (Clint Eastwood). L’évocation du musée permet de revenir sur la capacité de l’art de créer des simulacres et de présenter la galerie comme une métaphore de l’illusionnisme cinématographique, grand topos de la série B.
La déambulation muséale peut exercer la capacité du réalisateur à circuler dans l’espace et surtout dans le temps. Le leitmotiv de la course poursuite au musée est une mise en scène du passage du temps, redoublée par la permanence, la pérennité et la fragilité qu’incarne tout à la fois l’exposition de la collection. Elle poursuit en quelque sorte le vieux débat des arts synchroniques et diachroniques dans son jeu avec la vitesse du cinéma, avec le défilement mécanique des images. Paradoxalement, l’espace de la collection est un lieu clos, figé mais ouvert à la réflexion ou à la parenthèse onirique, lieu de contemplation et d’absorption, du monde intérieur et de l’évasion (Luchino Visconti, Ernst Lubitsch, Pedro Costa, Manoel de Oliveira).
La citation muséale prolonge aussi le rapport du personnage et du cinéaste à l’art et au souvenir : dans un jeu d’émulation et d’échos, de nombreux films relient la scène culte du musée de Vertigo (ou de celui du Voyage en Italie de Rossellini) à une séquence de contemplation d’œuvres qui en est l’avatar.
Arts de la mémoire
De la mémoire individuelle à la mémoire collective, la narration cinématographique se fait parfois allégorie de l’histoire nationale. Le musée au cinéma est le lieu d’une réactivation de la mémoire collective chez Sokourov ; dans L’Arche Russe, il utilise le plan séquence et la nouvelle technicité du numérique, face aux galeries de l’Ermitage au profit de la fluidité des passages entre temps historiques et présent.
Cette réflexion sur les films de fiction pourra enfin être l’occasion d’une étude archéologique du musée : par le biais cinématographique, on peut observer l’histoire des architectures muséales et des muséographies (par exemple, le British Museum d’avant Norman Foster dans le Black Mail d’Alfred Hitchcock), la curiosité des cinéastes pour les espaces inaccessibles à la visite, ou même une autre histoire de ces musées de cinéastes, fantasmatiques et personnels, qui ne vivent que le temps d’un film (John Cassavetes) et sous les auspices de la fiction.
Axes de recherche privilégiés
La rencontre interdisciplinaire pourra aborder sans exclusive les thèmes suivants :
– Lectures historiques ou esthétiques de l’évocation muséale dans les films de fiction.
– Les musées privés, musée personnels, musées imaginaires et autres collections atypiques ainsi que toutes les formes de recréation du musée au cinéma (décors, expositions inédites, déplacement et créations d’œuvres).
– La citation sérielle d’œuvres d’art et autres formes cinématographiques d’exposition.
– Le lieu muséal comme ressort narratif et comme décor dans le film de genre.
– Les acteurs du monde muséal et de l’exposition au cinéma (visiteur, spectateur, guide, amateur, conservateur, galeriste, artiste, collectionneur) et leurs réactions (extase, indifférence, pathologie).
– Le renouvellement des gestes de la muséalité : fictions de la restauration, de la collection, de l’exposition, etc.
– Musée et cinéma face à face : déambulation, mémoire et illusionnisme.
– Le musée comme révélateur ou projection des ambitions artistiques ou muséales du cinéma.
contact :
museocinema@yahoo.fr
natacha.pernac@u-paris10.fr
site internet :
http://cinematisme.fr
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