Conférence : « Conquête de l’Algérie par l’image sous la monarchie de Juillet » par Nicolas Schaub (Paris, 19 décembre 2012)

Après la conquête d’Alger, entre 1830 et 1848, des artistes accompagnant l’armée d’Afrique forment et diffusent un important corpus d’images sur l’Orient musulman. Ils participent, de par leur subjectivité, à l’invention des principaux motifs visuels et littéraires de l’orientalisme européen du XIXe siècle et sont responsables de l’élaboration d’une propagande coloniale par l’image. Or l’Etat français impose dans une brutalité extrême la soumission de la population musulmane autochtone, déployant pendant plusieurs décennies de puissants moyens militaires. Témoins de cette  situation de guerre, les agents effectifs de l’orientalisme recueillent, agencent et recomposent les données visuelles du terrain afin de créer des images artistiques où la violence n’est paradoxalement presque plus visible. La plupart des acteurs de la propagande coloniale sont pourtant travaillés en profondeur par des affects complexes et ambigus qui contredisent leur engagement idéologique. Plus librement que dans les images, c’est dans leurs correspondances ou leurs journaux intimes que certains observateurs se livrent à une critique de l’intrusion européenne au Maghreb. Les correspondances privées des artistes, plus encore que celle des simples militaires, jouent sans doute un rôle crucial dans la dénonciation des horreurs de la guerre. Par son œil et par ses œuvres plastiques mais aussi par la sensibilité de sa plume, un artiste comme Horace Vernet (1789-1863) est peut-être plus qu’un autre un témoin lucide de l’histoire immédiate. Ainsi existe-t-il, à côté du discours et des images de propagande coloniale, des regards critiques voire réprobateurs, aspect trop souvent mis de côté dans les analyses de la conquête algérienne. Toute représentation de cette période n’est pas subordonnée au projet politique de colonisation et de domination idéologique. C’est sur le terrain de la conquête, au contact d’un réel angoissant que s’élaborent les représentations, les jugements critiques ou les collections d’objets de guerre. Aujourd’hui, il importe de comprendre les conditions d’apparition de ces images et objets artistiques, de revenir sur la manière même dont les peintres et les dessinateurs recueillent et s’approprient l’information visuelle, puis recomposent selon leurs perceptions multiples. C’est une tentative de cerner les expériences les plus proches réalisées sur le terrain algérien, en posant l’hypothèse que les représentations de l’Algérie ne relevaient pas uniquement de fantasmes « orientalistes », mais reposaient aussi sur des expériences du réel.

La conférence se déroulera le 19 décembre 2012, de 17h à 19, à Sciences Po, dans le cadre du séminaire Arts & sociétés dirigé par Laurence Bertrand-Dorléac.

 

Nicolas Schaub, docteur en histoire de l’art contemporain, ATER à l’Université de Bretagne Occidentale, puis à l’Université de Strasbourg, a participé en 2012 à l’exposition Algérie 1830-1962, avec Jacques Ferrandez au musée de l’Armée Hôtel national des Invalides. Entre 2003 et 2007, il a travaillé pour le programme Art et architecture dans la mondialisation de l’Institut national d’histoire de l’art. Il prépare actuellement la publication de sa thèse intitulée L’armée d’Afrique et la représentation de l’Algérie sous la monarchie de Juillet aux éditions CTHS/INHA, collection « L’Art et l’Essai ».

Sciences Po
salle du Traité, 1er étage
56 rue Jacob
75006 Paris

 


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