Dans la continuité de son cycle d’expositions proposé de 2011 à 2014, Du Trésor au Cabinet de curiosités – Gemmes, une brillante histoire, mettant en exergue les collections anciennes de l’abbaye de Saint-Antoine, le musée de Saint-Antoine-l’Abbaye organise du 10 juillet au 9 octobre 2016 une exposition programmée en lien avec la réouverture des espaces muséographiques consacrés à l’histoire des Hospitaliers de Saint-Antoine des origines au XVIIIe siècle. Cette exposition, Bâtisseurs d’éternité, et la publication qui l’accompagne, appuyées par les contributions de spécialistes, auteurs de nombreux ouvrages de référence, proposent de mettre parallèlement en lumière l’actualité de la recherche autour de l’église abbatiale édifiée de la fin du XIIe siècle à la fin du XVe siècle, comme la personnalité de l’abbé Aymon de Montagne, premier abbé d’une lignée de bâtisseurs, dont l’année 2016 marquera le 700e anniversaire de la mort. En prolongement de l’exposition, le musée de Saint-Antoine-l’Abbaye organise les premières journées d’étude programmées du 16 au 18 septembre.
Le développement de Saint-Antoine, dont le premier toponyme de la Motte-aux-Bois évoque à la fois le cadre naturel particulièrement boisé à la fin du XIe siècle et l’existence d’un château à motte, est dû à l’arrivée des reliques d’Antoine l’Égyptien. La renommée spirituelle de celles-ci et l’implantation d’un prieuré bénédictin contribuent au développement et à la transformation de la modeste agglomération castrale primitive blottie au pied du château en un bourg riche et puissant, lieu de pèlerinage important situé sur l’une des voies de Saint-Jacques-de-Compostelle ralliant Le Puy. Ainsi, peu à peu, pèlerins et malades se mêlent à la population résidente et contribuent à son essor.
Lorsqu’au XIIIe siècle, les bénédictins doivent abandonner les lieux au profit d’une confraternité d’hospitaliers installés à proximité, ce développement se poursuit sous l’impulsion de l’abbaye nouvellement érigée par le charismatique et influent premier abbé de Saint-Antoine, Aymon de Montagne, et de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Antoine.
Dans ce contexte, le chantier de construction de l’abbatiale de Saint-Antoine-l’Abbaye constitue, du XIIe au XVe siècle, un important foyer artistique aux portes des Alpes. Aujourd’hui, si les historiens de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Antoine peuvent incontestablement s’appuyer sur les travaux d’Adalbert Mischlewski et de Pierrette Paravy, les historiens de l’art et les archéologues se heurtent à davantage de difficultés, lorsqu’il s’agit d’appréhender l’église elle-même, seul vestige médiéval majeur d’un vaste établissement, aux bâtiments plusieurs fois remaniés à l’Époque Moderne. En effet, bien que certaines études de la fin des années 1990, entre autres celle d’Alain Badin de Montjoye, aient livré de précieux résultats, il convient encore de s’en référer à la monographie de Dom Hippolyte Dijon, laquelle, publiée en 1902 et de fait datée, s’avère toujours un ouvrage de référence.
Ainsi, les journées d’étude, qui se dérouleront à Saint-Antoine-l’Abbaye les 16, 17 et 18 septembre 2016, auront pour objectif, par le biais d’une large approche pluridisciplinaire, de renouveler les connaissances relatives à l’église abbatiale. Autour de médiévistes (historiens, historiens de l’art et archéologues du bâti, musicologue), il s’agira tout d’abord de revenir sur l’édifice qui, situé à la charnière entre le Nord et le Sud, se révèle, pendant un peu plus de trois siècles, le réceptacle privilégié d’une architecture et d’un décor gothiques aux sources multiples. Au XIIIe siècle, l’église s’insère dans une large aire artistique, englobant le Lyonnais, la Bourgogne et la Suisse occidentale ; sa nef représente, par ailleurs, un des rares exemples régionaux d’architecture du XIVe siècle. Dans le même temps, la richesse de la sculpture monumentale et des peintures murales témoigne, au travers de certains artistes tels Robin Favier ou Antoine le Moiturier, dont les interventions au XVe siècle sont souvent évoquées, de possibles transferts artistiques depuis le foyer avignonnais, servant l’ambition des abbés commanditaires. Au-delà, la conception même de l’abbatiale, en plan et en élévation, reflète des pratiques liturgiques complexes, notamment liées à la présence des reliques de saint Antoine le Grand, vénérées pour la guérison du Mal des Ardents et générant un important pèlerinage.
Ces réflexions iront également de pair avec des approfondissements en direction des sciences dites « dures ». Dans ce cadre, la physique, la chimie et la biologie peuvent apporter une contribution utile et éclairante à la compréhension globale de l’église. D’une part, il s’agira d’appréhender son ambiance générale qui dépend du volume et de la symétrie – ou harmonie –, de la lumière et de la couleur (peintures, vitraux), ainsi que de l’acoustique. Ces considérations physico-mathématiques permettront, notamment, de mieux comprendre certains partis constructifs et décoratifs en rapport avec l’organisation des espaces internes, les circulations et le déploiement d’une liturgie chantée. D’autre part, les questions relatives à la conservation et à la restauration de l’abbatiale seront évoquées, conjointement à une approche des matériaux réalisée par un tailleur de pierre.
Ces contributions font précisément écho aux activités des Antonins qui, pratiquant la médecine depuis le Moyen Âge, perpétuent aussi leur intérêt pour les sciences à l’Époque Moderne. Entre 1752 et 1761, ils constituent ainsi, à proximité immédiate de l’église, un cabinet de curiosités qui s’inspire de celui de l’abbaye parisienne Sainte-Geneviève, que le dernier abbé de Saint-Antoine, Étienne Galland, admire préalablement en 1749. Les collections du cabinet antonin se situent à la convergence de deux axes géographiques, reflétant l’implantation des maisons de l’Ordre en Europe : l’un Nord-Sud, ou rhodanien, par lequel remontent les spécimens d’égyptologie depuis Marseille vers l’abbaye-mère ; l’autre, s’avançant, à l’Est, dans les états allemands.
Ce « fonds », entrant, en 1779, au titre des dons dans les collections du cabinet d’Histoire naturelle de Grenoble – futur Muséum –, définit la direction des recherches scientifiques entreprises, en Dauphiné et au-delà, tout au long des XVIIIe et XIXe siècles : l’égyptologie avec Champollion, la botanique et la médecine avec Villars, la géologie avec Dolomieu.
Les journées d’étude seront l’occasion de présenter la synthèse des travaux menés en Europe sur les cabinets de curiosités, sur les hommes qui les ont installés et sur les bâtiments qui les ont abrités. À ce titre, différents spécialistes (historiens, littéraires, conservateurs de bibliothèque) évoqueront un sujet d’étude à la croisée de plusieurs disciplines, reprenant en cela la composition même des cabinets de curiosités.
Autour de l’exposition « Bâtisseurs d’éternité »
Bâtir, orner, accueillir, découvrir.
Nouveaux regards sur l’église de Saint-Antoine-l’Abbaye
Journées d’études
Salon aux Gypseries
Grand Cour
38160 Saint-Antoine-l’Abbaye
16, 17, 18 septembre 2016
Dans la limite des 80 places disponibles
PROGRAMME
Invité d’honneur :
Adalbert Mischlewski : Historien, spécialiste des Antonins, Président honoraire de l’Antoniter-Forum
VENDREDI 16 SEPTEMBRE
14h : Accueil des participants
14h30 : Accueil officiel
Marie-Chantal JOLLAND, Maire de Saint-Antoine-l’Abbaye
Jean-Pierre BARBIER, Président du Conseil départemental, Député de l’Isère
Géraldine MOCELLIN, Directrice du musée de Saint-Antoine-l’Abbaye
14h50 : Introduction : le patrimoine religieux, témoin exemplaire
Jean GUIBAL, Conservateur en chef du patrimoine, ancien directeur du Musée dauphinois de Grenoble
BÂTIR
Présidence de séance :
Nicolas REVEYRON, Université de Lyon 2
15h10 : Le chevet de l’église de Saint-Antoine (XIIe-XIIIe siècle)
Sylvain DEMARTHE, UMR ARTeHIS, Université de Bourgogne
15h30 : L’église de Saint-Antoine : du transept à la façade (XIVe-XVe siècle)
Marc Carel SCHURR, Université de Strasbourg
15h50 : ‘Focus science’ – La symétrie dans l’art gothique
Bernard MAITTE, Université de Lille 1
16h10 : Pause
16h30 : La transmission des bâtisseurs
Claude CHEVÈNEMENT, Compagnon tailleur de pierre, Saint-Antoine-l’Abbaye
16h50 : ‘Focus science’ – Acoustique et liturgie
Jean-Dominique POLACK, Université Pierre-et-Marie-Curie de Paris
17h10-17h30 : Discussions
SAMEDI 17 SEPTEMBRE 2016
ORNER
Présidence de séance :
Jean GUIBAL, Conservateur en chef du patrimoine, ancien directeur du Musée dauphinois de Grenoble
9h30 : Accueil des participants
10h : Les décors peints de l’église de Saint-Antoine (XIIIe-XVe siècle)
Daniel RUSSO, Université de Bourgogne
10h20 : Le décor sculpté de la façade de l’église de Saint-Antoine (XVe siècle)
Tania LEVY, LaMOP, Paris
10h40 : Pause
11h : ‘Focus science’ – Le vitrail, maîtrise de la lumière : couleurs et technologies
Philippe COLOMBAN, UMR MONARIS, Sorbonne Universités
11h20-11h40 : Discussions
12h : Déjeuner
ACCUEILLIR
Présidence de séance :
Alain DUBREUCQ, Université de Lyon 3
14h30 : Liturgie et pratiques dévotionnelles dans l’église abbatiale de Saint-Antoine (XIVe-XVe siècle)
Julie DHONDT, Université de Lyon 3
14h50 : Musique et liturgie à Saint-Antoine-l’Abbaye
Gisèle CLÉMENT, Université de Montpellier 3
15h10 : Pause
15h30 : La résurrection du retable de l’autel du roi Charles V dans l’abbatiale de Saint-Antoine-l’Abbaye
Robert AILLAUD, Chercheur indépendant, Notre-Dame-de-Mésages (38)
15h50-16h10 : Discussions
CONFÉRENCE PLÉNIÈRE
17h-17h45 : Le chantier de construction au Moyen Âge
Nicolas REVEYRON, Université de Lyon 2
DIMANCHE 18 SEPTEMBRE 2016
DÉCOUVRIR
Présidence de séance :
Joëlle ROCHAS, Conservatrice de bibliothèque universitaire
9h30 : Accueil des participants
10h : Le cabinet des Habsbourg à Ambras (Tyrol)
Lorenzo CIRRINCIONE, Docteur en littérature
10h20 : Portrait du curieux en architecte d’intérieur
Pierre MARTIN, Université de Poitiers
10h40 : ‘Focus science’ – La lumière au Moyen Âge
Bernard MAITTE, Université de Lille 1
11h : Discussion autour de la lumière
Jean-Louis HODEAU, Institut Néel de Grenoble
Nicolas REVEYRON, Université de Lyon 2
11h20 : Discussions
11h40-12h : Conclusion des journées d’études
Adalbert MISCHLEWSKI, Président honoraire de l’Antoniter-Forum
Géraldine MOCELLIN, Directrice du Musée de Saint-Antoine-l’Abbaye
Sylvain DEMARTHE, UMR ARTeHIS, Université de Bourgogne
12h15 : Déjeuner
14h30-15h30 : « Les Flacons de la Séduction » – Collection Givaudan ou l’Art du Parfum au XVIIIe siècle
Annick LE GUÉRER, Docteure en anthropologie
Martine UZAN, Responsable de la collection Givaudan
Comité scientifique / comité d’organisation (par ordre alphabétique) :
Claire Bleuze : Assistante principale de conservation du patrimoine, Musée de Saint-Antoine-l’Abbaye
Christophe Chevènement : Compagnon tailleur de pierre, Saint-Antoine-l’Abbaye
Claude Chevènement : Compagnon tailleur de pierre, Saint-Antoine-l’Abbaye
Sylvain Demarthe : Docteur en histoire de l’art du Moyen Âge, UMR ARTeHIS – Université de Bourgogne (Dijon) / Coordinateur des journées d’étude
Julie Dhondt : Doctorante en histoire du Moyen Âge, Université de Lyon 3
Alain Dubreucq : Professeur d’histoire du Moyen Âge, Université de Lyon 3
Jean Guibal : Conservateur en chef du patrimoine, ancien directeur du Musée dauphinois de Grenoble
Jean-Louis Hodeau : Physicien – Directeur de recherche, Institut Néel UPR 2940 – CNRS / Université Grenoble Alpes
Yves Joly : Physicien – Directeur de recherche, Institut Néel UPR 2940 – CNRS / Université Grenoble Alpes
Géraldine Mocellin : Attachée de conservation du patrimoine, Conservatrice déléguée des Antiquités et Objets d’art de l’Isère, Directrice du Musée de Saint-Antoine-l’Abbaye
Nicolas Reveyron : Professeur d’histoire de l’art et d’archéologie du Moyen Âge, Université de Lyon 2
Joëlle Rochas : Conservatrice de bibliothèque universitaire, Docteure en histoire
Daniel Russo : Professeur d’histoire de l’art du Moyen Âge, Université de Bourgogne (Dijon)
Contact : sylvain.demarthe9@gmail.com
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