Qu’est-ce qu’une forme ? Question de fond dans le domaine de l’art. Mais forme, formalisme, sont des mots souvent employés dans le monde de l’art sans qu’on sache précisément ce qu’on entend par là. Il est tentant alors de se tourner vers d’autres domaines de recherche, où l’on s’intéresse aux formes, pour en savoir plus. En physique, en mathématique, en biologie, en géographie, en philosophie, en anthropologie et dans bien d’autres sciences, les formes font l’objet de toutes les attentions depuis bon nombre d’années.
Longtemps tenues à l’écart des recherches car considérées comme de simples enveloppes externes des phénomènes, trop variées pour être l’objet de lois générales, les formes sont devenues des sujets d’étude à part entière. Comment se forment les groupes d’oiseaux et les bancs de poisson, les dunes et les cristaux, les embryons et les planètes ? Pourquoi la topologie, ou science des transformations continues des formes et des espaces, est-elle devenue un domaine si important et si riche aujourd’hui ? Pourquoi certaines formes naturelles semblent suivre à la lettre la progression de suites mathématiques ? Dans les domaines du langage, qu’implique le passage de l’étude du signifiant et du signifié à celui des formes d’expression et des formes de contenu ? Comment l’approche asiatique des formes a-t-elle pu bouleverser la géographie ? Pourquoi les chercheurs ont-ils besoin, souvent, d’exprimer leur pensée et leurs concepts en diagrammes et en dessins, en schémas ou modèles, sous une forme plastique, à l’instar du « chiffon », dont l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet fait la forme de l’univers ?
En somme, ces recherches montrent que les sciences ont incorporé des questions artistiques. Et à l’inverse, les artistes ont pour leur part développé un intérêt pour l’étude scientifique des formes – depuis L’esthétique scientifique de Charles Henry (1884) et Point et ligne sur plan de Kandinsky (1926), tentative d’établir les « lois de la ligne » jusqu’aux courbes mathématiques de Bernar Venet et aux fractales, ces objets ni volumes, ni surfaces, si riches, qui sont devenus, à en croire Jean-Claude Chirollet, un art en tant que tel. Mais il y aurait beaucoup d’autres exemples.
Les scientifiques, quelque soit leur discipline, rencontrent ou s’inspirent parfois des intuitions et des idées développées par les artistes, les artisans ou les spécialistes de l’art. De même, il y a tout à gagner pour les artistes de regarder chez les scientifiques leurs théories des formes : dynamiques, les formes ne se comprennent plus que dans leurs transformations, leurs déformations, leurs relations entre elle, selon des systèmes perceptifs multisensoriels qui engagent la mémoire, l’imagination, la couleur, les rapports entre visible et l’invisible, la lumière et l’ombre… Dès lors, l’enjeu de ces journées est double : présenter par d’éminents spécialistes les révolutions qui ont affecté les sciences depuis qu’elles s’intéressent aux formes ; et montrer comment ces démarches concernent les artistes.
Journées d’études organisées par Caroline Challan Belval et Thomas Golsenne.
PROGRAMME
Lundi 8 avril : 14h-18h
– Thomas Golsenne (professeur d’histoire des arts visuels à la Villa Arson)
Naissance, mort et renaissance des formes
– Caroline Challan Belval (artiste et professeur de gravure à la Villa Arson)
La ligne qui sous-tend la forme / Architecture cachée, apparences, cartographie du réel
– Augustin Berque (géographe, orientaliste et philosophe, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris)
La puissance des formes
– Claude Imbert (philosophe, professeur émérite à l’Ecole Normale Supérieure, Paris)
La Forme s’affiche. Le voir, le vu, le visible et l’invisible
Mardi 9 avril : 9h30 – 18h
– Maria Giulia Dondero (chercheure qualifiée du Fonds National Belge de la Recherche Scientifique / Université de Liège)
La forme en sémiotique et en sémiotique visuelle
– Eric Mangion (directeur du centre d’art de la Villa Arson)
Les White Paintings de Robert Rauschenberg. Aéroports pour les lumières, les ombres et les particules
– Luciano Boi (mathématicien et philosophe, enseignant-chercheur à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Centre de Mathématiques, Paris)
Quand les choses prennent forme : transformations et singularités en peinture et en topologie
– Olga Pombo (philosophe, directrice du Département de Philosophie et du Centre de Philosophie des Sciences de l’Université de Lisbonne)
Sciences des formes et formes des sciences
– Yoann Moreau (doctorant en anthropologie l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris)
Formes, milieux et catastrophes
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES SUR LE PROGRAMME
Villa Arson
20 av. Stephen Liégeard
06105 Nice Cédex 2
Grand amphi de la Villa Arson (2e sous-sol),
lundi 8 avril de 14h à 16h30 et
mardi 9 avril de 9h30 à 12h et de 14h à 18h.
Inscription recommandée à colloque@villa-arson.org
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