Appel à communication : « Trompe-l’œil, simulacres et vérité(s) dans le monde hispanique »

Pratiqué par des peintres ô combien sérieux –Sánchez Cotán, Zurbarán, Velázquez- ou des génies fantaisistes –Salvador Dalí-, le trompe-l’œil pictural a fleuri à des époques variées dans la peinture hispanique et, plus généralement, dans les arts occidentaux. Tout en produisant un effet « plus vrai que nature », il naît de la volonté de « tromper » et agit sur le spectateur médusé, littéralement pris au piège des faux-semblants, comme le rappelle le terme  espagnol   de « trampantojo ». Mais parce qu’il n’est perceptible qu’au moment où il est démenti, où le toucher vient se substituer à la vue, et où le spectateur prend conscience d’avoir été abusé par ses sens, il instaure une dialectique entre vérité et mensonge et tend un pont entre le réel et la représentation.

N’étant en rien ressenti comme une simple imitation ou un reflet du réel, le trompe-l’œil substitue à l’image transparente de la mimésis l’« intraitable opacité d’une Présence », selon l’expression consacrée par Pierre Charpentrat. Il entraîne de la sorte le dépassement de la représentation par ce qui « apparaît être la réalité », si bien que le spectateur perçoit le trompe-l’œil comme faisant partie de son environnement, comme étant apte à concurrencer le réel. Mais étant lui-même représentation, n’apporte-t-il pas, par le simulacre, un démenti à la représentation ? La tromperie, le leurre ne lèvent-t-il pas un voile sur la vérité de l’illusion ?

De toute évidence, la position limitrophe du trompe-l’œil, à l’entre-deux de la réalité et de l’art (ou de la fiction), lui confère une dimension paradoxale par laquelle il construit des mystifications pour légitimer des vérités et remplace l’illusion de la réalité par sa certitude. La spécificité du trompe-l’œil, dont la nature mensongère masque souvent une revendication de vérité, le fait apparaître comme un miroir aux reflets ambigus, visuellement fascinant, riche d’un contenu conceptuel soumis aux évolutions du temps, aussi bien moralisant qu’indiscret, protestataire qu’ironique, étrange et fort de tous les sous-entendus.

De fait, définir le trompe-l’œil conduit tout autant vers l’analyse d’un « effet trompe-l’œil » que vers la description d’un objet fini. Par ailleurs, l’existence d’un dispositif spécifique, le passage systématique du regard dupé au regard lucide, de l’enchantement au désenchantement, justifie sans doute que le trompe-l’œil, abusant tout autant l’esprit que les sens, ait pu dépasser les champs spécifiques de la peinture qui lui étaient initialement réservés. Il s’est ainsi généralisé, au fil des siècles, à tous les arts visuels (sculpture, architecture, photographie, cinéma…) pour s’étendre aux domaines de la création littéraire, le trompe-l’œil peuplant aussi bien le théâtre baroque que le roman de la postmodernité.

C’est à travers cette richesse transgénérique que nous proposons de dégager l’épistémè du trompe-l’œil, en ne l’isolant pas dans un champ artistique déterminé, mais en privilégiant le dialogue instauré entre ses dimensions picturale, littéraire, cinématographique, ou photographique …

Eu égard aux spécificités dégagées, nous serons amenés à approfondir les axes d’études suivants :

les dispositifs épistémiques du trompe-l’œil à travers ses variantes…

  • iconiques (architectures illusionnistes, quod libet, vanités, grisailles…)
  • filmiques et photographiques
  • littéraires (« trompe-l’œil visuels » qui, inclus dans le texte, font mine de reproduire un élément du réel ou « trompe-l’œil textuels » –linguistiques, référentiels, pastiches…)

la variabilité du trompe-l’œil, au cours des époques les plus propices à son développement, allant du maniérisme au baroque, du surréalisme à la postmodernité.
les mensonges et les vérités du trompe-l’œil
le trompe-l’œil, objet ludique ou simple plaisir esthétique. Dans sa volonté de mystifier, le trompe-l’œil ne serait-il qu’une farce sans transcendance?
les visées politiques, religieuses ou morales des trompe-l’œil
la capacité du trompe-l’œil à poser les limites de l’art et/ou à définir la réalité qui nous entoure…
INFORMATIONS GÉNÉRALES
Ces journées d’études, « Trompe-l’œil, simulacres et vérité(s) dans le monde hispanique » relèvent du programme de recherche du laboratoire LLC-Arc Atlantique, « Fabrique de vérités » http://arc-atlantique.univ-pau.fr/live/Projet+quadriennal.
Elles seront organisées à l’Université de Pau, du jeudi 20 au vendredi 21 septembre 2012.

Le domaine d’étude se limitera à la production artistique de la sphère hispanique, sans limitation chronologique.
Les communications se feront en français ou en espagnol.
Les intervenants dont les communications auront été retenues par le Comité Scientifique seront informés avant le 30 avril 2012.
A l’issue des journées d’études de septembre 2012, les articles seront anonymement soumis à la double expertise de membres du Comité de lecture, pour une publication début 2013.

Les propositions de contribution sont à adresser avant le 30 mars 2012, à Pascale Peyraga : pascale.peyraga@univ-pau.fr

Informations complémentaires : http://arc-atlantique.univ-pau.fr/live/actualites

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