Organisée conjointement par le CEISME-CIM (Paris 3), TELEM (Bordeaux 3) et l’Equipe « Culture et communication » du Centre Norbert Elias de l’université d’Avignon (UMR 8562), et avec la participation de l’INA.
Depuis 2008, France 2 propose dans sa case « polar » du vendredi soir, et à raison de deux épisodes par an (huit en tout à ce jour), une série policière historique, mettant en scène les enquêtes d’un commissaire de police, Nicolas Le Floch, au service du lieutenant général de police Sartine pendant le règne de Louis XV. Avec ses amis l’inspecteur Bourdeau, son adjoint, et Sanson le bourreau, également préposé aux dissections (et autopsies !), il mène l’enquête avec sens du devoir, humanité et humour. Affichant assez ouvertement son adhésion aux valeurs des Lumières, il ne cache pas son amour de la vie et cède volontiers aux séductions d’un libertinage bien tempéré. Celui qui est aussi le marquis de Ranreuil est un familier du roi, souvent chargé d’ « affaires extraordinaires » où se mêlent énigme policière, espionnage et diplomatie.
La fiction policière historique est un genre relativement rare sur le petit écran et elle ne s’est que peu aventurée en-deçà du 19 ème siècle. Celle dont il est ici question n’entretient avec la « réalité » du 18ème siècle qu’un rapport de seconde main. En effet, cette fiction filmique résulte de l’adaptation des romans policiers historiques de Jean-François Parot, qui s’efforcent de restituer au plus près la réalité politique, économique et sociale des règnes de Louis XV et de Louis XVI, tout en s’efforçant de procéder à une « restitution vraisemblable » (Jean-François Parot) de la langue de l’époque. Mais seuls les quatre premiers épisodes de la série sont de véritables « adaptations » car aujourd’hui, personnage affranchi de la tutelle de son créateur, Nicolas Le Floch est télévisuellement franchisé. Ce personnage récurrent et ses principaux comparses appartiennent en effet désormais à la société de production Phares et Balises, qui peut leur faire vivre des aventures originales sous la plume du scénariste Hugues Pagan. Et, comme le dit Ariane Gardel, la directrice littéraire (www.nicolaslefloch.fr), à l’issue de toutes ces médiations, nous n’avons pas affaire à « un « documentaire sur le 18ème » ni à une adaptation littéraire mais bien à « une série, en prime time, pour la télévision. »
Notre journée d’étude – sous le regard croisé de dix-huitiémistes, d’historiens des médias, de sémiologues, de sociologues de la réception, de linguistes… – aura pour vocation de mettre en lumière toutes les médiations qui construisent cet objet télévisuel complexe et d’en dessiner l’archéologie génétique ; de souligner les rapports que cette série entretient avec l’Histoire et de s’interroger sur la « vérité de la fiction » (Jean-Pierre Esquenazi, La vérité de la fiction, Hermès-Lavoisier, 2009.) ; de mettre en évidence les ressorts de l’écriture sérielle ainsi que son inscription dans l’histoire du genre policier à la télévision ; de questionner son rapport singulier à la langue ; de s’efforcer enfin de définir le(s) public(s) au(x)quel(s) elle se destine.
Les axes d’étude majeurs de cette journée pourraient être, sans en exclure d’autres :
– L’Histoire et la fiction
Quel rapport la fiction historique proposée ici entretient-elle avec la « vérité » historique et les événements historiques dans lesquels elle s’inscrit ? Quel(s) usage(s) fait-elle des personnages historiques (Sartine, par exemple) qu’elle met en scène ? Quelle image de la société du temps, de ses moeurs et usages, nous renvoie la série ? En quoi cette série contribue-t-elle à la « construction d’une culture commune par la fiction » ? (Images du Siècle des Lumières à la télévision. Construction d’une culture commune par la fiction, de boeck-INA, 2010, dir. Bernard Papin).
– Les stratégies de l’adaptation et l’intertextualité télévisuelle
Les romans de Jean-François Parot et leur adaptation. La triple médiation Histoire/roman/scénario. Construction du personnage et intertextualité : quels modèles littéraires, cinématographiques et télévisuels pour le commissaire Le Floch (le « Maigret des Lumières » ou déjà un véritable « expert » ?). La « franchisation » progressive du personnage.
– Ecriture sérielle, genre et ton
Structure des épisodes. Construction du « personnel » sériel. Musique, costumes et décors : dénotation et connotation.
La fiction policière historique, un « genre intermédiatique » (Fictions patrimoniales sur grand et petit écran, Contours et enjeux d’un genre intermédiatique, PUB, 2009, dir. Pierre Beylot, Raphaëlle Moine) et le mélange des genres : adaptation littéraire, série policière, film historique « en costumes », « fiction patrimoniale », « heritage films », « téléfilms de prestige » …
La diversité des tons au fil des épisodes.
– La langue comme mode de contextualisation
La mise en oeuvre de la langue comme mode de contextualisation. Etudes des discours et des interactions. Syntaxe et lexique : héritage, emprunt et/ou empreinte historique, modernisation, rupture ? Citation des dialogues des romans de Jean-François Parot dans la série ? Les personnages parlent –ils « comme » au 18ème siècle – c’est-à-dire comme les personnages des romans du 18ème siècle ? Leur langue est-elle une récriture archaïsante à partir du français d’aujourd’hui ou une actualisation du français du 18ème ?
– Programmation et réception
Le canal (public) de diffusion (La série est-elle concevable sur TF1 ? France 2 est-elle la chaîne par excellence de l’Histoire et du patrimoine ?).
Programmations horizontale et verticale : la case horaire du vendredi soir « polar » sur France 2 ; les publics visés ; PDA ; étude de réception (médiatique, publique). Convergence et storytelling transmédiatique.
Les propositions de contributions (3000 signes/500 mots), devront être envoyées aux trois adresses suivantes :
genevieve.landie@laposte.net ; papin.b@orange.fr ; alainsebbah@orange.fr
pour le délai de rigueur du 31 octobre 2012.
Les auteurs des propositions seront informés de la réponse du comité scientifique le 15 décembre 2012.
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