Appel à communication : « Finir le Moyen Âge » (Paris, automne 2014)

Rogier van der Weyden. Retable de Saint Jean-Baptiste. Naissance de saint Jean, détail,1455-1460, Berlin, Gemaldegalerie
Ce thème est inspiré par les réflexions formulées par Jacques le Goff dans son dernier ouvrage : Faut-il vraiment découper l’Histoire en tranches ? C’est ici la fin du Moyen Âge qui retient notre attention. De 1453 à 1517 et même plus largement jusqu’au milieu du XVIIIe siècle domine l’impression d’un Moyen Âge qui n’en finirait pas de s’achever, d’un « long Moyen Âge ». Plus que la question de la chronologie, c’est celle des acteurs que nous aimerions poser ici.

Qui finit le Moyen Âge ? Ceux qui l’ont vécu ? Ceux qui l’écrivent ? Ceux qui l’étudient ? L’enjeu est donc de traiter du passage d’une période à l’autre, et plus particulièrement de la fin d’une période. Pour ce faire, il s’agit de s’intéresser à la perception du changement par les contemporains et au choix du moment par le médiéviste, défini comme celui qui traite des sources et des vestiges du Moyen Âge (archéologue, philosophe, littéraire, historien de l’art ou des sciences). C’est justement parce que de profondes continuités existent avec les siècles suivants que l’on souhaite poser ici la question de fins plurielles. En particulier, les enjeux de la « fin du Moyen Âge » sont-ils les mêmes d’une discipline à une autre ? Les travaux sur des acteurs et des échelles variées seraient donc bienvenus.

Trois axes de recherche se dégagent :

– Un premier axe concerne les mutations de structures sur lesquelles s’appuie généralement le médiéviste pour dégager de grandes tendances, que celles-ci soient politiques, religieuses, sociales ou stylistiques. Sans se restreindre ici au XVe siècle, il s’agirait de revenir sur ces flexions de l’histoire et de proposer d’autres moments de coupure qui pourraient faire sens dans les siècles précédents. S’interroger sur la notion de « fin du Moyen Âge » implique de confronter les situations dans des espaces géographiques et des champs différents : le Moyen Âge finit-il au même moment dans tous les pays ? Dans les villes et les campagnes ? Pour les riches et les pauvres ? Pour les laïcs et les clercs ? Pour les femmes et les hommes ? Notamment, comment sa fin se marque-t-elle pour les classes sociales les moins aisées, ou plus largement pour les populations qui sont restées longtemps en marge du travail des historiens ? Il s’agit de proposer des fins multiples en considérant l’ensemble des contemporains et des domaines d’étude pour interroger la définition même de Moyen Âge.

– Le deuxième axe s’intéresse plutôt à la perception de ces grandes tendances par leurs contemporains. La fin du XVe siècle a-t-elle été marquée par une impression de mutation ou de transformation ? Quels ont été les échos immédiats et réels des évènements qui servent fréquemment de bornes chronologiques stables ? Dans quelle mesure les études littéraires et artistiques peuvent-elles éclairer ces mouvements larges ou au contraire mettre en valeur des spécificités ? On pourra s’interroger sur le vécu des évènements à court et à moyen terme, en croisant les apports de l’histoire des mentalités avec des problématiques et des études de cas précises venues d’autres disciplines.

– Enfin, le troisième axe porte sur le rôle et les possibilités du médiéviste. Déterminant un sens particulier qui privilégie certaines tendances ou certains aspects, façonné par des siècles d’historiographie, le médiéviste a non seulement le pouvoir de finir le Moyen Âge selon son objet d’étude mais aussi de le réactiver sans cesse, et de proposer ainsi de nouvelles clés de lectures pour l’analyse du monde contemporain. Puisque « L’Histoire, c’est comprendre » selon Marc Bloch, l’enjeu est, dans un monde en pleine mutation, sous l’effet de la mondialisation, des nouvelles technologies et des changements sociétaux, de réfléchir à ce que représente, aujourd’hui, le Moyen Âge. Face à une vraie demande sociale, comment, en se nourrissant de l’engouement pour les mondes imaginaires qui s’en inspirent ouvertement ou de la recherche d’une identité propre et localisée, le Moyen Âge ne finit jamais ?

La problématique se prête donc à différentes approches, de l’histoire à la philosophie, de l’histoire de l’art à la littérature. Il s’agira d’étudier à la fois les fins plurielles dans les textes littéraires, les œuvres d’art, les réflexions politiques, juridiques ou historiques, les archives, les traités moraux et spirituels, ainsi que la manière dont le Moyen Âge prend fin d’une façon plus concrète.

Les jeunes chercheurs (masters, doctorants, jeunes docteurs) de toutes les disciplines sont donc les bienvenus, et peuvent envoyer leurs propositions d’intervention à Annabelle Marin (annabel.marin@orange.fr) et Pauline Guéna (paulineguena@hotmail.fr) avant le 28 octobre 2014 pour les séminaires des 14 novembre, 12 décembre 2014 et 9 janvier 2015.

Après acceptation par le comité de lecture, les interventions pourront faire l’objet d’une publication dans le bulletin de Questes, publié en papier et sur Revue.org. Il est également possible de soumettre en français et en anglais des contributions ayant vocation à être directement publiées, tels que des interviews, des états de la recherche ou comptes-rendus d’exposition et de colloque.

Questes est l’association des doctorants médiévistes de Paris IV (http://questes.hypotheses.org/) Les séances ont lieu une fois par mois, le vendredi de 18h à 20h, à la Maison de la Recherche de la Sorbonne (28 rue Serpente, 75005), en salle D040.

 

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