Certains événements historiques font l’objet de récits conflictuels : les guerres, vécues par les soldats au sol ou dirigées par les officiers supérieurs à distance, racontées par les vainqueurs ou relatées par les vaincus, laissent des traces différentes parmi les témoins ; les personnages historiques inspirent des souvenirs contradictoires selon les individus qui en dressent le portrait ; l’histoire locale s’efface parfois derrière l’histoire nationale et le mythe se substitue au réel. Les conflits de mémoire naissent de la distance entre les souvenirs des uns et des autres, tensions que l’historien s’efforce de restituer dans l’écriture d’un récit scientifique privilégiant l’exactitude des faits. Entre l’écriture de l’histoire et les paroles des témoins, l’effort de mémoire n’est pas guidé par les mêmes préoccupations ; l’expérience individuelle se distingue du récit collectif, faisant parfois entendre des voix contestataires.
Ce colloque s’intéressera non seulement aux événements historiques qui font l’objet de conflits de mémoire, mais également aux œuvres artistiques, parfois produites en marge des institutions, qui participent à conforter ou à contester, l’interprétation consensuelle de ces événements. En invitant à une réinterprétation du passé, ces œuvres permettent-elles d’envisager autrement le rapport du présent au passé, voire à l’avenir ? Les débats suscités par certaines œuvres suggèrent que la mémoire est l’objet d’enjeux collectifs et de conflits d’interprétation. Les objets historiques et les œuvres d’art illustrent cette tension, articulant la distance entre mémoire dominante et mémoire dominée. Les arts contribuent-ils à la résolution des conflits ou, au contraire, les entretiennent-ils ? Le regard porté par plusieurs artistes sur le même événement historique peut nous aider à comprendre les enjeux des conflits de mémoire.
Les œuvres participent parfois à l’oubli de certains événements historiques que l’institution préfère effacer de la mémoire officielle, mais elles peuvent aussi signaler le déni d’un traumatisme, d’une violence subie par un groupe politique, social, ethnique, culturel. Des exemples pourront être ici présentés relevant de l’histoire militaire, politique ou coloniale. L’histoire du franquisme en Espagne illustre ainsi un récit lacunaire, dont les artistes (romanciers, poètes, peintres, dessinateurs de bandes dessinées, réalisateurs de documentaires, etc.) s’efforcent de souligner les manques et les contradictions. Le rôle du cinéma dans la construction du résistancialisme au sortir de la Libération en France, comme dans la résurgence d’une interrogation sur la nature du régime de Vichy, avec la diffusion du Chagrin et la Pitié (Max Ophüls, 1969), en est un autre exemple. L’histoire coloniale et postcoloniale, marquée par la tension entre souvenir et oubli, est également à l’origine de conflits de mémoire illustrés par les pratiques de commémoration, qu’elles soient institutionnelles ou artistiques.
Le rôle des œuvres d’art, de la littérature et du cinéma dans le maintien ou la contestation d’une cohésion autour d’un récit mythique ou légendaire ou officiel pourra être analysé, de même que l’interaction entre œuvres officielles et œuvres contestataires. Comment la littérature s’empare-t-elle d’héritages symboliques dissensuels ? Quelles stratégies les arts vivants adoptent-ils pour faire de la scène, ou du lieu de la performance, un laboratoire où d’autres possibles peuvent être envisagés ? Quelles esthétiques de rupture les artistes mettent-ils en place pour faire voir autrement les événements dont l’interprétation reste contestée ? Autant de questions que nous pourrons envisager autour de ce colloque dont la nature pluridisciplinaire nous permettra de croiser différentes approches méthodologiques.
Les pistes de recherche envisagées sont nombreuses et peuvent inclure :
les pratiques commémoratives officielles et leur fonction mémorielle
les arts, révélateurs des tensions et débats mémoriels
la fabrique de l’oubli ou du sursaut mémoriel
la tension entre discours officiel et discours contestataire
Conférenciers pléniers
Leigh Raiford (U. Berkeley)
Johann Michel (U. Poitiers, sous réserve)
Modalités pratiques d’envoi des propositions
Les propositions (env. 250 mots) et une courte biographie sont à déposer sur le site https://conflicts2017.sciencesconf.org
avant le 15 octobre 2016.
Il est nécessaire de créer un compte sur sciencesconf.org avant de pouvoir remplir le formulaire de dépôt.
Comité d’organisation
Renaud Bouchet,
Hélène Lecossois,
Delphine Letort,
Stéphane Tison
FAMAH : La fabrique de la mémoire, entre art et histoire (projet labellisé par la MSH Ange Guépin, Nantes)
CERHIO : Centre de recherches historiques de l’Ouest
3L.AM (Langues, Littératures, Linguistique des universités d’Angers et du Maine).
Comité scientifique
Pierre Allorant (U. Orléans),
Renaud Bouchet (U. du Maine),
Noëlline Castagnez (U. Orléans),
William Gleeson (U. du Maine),
Elise Julien (U. Lille 3/IEP),
Franck Laurent (U. du Maine),
Hélène Lecossois (U. du Maine),
Delphine Letort (U. du Maine),
Sylvie Servoise (U. du Maine),
Stéphane Tison (U. du Maine).
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