Call for papers / Appel à contribution : La Portraitomanie : Intermediality and the Portrait in 19th-century France. L’Esprit créateur, special issue, volume 59, number 1 (March 2019)
Guest-edited by Érika Wicky and Kathrin Yacavone.
Qu’il s’agisse de peinture, de photographie, de caricature, de sculpture ou encore de littérature, de critique littéraire voire d’historiographie, c’est à raison que le dix-neuvième siècle français a été baptisé « le siècle du portrait » (Dufour, 1997). Publiés et exposés comme des images indépendantes lorsqu’il s’agit, par exemple, de peinture, ou bien constitués en séries ou en « galeries », notamment dans la presse, les portraits sont rarement totalement isolés. Au contraire, ils font souvent référence ou allusion, de façon plus en moins explicite, à d’autres portraits de la même personne, voire à d’autre portraits réalisés par le même portraitiste. Le développement de la presse quotidienne, de même que celui de la photographie constituent pour lui un terreau fertile, propice à l’épanouissement de célébrités éphémères et au bouleversement des hiérarchies sociales. Regroupant les figures qu’il avait élues parmi l’intelligentsia parisienne, le Panthéon Nadar (1854), par exemple, trouve son origine dans la caricature journalistique et devait être accompagné de récits biographiques. Or, il est l’exact contemporain de l’entrée de Nadar dans la profession de photographe, qui lui a donné l’occasion de faire des portraits photographiques de ces mêmes figures publiques.
Pourtant l’historiographie n’a pas suffisamment rendu justice à ce phénomène complexe qui reste particulièrement négligé par les chercheurs anglo-saxons. Les perspectives disciplinaires ont souvent restreint l’étude du portrait à son expression dans un médium singulier (peinture, photographie, littérature, etc.) ou à un groupe particulier de sujets (écrivains, artistes, etc.). Ce numéro spécial propose d’étudier le phénomène du portrait en France en prêtant une attention toute particulière à sa transmédialité, c’est-à-dire à la manière dont le portrait circule d’un médium à un autre, ainsi qu’à son intermédialité, entendue comme la combinaison de différents traitements médiatiques du portrait. Alors que la définition du portrait, englobant d’emblée sa dimension visuelle et textuelle, présente une grande plasticité, il s’agira de voir comment les spécificités de chaque médium s’articulent au concept générique de portrait, lui conférant sans cesse de nouvelles significations, mais aussi de nouvelles fonctions sociales. À travers cette perspective trans- et intermédiale, ce numéro bilingue et interdisciplinaire explorera la question du portrait comme un élément d’une culture médiatique bien plus large, révélant dans quelle mesure la réflexion sur l’intermédialité a été initiée au XIXe siècle. Il mettra également en évidence comment les enjeux médiatiques travaillent les conceptions du portrait, redéfinissant constamment des notions telles que celles d’identité, de célébrité, d’expression ou de ressemblance, et déterminent la place accordée au visage et au corps dans la culture visuelle de l’époque.
Parmi les aspects étudiés, les questions suivantes pourront, par exemple, être abordées :
- La théorisation du portrait à travers des catégories endogènes : il s’agira d’étudier comment le devenir trans- et intermédial du portrait a été perçu et théorisé au XIXe siècle à une réflexion sur les critères d’évaluation du portrait (ressemblance, vérité, expression, identité, etc.)
- Les savoirs du visage : Que cherchait-on à connaître à travers la prolifération de portraits au XIXe siècle ? Quelles informations étaient attendues et comment étaient-elles affectées par les transferts médiatiques ? Peut-on identifier des résurgences des présupposés de la physiognomonie dans ces attentes ? En quoi les portraits de criminels ont revêtu un caractère paradigmatique dans la lecture des portraits ?
- Les modalités de reproduction du portrait : la prolifération du portrait reposait notamment sur sa reproductibilité. Il s’agira d’observer la forme particulière d’intermédialité que constitue la reproduction d’un portrait par la gravure ou la photogravure.
- Le rôle spécifique de la presse dans cette circulation médiatique du portrait.
- Les formats du portrait : la transposition du portrait d’un médium à l’autre implique une modification des formats susceptible d’affecter considérablement la lecture et la perception du portrait.
- La hiérarchie des médiums : tout un système de valeur hiérarchise les différents médiums utilisés pour réaliser des portraits. On pourra, par exemple, considérer la façon dont le buste sculpté, qui figure au sommet de cette hiérarchie, est utilisé dans les portraits photographique ou dans la caricature.
- Les agents du portraits : La circulation du portrait est aussi le fruit du travail d’artistes qui se sont fait une spécialité du portrait qu’ils pratiquent en convoquant différents médiums. Ainsi, certains photographes, comme Nadar ou Carjat, ont également été caricaturistes.
- La redondance et le caractère sériel du portrait : Certains objets médiatiques se définissent par la combinaison de deux type de portraits, comme ces documents composés d’un portrait écrits et d’un portrait photographique. Il s’agira d’observer la façon dont ces deux types de portraits interagissent et se complètent, dans le sillage des travaux d’Adeline Wrona, par exemple.
Les propositions de contribution (300-400 mots) accompagnées d’une courte bio-bibliographie doivent être adressées à Érika Wicky (erika.wicky@ulg.ac.be) et à Kathrin Yacavone (Kathrin.Yacavone@nottingham.ac.uk) avant le 24 novembre 2017. Les articles (6000 mots max.) seront attendus le 30 avril 2018.
*****
From painting, photography, caricature and sculpture to novels, essays, literary criticism, and historical writing, nineteenth-century France has aptly been described as the “siècle des portraits” (Dufour, 1997). Published and exhibited as either single images (in painting and photography, for example) or as a series or ‘galerie’ (in the context of journalistic writing and caricatures), in the nineteenth century portraits were rarely experienced in isolation, but instead against the background of other portraits of the same individual and/or other works by the same portraitist, including across a variety of media. New mechanical reproduction technologies, resulting in daily (illustrated) newspapers and the advent of photography, fed a growing culture of personal celebrity and a related upheaval of established social hierarchies, as well as a fluid exchange between visual and textual media centered on the portrait. For example, Nadar’s Panthéon (1854) depicting selected representatives of the Parisian intelligentsia of the day had its origins in journalistic caricature and was planned to be accompanied by written biographical sketches. It was also closely linked to Nadar’s turn to photography, where he captured many of the same public figures in arresting photographic portraits.
Especially in an English-speaking context, scholarship has yet to look in detail at the complexities of this intermedial phenomenon beyond disciplinary boundaries. Scholars have tended to analyze the portrait through the lens of a specific medium (such as painting, photography or literature), a particular individual, or a group of writers and artists for example. This special issue proposes to examine the nineteenth-century portrait in France with an emphasis on transmediality – that is, how the portrait genre travelled from one medium to another – as well as intermediality, whereby portraits originating in different media were brought together in the same works. While nineteenth-century definitions of the ‘portrait’ were highly malleable, comprising both visual and textual elements, the issue will pay particular attention to how the genre of the portrait is shaped by the specificities of each medium, which in turn bestow it with new meanings and definitions, as well as new social functions. From these trans- and intermedial perspectives, this bilingual and interdisciplinary issue explores the portrait as part of a wider evolution of media and cultural history in France, while also revealing the extent to which intermediality is a nineteenth-century ‘invention’. It will illuminate how the concept of the portrait is shaped by different media forms and styles, which continuously redefine notions of identity, celebrity, expressivity, and resemblance, and co-determining the body and especially the face in nineteenth-century French visual culture.
Topics and questions to be addressed may include:
- Nineteenth-century theoretical discourses on the portrait: How was the trans- and intermedial nature of the portrait perceived and theorized in relation to evaluative criteria such as resemblance, truth, expressivity, identity, etc.?
- The iconography of the face, posture, dress, etc.: What cultural and historical forces drove the proliferation of representations of the face in nineteenth-century France? What type of information about the sitter was the portrait expected to carry with it and how was this communicated across different media and media combined? What was the role of scientific or pseudo-scientific discourses concerning physiognomy? To what extent did the photographic portrait used in criminology became a paradigm in the reading and interpretations of portraits more generally?
- The means of reproduction: The proliferation of the portrait depended to a high degree on its reproducibility. What particular form of intermediality is at stake in the reproduction of a portrait in engraving and photoengraving, for example?
- The specific role that journalism and the press played in this trans-medial circulation of the portrait.
- The format of the portrait: The transposition of the portrait from one medium to another implies a modification of format and size which considerably affected its reading, viewing, and use.
- The hierarchy of different media: a value system underpins the use of different media for the creation of portraits. For example, how does the sculpted bust, which is at the top of this hierarchy, figure in photographic portraiture or caricature?
- The portraitists: The circulation of the portrait is also the product of artists, photographers etc. who specialized in the genre in different media. How did pioneering portraitists working across genre and media conceive and write about their practice? For example, a number of famous photographers, like Nadar and Carjat, were also caricaturists.
- The coexistence and seriality of portraits: Certain publications (dictionaries, biographical collections, ‘panthéons’, etc.) were defined by a combination of two or more types of portrait, such as written and photographic portrait. Following the work of Adeline Wrona, for example, to what extent do these multiple portraits interact with, and complement, each other?
Please send article proposals in English or French (300-400 words) together with a short bio-bibliography to Érika Wicky (erika.wicky@ulg.ac.be) and Kathrin Yacavone (Kathrin.Yacavone@nottingham.ac.uk) by 24 November 2017.
The deadline for completed articles (max. 6,000 words) is 30 April 2018.
Bibliography / Bibliographie :
Charpy, Manuel, “La bourgeoisie en portrait: Albums familiaux de photographies des années 1860-1914”, Revue d’histoire du XIXe siècle, 34, 2007.
Contexte, Le Portrait photographique d’écrivain, Jean-Pierre Bertrand, Pascal Durand and Martine Lavaud (eds.), 14, 2014.
Dufour, Hélène, Portraits en phrases: Les recueils de portraits littéraires au XIXe siècle, Paris, PUF, 1997.
L’Écrivain vu par la photographie: Formes, usages, enjeux, Actes du colloque de Cerisy, David Martens, Jean-Pierre Montier and Anne Reverseau (eds.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.
Études françaises, La physiognomonie au XIXe siècle: Transpositions esthétiques et médiatiques, Valérie Stiénon and Érika Wicky (eds.), 49:3, 2013.
Hamilton, Peter and Roger Hargreaves, The Beautiful and the Damned: the creation of identity in nineteenth-century Photography, Lund Humphries and The National Portrait Gallery, 2001.
Havelange, Carl, “Une entrée dans la modernité: Portrait photographique et expérience de soi au XIXe siècle”, Photographie moderne / modernité photographique, Paris, Les Presses du réel, 2009.
Interférences littéraires, Iconographies de l’écrivain, Nausicaa Dewez et David Martens (eds.), 2, 2009.
McCauley, Elizabeth Anne, Industrial Madness: Commercial Photography in Paris 1848-1871, New Haven and London, Yale University Press, 1994.
Romantisme, Le Portrait, Fabienne Bercegol (ed.), 176, 2017.
Sagne, Jean. “Le portrait carte de visite”, Identités: de Disdéri au photomaton, Centre national de la photographie et Chêne, 1985.
Wrona, Adeline, Face au portrait. De Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann, 2012.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.