Appel à communications (prolongation) : Journées d’études de l’Association Asie-Sorbonne « L’arbre qui cache la forêt »

Appel à communications (prolongation) : Journées d’études de l’Association Asie-Sorbonne « L’arbre qui cache la forêt »

L’Association Asie-Sorbonne organise des journées d’étude de deux jours dans le but de réfléchir à la dynamique du rapport aux arbres – et au-delà, à la nature – en Asie de l’Est et du Sud par rapport à l’Occident.

Notre réflexion a pour point de départ la pratique japonaise d’immersion dans une forêt appelée Shinrin-Yoku ou « bain de forêt » (ou encore sylvothérapie). Cette pratique populaire née dans les années 1980, au moment même où les bienfaits des paysages « verts » se développaient aux Etats-Unis (Wilson 1984) a été étudiée exclusivement d’un point de vue physiologique et psychologique, dans le cadre des sciences de la santé. Nous postulons au contraire qu’elle s’inscrit dans un paradigme de relation à la nature qui est déterminé non seulement par des facteurs organiques mais aussi par un imaginaire de l’arbre, des souvenirs associés au paysage, des pratiques culturelles et qu’elle a donc des fondements à la fois universels et relatifs qu’il nous semble nécessaire d’interroger.

Au Japon, la pratique peut avoir des racines « animistes » (Knight 2009), shintoïstes (Knight 2010 ; Rots 2014) ou même bouddhistes. La terre ferme étant identifiable à de la montagne, la forêt est pratiquement synonyme de montagne, lieu d’épiphanisation d’un esprit. Un bois est assez souvent un lieu sanctuarisé et considéré comme une colline, un monticule ou même une montagne même s’il se trouve dans la plaine et n’est pas élevé.

En Corée,  l’association traditionnelle du bois, de la pierre et de l’eau permet d’expliquer les bienfaits du bain de forêt sur la santé (Won Sop et al. 2010). A Taïwan il est question encore de pratiques indigènes holistiques qui voient l’homme comme faisant partie d’un environnement solidaire, un Umwelt (Lushan tribe 2018).

Le concept chinois de qi (ki en Japonais) c’est-à-dire l’énergie vitale partagée entre l’homme et la nature, ainsi que la perception spécifique des arbres dans la philosophie chinoise (Bao et al. 2016 ; Escande 2011 ; Ke 2019) peuvent être convoquéq en soutien à cette dimension culturelle implicite. La forêt comme lieu d’éveil est également essentielle pour le bouddhisme indien comme dans le jaïnisme et l’hindouisme, et la représentation de Yaksha et Yakshini témoigne du rôle, parfois ambivalent, de l’arbre comme source de vie dans la tradition indienne, où certaines espèces d’arbres sont encore aujourd’hui considérées comme sacrées. De telles représentations ont existé en Occident avant la révolution industrielle, puis en réaction à celle-ci, par exemple dans le gothique et dans le romantisme européen (Harrison 1992) ou dans le transcendantalisme américain (Egerton 2011).

Les journées aborderont une double question : 1) comment les pratiques culturelles, artistiques, religieuses, classiques ou populaires, traditionnelles ou contemporaines, ainsi que les théories philosophiques et esthétiques témoignent-elles d’une certaine vision de la forêt ; 2) ces pratiques pré-conditionnent-elles  l’expérience de l’immersion méditative en forêt ? La question sera abordée dans le contexte de l’Asie de l’Est et du Sud, ou, par comparaison, en Occident.

Notre motivation n’est pas seulement théorique. Nous postulons que dans une perspective écologique  » post-anthropocène « , il est nécessaire de  » ré-enchanter  » notre relation à la forêt, à l’arbre, à la terre végétale. Cesser de regarder l’arbre, son essence, sa taille, pour percevoir la forêt dans laquelle il vit, les nuages, les ruisseaux, les animaux qui l’entourent dans une approche holistique, vivante et poétique qui intègre mais dépasse l’analyse scientifique naturaliste (Latour, 2021, 2015 ; Descola 2005 ; Alexander 2004).

Bibliographie

–        Alexander, C. (2004), The nature of Order, book 4: The luminous ground, Berkeley (CA), The Center for Environmental structure.

–        Alban N., Berwick C. (2004), “Forêt et religion au Japon”, Environnement, Culture et Société, n°6.

–        Bao Y., Yang T., Lin X. and al. (2016), “Aesthetic Preferences for Eastern and Western Traditional Visual Art: Identity Matters”, Frontiers in Psychology. Doi: 10.3389/fpsyg.2016.01596.

–        Descola P. (2005), Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard.

–        Egerton F. (2011), “History of Ecological Sciences, Part 39: Henry David Thoreau, Ecologist”, Bulletin of Ecological Society of America. https://doi.org/10.1890/0012-9623-92.3.251

–        Escande Y. (2011), “L’arbre en Chine”, in J. Pigeaud, L’arbre ou la raison des arbres, PUR.

–        Filliozat P.-S. & Zink M. éd. (2018), L’arbre en Asie, Actes du colloque international organisé à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et à l’INALCO, les 8 et 9 décembre 2016, Peeters Publishers, Leuven.

–        Harrison R. (1992), Forest: Shadow of civilization, Chicago, The University of Chicago Press.

–        Ke Chin-Yuan (2019), Sacred forest. https://www.youtube.com/watch?v=uXWEj5KJuJ4

–        Knight C. (2009, dec.), “Between the profane and the spirit worlds: the conceptualisation of uplands and mountains in Japanese and Maori folklore”, New Zealand Journal of Asian Studies, vol. 11, n°2.

–        Knight C. (2010, dec.), The concept of satoyama and its role in the contemporary discourse on nature conservation in Japan, Asian Studies Review, vol. 34, n°4.

–        Lushan Tribe (Forest Museum) (2018), https://www.erv-nsa.gov.tw/en/attractions/detail/104

–        Rots A. (2014). Does Shinto offer a viable model for environmental sustainability? Excerpts from author’s PhD. Online Academia.

–        Wilson E. (1984), Biophilia, Cambridge, MA, Harvard University Press.

–        Won Sop S., Poung Sik Y., Rhi Wha Y., & Chang Seob S. (2010, Jan.). “Forest experience and psychological health benefits: the state of the art and future prospect in Korea”, Environ Health Prev Med; vol. 15, n°1, pp. 38–47. Doi: 10.1007/s12199-009-0114-9

 

Modalités pratiques

Les journées se dérouleront du 19 au 20 novembre 2021 en présentiel et en visioconférence à l’INHA. Les communications de 20 minutes suivies de 10 minutes de questions pourront être en français et en anglais. Les contributions d’artistes et de poètes sont bienvenues, y compris sous la forme d’une performance.

Les propositions sous forme d’un résumé de 300 à 500 mots doivent parvenir au plus tard le 15 août à secretariat@asie-sorbonne.fr. Les participants retenus seront avertis le 30 août.

Une publication d’une sélection des contributions est prévue.

 

Attention :

Une expérience d’immersion en forêt de trois heures en Ile-de France sous la conduite d’un naturaliste et psychologue formé au Shinrin-Yoku sera proposée à un nombre limité de participants qui le souhaiteraient (50€/pers.). Pour des raisons d’organisation l’inscription doit-être faite le 30 août au plus tard. Elle est définitive.

 

Asie-Sorbonne est une association de chercheurs travaillant sur les humanités asiatiques dont le siège est situé au Creops, département d’histoire de l’art de l’Asie de l’est et du sud-est de l’université Paris-Sorbonne. https://creops.sorbonne-universite.fr/association-asie-sorbonne/

Les contributions seront évaluées par un comité scientifique ad hoc.

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