Si la critique moderne a eu tendance à mettre au jour les caractéristiques formelles ou sémantiques des objets ou encore leurs effets sur le spectateur, c’est parce que ces œuvres étaient pensées et perçues comme autosuffisantes. Le refus par nombre d’œuvres contemporaines de se déployer comme des objets finis manifeste un doute à l’égard de cette autosuffisance. Les œuvres n’ont pas d’existence hors contexte. Qui plus est, elles se construisent collectivement à partir de regards multiples, d’activations et d‘interprétations croisées. Quelles sont les incidences de ces bouleversements sur la critique et sur son fonctionnement ?
Le colloque a pour intention de développer une réflexion sur les pratiques actuelles de la critique de l’art contemporain et le cas échéant ses nouveaux territoires. Qu’en est-il de la critique aujourd’hui ? À quoi et à qui sert-elle ? Quelles sont aujourd’hui les formes de la critique ? Décèle-t-on de nouveaux types de pratiques de la critique, de nouvelles fonctions, de nouveaux fonctionnements, de nouveaux formats, de nouvelles écritures du jugement ? Internet et les réseaux sociaux proposent un nouveau lieu de diffusion pour la critique d’art, quelles en sont les spécificités ?
En filigrane de ce portrait de la critique de l’art contemporain – tant pragmatique que théorique et idéologique – se pose aussi la question des relations de dépendance et de pouvoir, d’instrumentalisation et de collaboration, au sein du monde de l’art.
Ces questions se jouent sur différents terrains que ce colloque se propose d’explorer. Ces pistes de réflexion sont des suggestions. Elles restent ouvertes à toute autre proposition concernant le sujet proposé dès lors qu’elle interrogera les aspects actuels de la critique d’art :
1. Les nouveaux supports de la critique.
La question posée est particulièrement celle de la critique sur Internet : y aurait-il un « renouveau de la critique d’art » lié à la liberté d’expression permise par les blogs ? Ou comment les nouvelles technologies et les réseaux sociaux transforment la critique d’art ? Quelles sont les incidences de la multiplication de l’accès aux sources critiques ? Les nouvelles pratiques sont-elles plus démocratiques, plus participatives, plus spontanées ? Peuvent-elles revendiquer une indépendance institutionnelle ?
2. Les nouvelles fonctions de la critique.
Dépassant les catégories traditionnelles de critique de médiation (critique explicative, critique interprétative…) et de critique d’évaluation, on voit se développer une nouvelle fonction du critique qui joue un rôle d’accompagnateur de l’artiste au moment de l’élaboration de son œuvre, une critique qui ne se limite pas à commenter et à évaluer des propositions artistiques mais qui contribue à l’élaboration de ces propositions lors d’échanges avec les artistes au moment de la genèse de leur œuvre.
On peut penser aux cas des résidences proposées à des critiques pour accompagner des artistes eux-mêmes en résidence (ex. de Zones d’expérimentations. Astérides, Marseille/Montréal/Bâle, Les Chantiers, Brest…). Ces résidences croisées entre de jeunes artistes – encore en quête de reconnaissance institutionnelle – et de jeunes critiques semblent favoriser et confirmer la possibilité d’un rôle explicite du critique d’art dans la genèse des oeuvres. Dans quelle mesure ce type de critique favorise-t-il l’institutionnalisation du travail des artistes ? Et dans ce cas, qu’en est-il d’une éventuelle instrumentalisation de l’artiste et de son œuvre par le discours ?
3. Les nouveaux objets de la critique.
Ici, la question posée est particulièrement celle de la critique d’exposition : critique anti-moderniste dans la mesure où elle a pour préalable implicite la conviction que la critique des œuvres en tant que telles est un leurre, les œuvres d’art ne pouvant être considérées comme des entités closes. La critique d’exposition pose de multiples questions dont celle de la relation entre les œuvres exposées et les institutions exposantes ou celle de la valorisation du travail du commissaire par le critique d’exposition.
4. Les nouvelles figures du critique.
Une réflexion sur la critique contemporaine doit amener à penser les frontières entre le rôle du commissaire d’exposition/curateur et le rôle du critique d’art. Si la fonction de la critique est de construire la reconnaissance sociale de propositions artistiques, on est conduit à se dire que les curateurs sont les premiers à jouer ce rôle. Inversement, il y a des situations où le critique est amené à jouer un rôle de commissaire d’exposition (sélection, mise en valeur, contextualisation, diffusion). De la même manière, qu’en est-il de l’accueil des critiques d’art dans les institutions ? À l’arrière-plan de la superposition critique/commissaire, on peut se demander ce qu’il en est des possibilités d’une pratique professionnelle de la critique aujourd’hui. Les relations des critiques avec les acteurs du monde de l’art sont multiples, le partage des rôles est parfois difficile à identifier : le curateur, le commissaire d’exposition sont-ils devenus les « nouveaux critiques » ?
On peut également s’intéresser à la frontière entre le critique et l’artiste lui-même. Dès les années 60, certains artistes ont voulu prendre en main la littérature et les discours sur leur propre travail. Que reste-t-il aujourd’hui de cette pratique ? Et qu’en est-il de la forme très actuelle de conférence-performance pratiquée par certains artistes ?
5. Les nouvelles formes d’écriture
On pourra aussi interroger l’écriture critique contemporaine : style et lexique de la critique actuelle, formes récurrentes voire stéréotypées d’écriture, analyse des argumentations, réflexivité du texte critique peuvent être questionnés.
D’autre part, une forme d’écriture critique empruntant un style littéraire semble faire sa réapparition, quels en sont les contours ?
Des formats brefs aux formats longs, les critiques – dès lors qu’elles sont destinées à l’édition papier (journaux, magazines, ouvrages scientifiques) – sont formatées en nombre de caractères. Quelles relations établir entre ces formats et les contenus des critiques ? Quelles sont les incidences du micro-blogging (Twitter) sur l’écriture de la critique ?
Ces rencontres s’inscrivent dans le cadre des recherches du groupe « La critique d’art en question (projet conduit par Claire Fagnart) : http://www.arpla.fr/critiqueenquestion/
Modalités de soumission :
− Date limite d’envoi des propositions de communication : 1er juin 2014, par mail à Claire Fagnart et Nathalie Desmet
Claire Fagnart : claire.fagnart@univ-paris8.fr
Nathalie Desmet : nathalie.gm.desmet@gmail.com
− La proposition de communication doit contenir un titre et un résumé de 2 500 caractères maximum (en vue d’une communication d’une durée de 30 minutes environ) et une brève biographie.
Comité scientifique :
Maxence Alcalde (Esadhar, Le Havre), Laurence Corbel (Université Rennes 2), Nathalie Desmet (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), Claire Fagnart (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), Isabelle Ginot (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), Jérôme Glicenstein (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), Isabelle Launay (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), Agnès Lontrade (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Paul-Louis Roubert (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), Emmanuel Wallon (Université Paris 10 Nanterre).
Ce colloque bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’ANR – Convention attributive d’aide ANR-10-LABX-80-01.
Auditorium
Pavillon Carré de Baudouin
121 rue de Ménilmontant
75020 Paris
6 et 7 novembre 2014
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