Aiutando l’arte. Les inscriptions dans les décors tridentins d’Italie (Paris, vendredi 5 octobre 2018).Date et lieu de la Journée d’étude : Paris, vendredi 5 octobre 2018, INHA.Date limite des propositions : 15 mars 2018
« Aiutando l’arte con le parole per esprimere suo concetto » : l’ambivalence de la théorie artistique du Cinquecento devant les inscriptions pourrait être résumée par cette formule de Giorgio Vasari, qui sanctionne ailleurs le recours aux phylactères comme une « goffaria » et un défaut de virtuosité. Le refus de faire place à l’écrit dans l’espace réservé de la mimésis avait déjà été revendiqué par les grands maîtres de la Renaissance, au point que Raffaello Borghini déplora plus tard l’absence d’intitulation ou d’attribut permettant d’identifier les allégories des tombeaux des Médicis à la Nouvelle Sacristie de San Lorenzo. C’est que du point de vue de ces artistes, l’inscription, placée hors ou – pire encore – dans le champ de l’image, gêne l’oeil autant qu’elle bride l’imagination du spectateur.
Comme l’a montré Emmanuelle Hénin dans son récent Ceci est un boeuf. La querelle des inscriptions dans la peinture, Aristote et Élien ont initié une longue tradition dépréciative envers l’ajout d’explications écrites, jugées nécessairement redondantes avec la chose représentée. Si l’on fait exception du goût antiquaire, cette tradition est particulièrement vive dans la pensée de la Renaissance, notamment en ce qui concerne les compositions peintes. Cependant, la volonté tridentine d’encadrer la réalisation et la contemplation de l’art religieux a conduit à exhumer, aux côtés des références, bien connues, à la Biblia Pauperum, un autre modèle antique légitimant l’intitulation et l’appareillage scripturaire des décors peints : celui de saint Paulin (ca. 350-431), auteur de tituli disposés le long des fresques et de l’architecture de la basilique de Saint-Félix à Nole, destinés à expliciter l’itinéraire spirituel du fidèle. Ainsi, en même temps qu’ils prônent le retour aux attributs, Molanus, Charles Borromée, Gabriele Paleotti et plus tard Frédéric Borromée citent tour à tour le « Martyribus mediam pictis pia nomina signant » de Paulin afin de marquer la fonction de l’inscription désignative, dans les effigies de saints comme dans les programmes iconographiques. Mais la question des écritures dans l’art religieux tridentin se pose aussi pour d’autres catégories d’images, par exemple les nomina sacra. Le sigle IHS de la Compagnie de Jésus, les Noms de Jésus et de Marie inspirent aux artistes des compositions imbriquant inextricablement les figures et les lettres.
Cette journée d’étude sera consacrée à l’importance, à la place, aux types, aux formes et enfin aux fonctions des inscriptions et écritures qui font retour en nombre dans les décors religieux monumentaux d’Italie pendant la seconde moitié du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Qu’il s’agisse des retables, des grands cycles dévotionnels ou votifs, des décors éphémères montés en fonction du calendrier religieux, des écritures toujours plus exposées visibles dans les lipsanothèques… il est évident que le docere tridentin n’entend pas renoncer aux commodités du texte. Reste que formes et fonctions des inscriptions varient d’un décor à l’autre. Tantôt elles identifient, expliquent et légitiment l’iconographie, tantôt, encodées et plus difficilement lisibles, elles attirent l’oeil sur leurs formes plutôt que sur leur sens. Dans tous les cas, elles imposent au fidèle un va-et-vient entre texte et figures dont il convient de saisir les conséquences sur les pratiques dévotionnelles. Notons également que les inscriptions ont permis des variations iconographiques substantielles : réalisé par Pomarancio et Tempesta dans la Rome de Grégoire XIII, le martyrologue de Santo Stefano Rotondo constitue un témoignage singulier de ce phénomène. Contemplant successivement les 36 quadri riportati du déambulatoire, le dévot découvre l’histoire de nombreux protomartyrs. Au-dessus et au-dessous de chacun des quadri, un système d’inscriptions et d’indexation bilingue présente et décrit scènes et figures, livrant ainsi les rudiments de leur interprétation.
Les propositions pourront notamment porter sur :
La place des inscriptions (retour du phylactère ; importance des tituli ; rejet ou inclusion des inscriptions dans le
- champ de l’image, rapports et hiérarchies des inscriptions entre elles, ordre et sens de lecture induits par leur disposition, etc.)
- Les différents types d’inscriptions (titres ; citations ; légendage des cycles narratifs ; figures de style ; langues choisies etc.)
- La forme des inscriptions (visibilité et lisibilité des inscriptions ; les choix entre les répertoires calligraphiques, typographiques, épigraphiques ; les techniques utilisées : incrustations ou fixation de métaux, stucs, peinture et choix chromatiques ; la référence formelle aux mises en pages du livre manuscrit et imprimé etc.)
- La fonction des inscriptions (valeur rhétorique et programmatique ; lecture moralisée des décors ; conduite prescriptive devant les images ; élaboration mnémonique des décors et des lieux ; relation entre inscriptions et attributs dans le cas des effigies de saints ; dialogue avec le marquage visuel du pouvoir hérité de l’épigraphie monumentale)
- L’adoption par les artistes de ces nouvelles normes (acceptation ou refus; modalités de l’insertion des écritures dans le champ de l’image; jeux, invention de nouvelles solutions graphiques).
Modalités de participation :
Rédigées en français, en italien ou en anglais, les propositions de communication (2500 signes), accompagnées d’un bref CV, doivent être envoyées au plus tard le 15 mars 2018 aux organisatrices : Gwladys Le Cuff (Sorbonne Universités, Centre Chastel, gwladys.lecuff@gmail.com) et Anne Lepoittevin (Sorbonne Universités,Centre Chastel, anne.lepoittevin@gmail.com). Merci de mentionner « Journée Inscriptions » en objet.
La journée d’étude se déroulera le vendredi 5 octobre à l’Université Paris-Sorbonne (INHA). Le Centre Chastel prendra en charge le transport.
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