Appel à communication : « Aux limites du paysage » / Call for Papers: “The landscape at its margins”
Date limite de l’appel : 31 mars 2023
Date de l’événement : 16 juin 2023
Lieu : Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 75002 Paris, Salle Vasari
Classée hiérarchiquement après la peinture d’histoire, le portrait et la scène de genre par André Félibien dans la préface des Conférences de l’Académie, la peinture de paysage n’en demeure pas moins un art apprécié des collectionneurs et des amateurs. Discutée dans les traités, tels ceux de Roger de Piles, Jean-Baptiste Du Bos ou Charles Batteux, la peinture de paysage occupe une part croissante dans la critique d’art au XVIIIe siècle : dans son Salon de 1767, Diderot décrit longuement l’expérience totale qu’il vit en regardant les tableaux de paysage de Vernet.
Cette reconnaissance du paysage est préparée ou accompagnée par des initiatives artistiques et scientifiques qui contribuent à définir le paysage autrement que par la brève définition qu’en donne le Dictionnaire de l’Académie française en 1762. En effet, pour ce dernier, le paysage est une « Etendue de pays que l’on voit d’un seul aspect ». Toutefois le paysage ne saurait se résumer à sa seule étendue et cet appel à communication souhaite investiguer d’une manière différente la notion de paysage aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Au cours de cette période, l’appréhension du paysage se modifie significativement : le paysage idéalisé des années 1600-1650, devient plus naturaliste grâce à l’apport des peintres flamands. Le développement urbain et l’accroissement de la population au XVIIIe siècle viennent accroître l’intérêt porté au paysage. Philosophes et poètes chantent les bienfaits d’une nature accueillante qui permet de se reposer du tumulte et des miasmes de la ville, tandis que les physiocrates mettent l’agriculture au centre de l’économie. Les artistes s’emploient à illustrer les œuvres des poètes, tels que James Thomson, Jean-François de Saint Lambert ou encore François de Rosset, ainsi que les principes physiocratiques, à l’instar de Jean-Baptiste Oudry dans La Ferme (1751) qui décrit, à l’arrière-plan, un vaste paysage civilisé par la main de l’homme. Ces propositions artistiques accompagnent d’autres démarches que cette journée d’étude souhaite approfondir.
Il s’agira d’aborder le paysage au travers de la façon dont les artistes ont pu rendre compte de sa géographie, de sa topographie ou encore de sa géologie. Le XVIIIe siècle voit se développer de nombreuses publications accompagnées de gravures permettant de se familiariser avec des pays proches ou lointains : parmi ceux-ci, on peut évoquer Le Voyage pittoresque de Naples et de Sicile de l’Abbé de Saint Non, les Tableaux topographiques, pittoresques, physiques, historiques, moraux, politiques, littéraires de la Suisse de Jean-Benjamin de La Borde et de Béat Zurlauben ou encore le Voyage en Sibérie de Jean Chappe d’Auteroche. De même, les vues topographiques se démultiplient : tableaux de champs de bataille au XVIIe siècle, veduta au XVIIIe siècle s’attachant à décrire le Forum Magnum ou à sublimer d’étonnants phénomènes naturels, telle l’éruption du Vésuve peinte par Le chevalier Volaire. Les planches de géologie de l’Encyclopédique, de même que les gravures s’intéressant aux couches sédimentaires de différents massifs montagneux constituent une autre façon d’aborder le paysage. Scientifiques, peintres et graveurs collaborent à cet effort de compréhension du paysage qui les entoure dans ses aspects à la fois visibles et invisibles.
Parallèlement à cette approche à visée scientifique, se développe une approche artistique à visée décorative. On évoquera les décors de théâtre, les plus connus étant ceux que François Boucher réalise pour les pastorales et les opéras comiques de son ami Charles Favart. Les architectes répondent à l’appel rousseauiste de la nature en faisant entrer le paysage dans l’hôtel particulier, par le biais d’élément d’architecture (on pensera, par exemple, aux arbres de Charles-Nicolas Ledoux dans le salon de compagnie de l’hôtel d’Uzès), de grottes reconstituées, de peintures mais aussi de papier-peints qui prennent la forme de panoramiques à la fin du XVIIIe siècle avec les manufactures de Jacquemart et Bénard, de Zuber, ou encore de Dufour. Le paysage est aussi présent dans la décoration intérieure par le biais de marqueteries de pierres précieuses qui sont appréciées tout autant pour leur aspect décoratif que pour leur capacité à évoquer l’universalité de la nature en réduisant le monde minéral à un paysage en miniature. Les cabinets de curiosités, quant à eux, dissèquent le paysage en ses éléments les plus spécifiques. Roches, coquillages ou herbiers font partie des collections d’amateurs, au premier rang desquels se trouvent Joseph Bonnier de la Mosson, Quentin de Lorangère ou encore François Boucher qui consacrait une partie non négligeable de ses revenus à sa collection de coquilles, madrépores et minéraux, comme le montre son Catalogue après décès rédigé par Pierre Rémy en 1771.
En traitant du paysage à ses marges, la journée d’étude vise à rendre compte des différentes manières dont les hommes des XVIIe et XVIIIe siècles ont élargi leur vision du paysage. Elle pose ultimement la question de savoir si l’idée de nature, dont Jean Erhard a démontré l’importance, éclate sous le coup de la modernité scientifique, comme le pense Robert Lenoble, ou si elle perdure, sublime et sublimée ?
Bibliographie sélective
- BECK-SAIELLO, Émilie, « La vue topographique en France au XVIIIe siècle : éclat et mésestime d’un genre », Itinéraires, 2015, (https://journals.openedition.org/itineraires/2819, consulté le 6 décembre 2022)
- BINOIS, Grégoire, « La cartographie militaire au XVIIIe siècle, une cartographie historique ? », Hypothèses, 2016/1, n° 19, p. 41-51.
- BROC, Numa, « Voyages et géographie au XVIIIe siècle », Revue d’histoire des sciences, 1969, p. 137-154.
- COUSINIE, Paysage du paysage. Nicolas Poussin, Claude Le Lorrain, Sébastien Bourdon, Dijon, Presses du réel, 2022.
- EHRARD, Jean, L’idée de nature en France dans la première moitié du XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1994.
- FOLLET, Jean-Philippe, La marqueterie de Pierres Dures, Paris, Eyrolles, 2012.
- LENOBLE, Robert, Histoire de l’idée de nature, Paris, Albin Michel, 1969.
- LOIRE, Stéphane (dir.), Nature et idéal: le paysage à Rome 1600-1650, cat. ex., Paris, Grand Palais (9 mars-6 juin 2001), Paris, RMN, 2011.
- MAILLET, Arnaud, « L’arbre comme ornement, charpente et tuteur dans les théories artistiques ‘XVIIIe-XIXe siècles), Jackie PIGEAUD (dir.), L’Arbre ou la raison des arbres. XVIIes Entretiens de La Garenne Lemot, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 45-83.
- MÉROT, Alain, Du paysage en peinture dans l’Occident moderne, Paris, Gallimard, 2009.
- MOUQUIN, Sophie, « Pour Dieu et pour le Roi : l’élaboration d’une symbolique du marbre sous l’Ancien Régime », Marbres jaspés de Saint-Rémy et de la région de Rochefort, Namur, Musée des Arts anciens du Namurois, 2012, p. 205-231.
- NAU, Clélia, L’Art et les puissances du végétal, Paris, Hazan, 2022.
- RANCIERE, Jacques, Le temps du paysage, Paris, La fabrique, 2020.
- SCHNAPPER, Antoine, Le géant, la licorne et la tulipe. Les cabinets de curiosités en France au XVIIe siècle, Paris, Flammarion, 2012.
- VELUT, Christine, « L’industrie dans la ville : les fabriques de papiers peints du faubourg Saint-Antoine (1750-1820) », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, n° 49-1, 2002/1, p. 115-137.
- VERDIER, Nicolas, « Quelques réflexions sur la matérialité des atlas (XVIIe-XVIIIe siècle) », Jean-Marc BESSE, Forme du savoir, forme du pouvoir. Les atlas géographiques à l’époque moderne et contemporaine, Rome, Ecole française de Rome, 2022, p. 301-320.
Propositions de communication : En français ou en anglais, les propositions de communication (500 mots) seront accompagnées d’un titre et d’une brève notice bio-bibliographique.
Date limite d’envoi des propositions : 31 mars 2023
Envoi des propositions : asso.grham@gmail.com
Cette journée d’étude est organisée par le GRHAM
The landscape at its margins
Deadline: 31st of March 2023
Event date: 16th of June 2023
Place: Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 75002 Paris, Salle Vasari
Ranked hierarchically after history painting, portraiture and genre scenes by André Félibien in the preface to the Conférences de l’Académie, landscape painting nevertheless remains an art form appreciated by collectors and amateurs. Discussed in treatises, such as those by Roger de Piles, Jean-Baptiste Du Bos or Charles Batteux, landscape painting played an increasing role in art criticism in the 18th century. In his Salon of 1767, Diderot describes at length the total experience he had, looking at Vernet’s landscape paintings.
This recognition of landscape is prepared or accompanied by artistic and scientific initiatives that define landscape differently from the brief definition given by the Dictionary of the French Academy in 1762. Indeed, for the latter, the landscape is an « Extent of country that one sees from a single aspect ». However, “extent” cannot sum up landscape painting and this call for papers wishes to investigate the notion of landscape in the 17th and 18th centuries in a different way.
During this period, the apprehension of the landscape changed significantly: the idealized landscape of the years 1600-1650, became more naturalistic thanks to Flemish painters’ contribution. The urban development and the increase of the population during the 18th century increased interest in the landscape. Philosophers and poets sang of the benefits of a welcoming nature that allowed rest from the tumult and miasma of the city, while physiocrats put agriculture at the center of the economy. Artists were busy illustrating the works of poets such as James Thomson, Jean-François de Saint Lambert and François de Rosset, as well as physiocratic principles, as in Jean-Baptiste Oudry’s The Farm (1751), which depicts a vast landscape civilized by the hand of man. These artistic proposals accompanied other approaches that this symposium wishes to explore.
The aim is to approach the landscape through the way artists have been able to render its geography, its topography or its geology. The 18th century saw the development of numerous publications accompanied by engravings that allowed the viewer to become familiar with countries near and far. Among these publications, Le Voyage pittoresque de Naples et de Sicile by the Abbé de Saint Non, the Tableaux topographiques, pittoresques, physiques, historiques, moraux, politiques, littéraires de la Suisse by Jean-Benjamin de La Borde and Béat Zurlauben, or the Voyage en Sibérie by Jean Chappe d’Auteroche can be mentioned. Likewise, topographical views are multiplied: battlefield paintings in the 17th century, veduta in the 18th century describing the Forum Magnum or sublimating astonishing natural phenomena, such as the eruption of Vesuvius painted by Le chevalier Volaire. The geology plates of the Encyclopédie, as well as the engravings on the sedimentary layers of different mountain chains are another way of approaching the landscape. Scientists, painters and engravers collaborate in this effort to understand the landscape that surrounds them in its aspects both visible and invisible.
In parallel to this scientific approach, an artistic approach developed with a decorative aim. Well-known are the decorations created by François Boucher for the pastorals and comic operas of his friend Charles Favart. Architects responded to Rousseau’s call for nature by bringing the landscape into the mansions, through architectural elements; for example, Charles-Nicolas Ledoux’s trees in the company room of the Hôtel d’Uzès. They reconstituted caves, paintings, but also wallpapers that took the form of panoramas at the end of the 18th century with the manufactures of Jacquemart and Bénard, Zuber, and Dufour. The landscape was also present in interior decoration through marquetry of precious stones which was appreciated as much for its decorative aspect as for its capacity to evoke the universality of nature by reducing the mineral world to a miniature landscape. The cabinets of curiosities dissected the landscape into its most specific elements. Rocks, shells or herbariums were part of the amateurs’ collections such as Joseph Bonnier de la Mosson, Quentin de Lorangère. François Boucher devoted a significant part of his income to his collection of shells, madrépores and minerals, as shown in his Catalogue after his death written by Pierre Rémy in 1771.
By dealing with the landscape at its margins, the symposium aims to give an account of the different ways in which 17th and 18th centuries’ men have expanded their vision of the landscape. Ultimately, the symposium question the “idea of nature” that Jean Erhard magisterially reconstructed. Did it explode under the impact of scientific modernity? Or, as Robert Lenoble thinks, has it been sublimated by it?
Selective bibliography
- BECK-SAIELLO, Émilie, « La vue topographique en France au XVIIIe siècle : éclat et mésestime d’un genre », Itinéraires, 2015, (https://journals.openedition.org/itineraires/2819, consulté le 6 décembre 2022)
- BINOIS, Grégoire, « La cartographie militaire au XVIIIe siècle, une cartographie historique ? », Hypothèses, 2016/1, n° 19, p. 41-51.
- BROC, Numa, « Voyages et géographie au XVIIIe siècle », Revue d’histoire des sciences, 1969, p. 137-154.
- COUSINIE, Paysage du paysage. Nicolas Poussin, Claude Le Lorrain, Sébastien Bourdon, Dijon, Presses du réel, 2022.
- EHRARD, Jean, L’idée de nature en France dans la première moitié du XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1994.
- FOLLET, Jean-Philippe, La marqueterie de Pierres Dures, Paris, Eyrolles, 2012.
- LENOBLE, Robert, Histoire de l’idée de nature, Paris, Albin Michel, 1969.
- LOIRE, Stéphane (dir.), Nature et idéal: le paysage à Rome 1600-1650, cat. ex., Paris, Grand Palais (9 mars-6 juin 2001), Paris, RMN, 2011.
- MAILLET, Arnaud, « L’arbre comme ornement, charpente et tuteur dans les théories artistiques ‘XVIIIe-XIXe siècles), Jackie PIGEAUD (dir.), L’Arbre ou la raison des arbres. XVIIes Entretiens de La Garenne Lemot, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 45-83.
- MÉROT, Alain, Du paysage en peinture dans l’Occident moderne, Paris, Gallimard, 2009.
- MOUQUIN, Sophie, « Pour Dieu et pour le Roi : l’élaboration d’une symbolique du marbre sous l’Ancien Régime », Marbres jaspés de Saint-Rémy et de la région de Rochefort, Namur, Musée des Arts anciens du Namurois, 2012, p. 205-231.
- NAU, Clélia, L’Art et les puissances du végétal, Paris, Hazan, 2022.
- RANCIERE, Jacques, Le temps du paysage, Paris, La fabrique, 2020.
- SCHNAPPER, Antoine, Le géant, la licorne et la tulipe. Les cabinets de curiosités en France au XVIIe siècle, Paris, Flammarion, 2012.
- VELUT, Christine, « L’industrie dans la ville : les fabriques de papiers peints du faubourg Saint-Antoine (1750-1820) », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, n° 49-1, 2002/1, p. 115-137.
- VERDIER, Nicolas, « Quelques réflexions sur la matérialité des atlas (XVIIe-XVIIIe siècle) », Jean-Marc BESSE, Forme du savoir, forme du pouvoir. Les atlas géographiques à l’époque moderne et contemporaine, Rome, Ecole française de Rome, 2022, p. 301-320.
Abstracts: In French or Enhlish (500 words) accompanied by a title and a brief CV.
Dead line: 31st of March 2023
e-mail address: asso.grham@gmail.com
This symposium is organized by GRHAM
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