Le vingtième siècle des idéologies a vu se développer l’activité de « propagande », mise en place par des partis, des organisations ou des États, qu’ils soient dictatoriaux ou démocratiques. L’image de propagande se définit par sa mission fondamentale : convaincre et faire faire, susciter une idée, une vision du monde, et conduire à agir. Pensée pour atteindre le plus grand nombre, elle est censée avoir une efficacité directe auprès des masses et elle a pu puiser dans tout l’éventail des formes disponibles pour y parvenir.
Or, face à la propagande, la question de la beauté ressurgit régulièrement, que ce soit du côté de la production, de la réception ou encore de la diffusion de ces images. Chez ceux qui réalisent les images, l’objectif de pédagogie s’accompagne souvent d’une exigence esthétique. Pour le Mexicain David Siqueiros, le but suprême de l’art est de « créer la beauté pour tous, la beauté qui éclaire les esprits et pousse à la lutte », comme il l’exprime dans son manifeste de 1922. Chez ceux qui sont chargés de diffuser les œuvres, la même question apparaît. Par exemple, les œuvres primées par le Premio Cremona, concours artistique créé en Italie en 1939 pour encourager les talents fascistes émergents, ne sont pas toujours aussi bien relayées qu’elles étaient supposées l’être, car certains dignitaires du régime mussolinien sont peu convaincus par leurs qualités plastiques, malgré un contenu politique irréprochable. Chez ceux qui regardent les images, la question est également soulevée. Ainsi, dans l’Allemagne de l’Est de 1950, face à une affiche qui leur déplaît et qu’ils prennent soin de décrire, des syndicalistes écrivent : « nous ne voudrions pas nous attarder sur la réalisation technique, nous sommes de simples profanes, mais notre sens de la beauté (Schönheitsgefühl) a été blessé par la grossièreté des traits, qui sont particulièrement mal dessinés ».
D’où le questionnement au cœur de cette journée : pourquoi et comment la catégorie du beau est-elle mobilisée lors des activités de propagande ? Il s’agit de réfléchir aux manières dont l’articulation entre propagande et beauté a été posée dans différents régimes et différents contextes idéologiques, culturels et sociaux. C’est le point de vue des acteurs impliqués qui nous intéresse : il ne s’agit évidemment pas de formuler un jugement, de trancher la question, peu pertinente à notre avis, de savoir si telle œuvre de propagande est belle ou pas, mais de comprendre comment, par qui et pourquoi de tels jugements ont pu être formulés.
Le but de cette journée d’étude n’est pas d’offrir un panorama supplémentaire des activités de propagande au vingtième siècle, ni de réhabiliter des œuvres mais de reconstituer les arguments et interrogations formulés à ce sujet par ceux qui réalisent des œuvres de propagande, par ceux qui l’organisent ou encore, quand les archives le permettent, par ceux qui les reçoivent. Car la propagande, alors qu’elle se présente comme sûre d’elle-même, est traversée de doutes, d’hésitations, de débats, y compris dans des régimes politiques où l’échange d’idées est surveillé. L’image, par nature équivoque, peut servir de révélateur à ces tergiversations.
Conditions de soumission :
La journée se tiendra à l’ens-Lyon le 7 mai 2015 et prendra la forme de tables rondes. Les propositions (de maximum 500 mots) sont à envoyer à bazin.jerome@wanadoo.fr et marie.fretigny@gmail.com avant le 5 janvier 2015. Les papiers des interventions seront à envoyer pour le 15 avril 2015.
Organisation scientifique :
Jérôme Bazin (université de Paris-Est Créteil)
Marie Frétigny-Ryczek (ens-lyon),
Séverine-Antigone Marin (université de Strasbourg),
Alexandre Sumpf (université de Strasbourg)
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