Appel à communication : « Redoublement(s) : Dispositifs de duplication et rhétorique visuelle dans l’image des Tre-Quattrocento » (Paris, INHA, 1er-2 décembre 2025)
Colloque organisé par Anne-Laure Imbert et Naïs Virenque, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (HiCSA) en collaboration avec l’UCLouvain.
La peinture italienne des Tre-Quattrocento regorge de dispositifs de redoublement dont la visée est de renforcer l’efficacité discursive de l’image : réduplication de personnages, échos des gestes et positions des corps, cadres fictifs et architectures signifiantes, jeux d’écho de l’iconographie symbolique… Ces renforcements sémiotiques de l’image par l’image requièrent des choix compositionnels qui s’appuient tant sur l’érudition des peintres que sur une culture et des habitudes visuelles qu’ils partagent avec le spectateur. Ils impliquent une attention portée aux procédés de juxtaposition, de continuité ou de rupture, mais aussi de mise en abîme et d’intermédialité. Le colloque se concentre sur ces procédés. Il ne se limite pas, toutefois, à examiner des échos formels, saisis comme une question de Gestaltpsychologie, dans la ligne des réflexions de l’École de Vienne ou de Gombrich (notamment dans The Sense of Order). Il entend aussi, et surtout, éclairer la constitution d’un discours figuré qui, au sein d’une même image, se réitère de manière méta- ou polymorphique pour exacerber sa propre efficacité, et en appelle parfois à la « mémoire iconologique » (Lina Bolzoni) du spectateur.
À partir de réflexions générales et d’études de cas, le colloque vise ainsi à explorer la manière dont les peintres instrumentalisent le médium iconique à travers une rhétorique visuelle du redoublement, qui participe de la singularité de la peinture de la première Renaissance italienne.
La notion de redoublement invite d’abord à se demander comment l’image est pensée par l’artiste d’un point de vue de sa structure. Perspective, cadrage, format ou encore mise au point de la spatialité sont en effet susceptibles de redoubler la rhétorique visuelle de l’image. Qu’il s’agisse des figures d’encadrement de part et d’autre d’une baie, qui instaurent une symétrie, parfois animée par l’introduction d’une légère variation, ou de l’objet qui, à la verticale du motif central, focalise le regard pour le redoubler sous une forme figurale (comme le temple au-dessus du Mariage de la Vierge chez Pérugin ou Raphaël), un tel procédé n’est pas neutre : il norme l’interprétation de l’image, car les effets de redoublement ne sont, la plupart du temps, que faussement tautologiques.
En conséquence, la notion de redoublement implique de s’interroger sur la figuralité du discours, qui ne se révèle le plus souvent qu’à travers l’investissement de procédés rhétoriques propres au renforcement du sens. Répétition, anaphore, embrassement, ou encore pléonasme mettent ainsi leur efficacité élocutoire au service du discours peint. Comme l’a proposé Livia Lupi, c’est en usant d’une telle rhétorique visuelle que des architectures peintes dans le cycle d’Altichiero à Padoue produisent une amplificatio du discours porté par les figures du premier champ de l’image, contribuant à le souligner ou à le répéter d’une manière alternative.
L’ampleur du redoublement est du reste variable, allant de vastes opérateurs de lieux (architectures, ensembles urbains, végétaux organisés) à des personnages, des animaux ou de simples objets. L’échelle varie aussi : dans le cas du cycle d’Altichiero, le redoublement ne s’effectue pas sur une image isolée, mais se déploie à l’échelle de la séquence figurée. Il en va de même des redoublements qui affectent le geste, apparemment répété, d’une figure dans un cycle de fresques, comme celui de la chapelle Scrovegni.
Enfin, le redoublement peut entretenir un jeu dialogique avec la frontière de l’image, proposant une forme de réponse entre son « dedans » et le « dehors » de ses limites figuratives, depuis son éventuelle bordure jusqu’à son cadre ou la structure de l’édifice où elle se trouve. Le redoublement touche ainsi à la question des parerga. Ces derniers constituent un cas spécifique du redoublement en hiérarchisant ses composantes : un sujet principal peut s’y trouver redoublé dans un champ secondaire, parfois périphérique, de l’image. Un tel redoublement affecte la réception du discours figuré, notamment lorsqu’il produit une ambivalence ou instaure une forme de parodie – il en va ainsi du redoublement comique d’un propos sérieux.
Structure, figuralité, échelle et parerga excèdent de simples procédés de réitérations plastiques, formelles ou iconographiques. Ils présupposent l’exercice d’une herméneutique du redoublement, entendue comme une méthode d’investigation du sens de l’image, dont la réception est conditionnée par la prise en compte, pleine et entière, de ses dispositifs de réduplication.
Au-delà d’une convention formelle ou d’une perpétuation de schémas passifs, le colloque portera sur la mise au jour du processus conscient de l’artiste qui introduit délibérément des éléments redoublant son discours figuré, et relevant donc de la composition et de l’invention. En ce sens, il explorera le redoublement en tant que geste poétique, porteur d’une capacité de transformation de l’image en sens et du sens en image.
Modalités de candidature
Les propositions de communication, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, peuvent être envoyées à anne-laure.imbert@univ-paris1.fr et nais.virenque@uclouvain.be jusqu’au 25 juin.
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