Repenser le médium. Matière, technique et transmission dans l’art contemporain et le cinéma
Colloque international à l’Institut national d’histoire de l’art, Paris
22, 23 et 24 juin 2016
Organisé dans le cadre du programme de recherche « Art contemporain, cinéma, médias » du domaine Histoire de l’art contemporain de l’INHA en partenariat avec l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle / LIRA (Laboratoire International de Recherches en Arts), la Goethe-Universität Frankfurt-am-Main, la Ruhr-Universität Bochum et l’IKKM-Weimar.
(English version below)
Dans une certaine mesure, les usages des termes « médium » et « média(s) » sont encore organisés aujourd’hui autour d’un strict partage théorique et disciplinaire : d’un côté, l’étude des médiums – les médiums artistiques entendus comme ensembles de supports, techniques et dispositifs de représentation étudiés, par exemple, par l’histoire et la théorie de l’art et du cinéma – et, de l’autre, l’étude des médias entendus au sens de mass media – les moyens de communication de masse abordés par les sciences de l’information et de la communication.
Cependant, depuis une vingtaine d’années on constate l’essor d’un vaste champ de recherche, ouvert et transdisciplinaire (pensons à la Medienwissenschaft allemande, aux media studies anglophones, aux études médiatiques canadiennes, ou encore à la médiologie et aux travaux sur les appareils et la philosophie de la technique en France) qui concerne l’ensemble des médiations se manifestant à l’intérieur d’un contexte culturel donné : les conditions de possibilités technico-matérielles de toute forme de perception et d’expérience, de représentation et de communication, d’enregistrement et de transmission.
Le développement dans l’art contemporain de pratiques artistiques qui se situent à la croisée de plusieurs médiums (intermedia, mixed media, multimedia) ou qui ont recours aux « nouveaux médias », tout comme dans le domaine du cinéma le passage de l’argentique au numérique et l’apparition de nouveaux dispositifs et de nouvelles formes de captation, de manipulation, de visionnement et d’archivage des images en mouvement, ont précipité la nécessité de repenser ce qu’est un médium. Face à un panorama artistique, cinématographique et technologique en constante transformation, ce colloque se propose de rouvrir la question de la définition du médium en interrogeant la distinction entre « médium » et « média(s) ».
Pour cela, il convient d’opérer un retour sur les différentes significations et connotations qui ont été attribuées au terme d’origine latine « médium » dans le cadre d’une longue généalogie qui a ses racines dans les notions aristotéliciennes de metaxu et de diaphanes et trouve ses points focaux au XXe siècle dans les écrits de László Moholy-Nagy et Walter Benjamin, Rudolf Arnheim et Clement Greenberg, Marshall McLuhan et Friedrich Kittler. Il s’agit ainsi de faire un état des lieux de la recherche actuelle sur ces questions en contribuant simultanément au décloisonnement entre les disciplines de l’histoire de l’art, des études cinématographiques et audiovisuelles et de l’histoire et de la théorie des médias.
Les communications pourront s’articuler autour de quatre axes :
Médium, spécificité, modernisme
En histoire de l’art, la notion de « médium » est souvent utilisée dans le cadre restreint – d’un point de vue géographique autant que théorique – du modernisme formaliste de Clement Greenberg et de la notion de « medium specificity ». Cela vaut également pour les nombreuses tentatives de dépassement de ce modèle qui ne sont pas loin d’un retour à des questions modernistes que l’on croyait périmées. De façon comparable, dans le domaine des études cinématographiques, l’idée d’une spécificité du médium développée par Rudolf Arnheim et Siegfried Kracauer connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, tandis que dans le champ de la Medienwissenschaft on discute de la manière dont la référence à un médium spécifique (photographie, cinéma, radio, télévision) conditionne l’élaboration de la théorie des médias dans son ensemble. Dans quelle mesure le médium est-il un concept moderniste ? Quelle est l’actualité de la notion d’une délimitation stricte des médiums artistiques et comment penser son historicité ainsi que son ancrage culturel ? Une attention particulière sera prêtée aux communications abordant des approches qui se sont développées hors du contexte américain.
Médium, milieu, environnement
Tant la notion de la medium specificity que l’idée du médium comme instrument technique ou canal de communication ont pu occulter les théories du médium comme milieu, environnement, ou atmosphère alors même que cette approche a trouvé de nombreuses incarnations dans l’art contemporain et le cinéma expérimental, à commencer par les « environments », l’art optique et cinétique, ou encore l’Expanded Cinema et les installations vidéo. Il s’agira de faire redécouvrir cette ligne de pensée qui, trouvant ses racines dans la philosophie d’Aristote, s’est épanouie au XXe et XXIe siècles depuis l’Umwelt biologique de Jakob von Uexküll, la lumière comme « médium plastique » de Moholy-Nagy, ou encore le « médium de la perception » de Benjamin, jusqu’à la notion des médias comme « environnements » de McLuhan et les actuelles conceptions « météorologiques », « physiques » et « géologiques » en passant par la distinction entre médium et « chose [Ding] » de Fritz Heider et sa reprise par l’approche systémique de Niklas Luhmann. Pour cela, on s’interrogera sur la manière dont les formes artistiques et cinématographiques contemporaines ont travaillé les matérialités et les densités d’une région intermédiaire, diffuse et plastique, conçue comme active et capable de conditionner nos formes de perception et d’expérience.
Médium, matérialités, gestes
Repenser la notion de médium à la lumière de sa longue généalogie nous conduit à revenir sur la question de la matière et de la matérialité des œuvres artistiques et cinématographiques. Comment la réflexion sur les réseaux techniques qui structurent la production, l’enregistrement et la mise en circulation du savoir (les Aufschreibesysteme de Kittler) ou celle sur les techniques constitutives de la culture et de leurs opérations nous incitent-elles à revoir ce que l’on entend par la matière de l’œuvre? En quoi ces approches nous aident-elles à rouvrir à nouveaux frais la question de l’ « immatérialité » des nouveaux médias ? Qu’en est-il des pratiques artistiques et cinématographiques employant les nouvelles technologies ? Comment aborder aujourd’hui les idées de savoir-faire et de geste technique dans les pratiques artistiques et cinématographiques face aux nouvelles matérialités ? Enfin, quelles nouvelles positions ou gestes ces matérialités et techniques contemporaines génèrent-elles tant chez le spectateur que chez l’artiste ?
Médium, mémoire, transmission
Après avoir considéré l’archéologie du concept de médium et les éléments de réflexion que cela apporte à l’histoire et à la théorie de l’art contemporain et du cinéma, il s’agit dans ce quatrième axe de prendre en considération l’archéologie des médias eux-mêmes. En quoi le nouveau champ de recherche de la media archaeology permet-il d’éclairer les pratiques artistiques et les formes cinématographiques et audiovisuelles qui traitent de la temporalité des médias et de la manière dont ceux-ci exercent des fonctions d’enregistrement, d’élaboration et de transmission de la mémoire culturelle ? Comment les artistes et les cinéastes nous parlent-ils des bouleversements qui affectent les lieux, les formes et les techniques de l’archivage et de l’accès à cette même mémoire comme la bibliothèque et le livre ?
Informations pratiques
Les propositions de communication (titre et résumé de 2000 signes et un cv de 2 pages) sont à envoyer avant le 5 janvier 2016 à larisa.dryansky@inha.fr. La durée des communications sera de 25 minutes.
Pour plus d’informations cliquez ici
Organisation
Larisa Dryansky, INHA/université Paris-Sorbonne
Oliver Fahle, Ruhr-Universität Bochum
Vinzenz Hediger, Goethe-Universität Frankfurt-am-Main
Antonio Somaini, université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle/LIRA (Laboratoire international de recherches en arts)
Riccardo Venturi, INHA
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RETHINKING THE MEDIUM. Matter, Techniques, and Transmission in Contemporary Art and Cinema
An International Conference hosted at the Institut national de l’histoire de l’art, Paris,
June 22, 23, and 24, 2016
Organized by the research program “Contemporary Art, Cinema, Media” of the Contemporary Art section of INHA in partnership with the Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle / LIRA (Laboratoire International de Recherches en Arts), Goethe-Universität Frankfurt-am-Main, Ruhr-Universität Bochum, and IKKM-Weimar.
To a certain extent, there is still today a tendency to distinguish the terms “medium” and “media” following a strict theoretical and disciplinary divide: on the one hand, the study of mediums, that is, artistic mediums understood as the material supports, techniques, and forms of representation studied by the history and theory of art and cinema, and, on the other hand, the study of media in the sense of mass media, that is, the means of mass communication addressed by communication and information studies.
However, over the past twenty years, an important new field of research has emerged that addresses all forms of mediation occurring within a given cultural context. Transdisciplinary and open to a variety of methodological influxes, this expanding field, better known as Medienwissenschaft or media studies, looks at the technical and material conditions of all forms of perception and experience, representation and communication, as well as the different cultural techniques implied in the production of meaning, overcoming thereby the distinction between “medium” and “media”
The development within contemporary art of practices that combine different mediums (multimedia, mixed media) or move between and across mediums (intermedia, transmedia), just as, within the field of cinema, the transition from film to the digital, and the rise of new modes of recording, manipulating, and viewing moving images, have made it necessary to rethink what a medium actually is. Responding to an artistic, cinematographic, and technological landscape in constant flux, this conference seeks to investigate the definition of what a medium is by questioning the rigid distinction between “medium” and “media”.
In order to do so, it is important to consider the various meanings and connotations ascribed to the latin-derived word “medium” within a long genealogy that can be traced back to the Aristotelian notions of metaxu and diaphanes and that finds its key moments in the 20th century with the writings of László Moholy-Nagy and Walter Benjamin, Rudolf Arnheim and Clement Greenberg, Marshall McLuhan and Friedrich Kittler. Seeking to present the most recent research on these topics, this symposium aims at the same time to contribute to the dialog between the disciplines of art history, cinema studies, and media studies.
Papers may address the following topics
Medium, Specificity, Modernism
In the field of art history, the notion of “medium” is often used with reference to the geographically as well as theoretically circumscribed notion of “medium specificity” such as it was defined by Clement Greenberg’s formalist modernism. This is true even of attempts to transcend this model, several of which demonstrate in fact a return to modernist issues that appeared to have been discarded. Similarly, in the context of cinema studies, there is today a revived interest in the notion of medium specificity put forward most famously by Rudolf Arnheim and Siegfried Kracauer, while in the field of Medienwissenschaft there is a new discussion about the way in which the reference to one specific medium (photography, film, radio, television) determines the production of an overall theory of media. To what extent is the medium a modernist concept? What is the current relevance of the notion of a strict compartmentalization of artistic mediums? How may we address the historical and cultural foundations of this notion? Particularly welcome are proposals for papers addressing approaches not limited to the American context.
Medium, Milieu, Environment
The understanding of the medium as a technical instrument or channel of communication, as well as the theories of medium specificity within the fields of art and film theory, have relegated to the background the concept of the medium as an intermediary entity or ambient space: a milieu, or an environment. However, this idea has gained new currency in contemporary art and cinema, starting with the “environments” of postwar art, Op and kinetic art, as well as with expanded cinema and video installations. This conception of the medium belongs to a long genealogy that has its origin in Aristotle’s philosophy, and that has known various developments among modern thinkers: in the theoretical biology of Jakob von Uexküll (with his notion of “Umwelt” ), in László Moholy-Nagy’s idea of “light as a plastic medium of expression,” in Fritz Heider’s distinction between Medium and Ding (later reformulated by Niklas Luhmann in terms of a distinction between Medium and Form), in Benjamin’s understanding of the relation between the technical Apparate and the “medium of perception,” in McLuhan’s understanding of media as “environments,” as well as in the contemporary “meteorological,” “physical,” and “geological” approaches to media. This section considers works that explore the materialities and the densities of the medium conceived as an intermediary region, extending in space and plastic, capable of conditioning our forms of perception and experience.
Medium, Materialities, Gesture
Rethinking the notion of medium by exploring its long history and its several genealogical lines leads to a reconsideration of what is meant by matter and materiality in reference to art and cinema. How does the study of the technical networks that structure the recording, processing, and storing of knowledge and information (Kittler’s Aufschreibesysteme) or that of the “cultural techniques” whose operations constitute the fabric of culture, help us understand in a new way the materialities and the technical dimension involved in artistic practices ? In which way do such approaches help us reconsider the idea of the immateriality of so-called “new media” ? Do the new materialities and techniques at work in contemporary artistic practices determine the development of new positions and gestures on the side of both the artist and the spectator ?
Medium, Memory, Transmission
After considering the archaeology of the concept of medium and how it contributes to the history and theory of contemporary art and cinema, this section considers the archaeology of media proper. How does the new approach known as media archaeology shed light on artistic practices and cinematographic and audiovisual forms that engage with the temporality of media and the way in which they record, process, and transmit cultural memory? How do contemporary artists and filmmakers depict the radical changes affecting the access to this memory and the places, forms, and technics of archiving such as the library and the book?
The deadline for proposals (title and abstract of 300 words and short cv of 2 pages) for papers of 25 minutes is January 5, 2016. Please send proposals to larisa.dryansky@inha.fr
For more information click here
Symposium organizers
Larisa Dryansky, INHA / Université Paris-Sorbonne
Oliver Fahle, Ruhr-Universität Bochum
Vinzenz Hediger, Goethe-Universität Frankfurt-am-Main
Antonio Somaini, Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle / LIRA (Laboratoire International de Recherches en Arts)
Riccardo Venturi, INHA
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