Appel à communication : « Télé-Phonies : l’écoute à distance dans les arts et les cultures auditives » (8 et 9 octobre 2025, INHA, Paris)

Journée d’étude internationale

8 et 9 octobre 2025, INHA, Paris

Télé-Phonies : l’écoute à distance dans les arts et les cultures auditives

Association IMAGO-Cultures Visuelles, groupe de recherche Télé-Visions (ED441/HiCSA)

L’invention du téléphone, de la télégraphie électrique et de la radio a profondément transformé les modalités de l’écoute. Ces technologies ont accompagné le développement d’approches physiologiques et la mesure de plus en plus précise des phénomènes sonores. Elles ont favorisé l’émergence d’un ensemble de compétences sonores, et ont structuré l’écoute comme une pratique corporelle et sociale spécifique. Le développement des outils de reproduction et de transmission sonore a également conduit à la constitution de régimes auditifs particuliers et d’un ensemble de reconfigurations spatiales, qui ont eu un impact significatif sur les arts et les cultures de l’écoute en inscrivant le son, la technologie et la médiation sonore dans des systèmes complexes d’interaction sociale et esthétique.

À partir de l’hypothèse d’une intrication entre les cultures auditives, les régimes de perception associés et les techniques d’écoute, la journée d’étude Télé-Phonies propose l’analyse des régimes de perception et des cultures de l’écoute liés à la notion plurielle de distance. Envisager l’écoute non seulement comme le propre des réseaux de communication téléphoniques et des médias de masse radiophoniques, mais, plus largement, comme un ensemble de pratiques et de techniques médiatiques d’écoute à distance au sein ou en marge de ces réseaux, nous permettra de comprendre leur profond impact sur les arts du son et les cultures auditives.

L’écoute implique toujours une forme de distance, qu’elle soit matérielle, métaphorique, géographique, temporelle ou sociale. D’un point de vue matériel, cette distance se concrétise à travers les infrastructures techniques, qui modifient l’expérience de l’écoute et introduisent un rapport renouvelé aux éloignements topologiques, culturels et attentionnels qui nous séparent. Dans certains cas, ces médiations sonores entraînent de profondes reconfigurations spatiales et sociales, structurant de véritables territoires de l’écoute. La notion de distance peut également renvoyer à des enjeux sociaux et culturels, tels que les inégalités d’accès aux technologies, mais aussi aux questions liées au handicap et aux contrastes entre les différentes cultures auditives.

Pour aborder ces enjeux, la journée d’étude Télé-Phonies adopte une approche pluridisciplinaire, convoquant les méthodologies de l’histoire de l’art, de l’archéologie des médias et des études sonores, mais aussi des Science and Technology Studies (STS) et de l’histoire de la musique. Les objets et pratiques artistiques envisagés seront eux-mêmes le plus souvent hybrides, situés à la jonction des arts plastiques, des cultures sonores et de la musique, et plus généralement en marge des techniques et pratiques culturelles qui dominent l’historiographie de l’écoute à distance.

Du rêve d’un art « en quatre dimensions » professé par le Manifeste futuriste La Radia en 1933, au projet Echoes of the Moon (1987) de Pauline Oliveros, l’histoire de l’art et de la musique montre à quel point les imaginaires et les pratiques de l’écoute ont été alimentés par les techniques radiophoniques et téléphoniques, mais aussi radioastronomiques. Le désir de connexion à distance de la modernité se heurte cependant aux réalités sociales et politiques des infrastructures et des environnements techniques.  Leur matérialité et leur réancrage culturel remettent en question le fantasme moderne d’une communication transparente. Dès les années 1960 et 1970, des artistes interrogent l’histoire des techniques médiatiques de transmission et d’enregistrement du son, en adoptant une approche proche de celle de l’archéologie des médias. À partir des années 1980, d’autres appropriations politiques, communautaires et expérimentales de la radiophonie viennent en redessiner les contours sociaux et matériels, tandis que la musique et la création sonore embrassent les réseaux de télécommunication. La création sonore à distance est alors réactivée sur un mode collaboratif et préfigure l’ère contemporaine de la « musique mobile ».

L’histoire de l’enregistrement sonore influence profondément les imaginaires liés à un régime « schizophonique » qui, dissociant le son reproduit de son origine par sa médiation technique, est à l’origine de nombreuses recherches en psychoacoustique, mais aussi de narrations qui forment l’hypothèse d’une dimension spectrale de l’enregistrement et de la transmission sonore. Il est par exemple possible d’envisager l’écoute acousmatique et ses dispositifs, érigés par la musique concrète en véritable méthodologie de l’écoute réduite, comme une forme d’écoute à distance ; il en va de même pour certains modes de communication sonore par la voix, ainsi que pour les techniques du corps, telles que la ventriloquie.

Les différentes distances qui traversent l’histoire du son médié dessinent de véritables écologies politiques de l’écoute. Ainsi, l’écoute à distance est associée aux contextes militaires et civils d’espionnage et de surveillance ; elle peut s’inscrire dans le contexte généralisé d’une « guerre sonore », où l’affect vibratoire est redéfini par la distanciation et la virtualisation de la violence. Elle est aussi habitée de technologies comme l’échosondeur ou le sonar, dont l’étude de l’ancrage au sein de logiques extractivistes révèle la dimension sonore de l’exploitation des ressources naturelles à l’heure de l’anthropocène et du capitalisme tardif. Les normes de perception, d’accessibilité de l’écoute médiée et des technologies auditives sont également interrogées par les Disability media studies. Récemment, la généralisation des communications à distance via des plateformes de vidéoconférence interroge la place du son et de l’écoute dans les environnements digitaux.

Les axes suivants pourront être envisagés : 

  • techniques du corps et écoute à distance
  • écoute à distance dans la recherche scientifique ; interfaces et sonification, acoustémologie
  • enregistrement sonore, écoutes acousmatiques ; circulation des enregistrements ; études de formats
  • imaginaires et utopies de l’écoute à distance ; conquête spatiale
  • handicap, technologies de l’écoute assistée et augmentée, écoute post-humaine
  • cultures auditives au sein des réseaux de télécommunication et des médias de masse
  • paradigme digital de l’écoute à distance ; visioconférence et écoute
  • approches écologiques de l’écoute à distance ; extractivisme et techniques sonores
  • techniques d’écoute à distance dans les contextes de conflits armés ; technologies de surveillance
  • spectralité, “hantologie” du son transmis ou enregistré

Les propositions (titre, résumé de 4000 signes environs, biographie de l’auteur·ice) sont à envoyer en anglais ou en français à imago.tele.visions@gmail.com avant le 26 mai 2025.

 

CALL FOR PAPERS

International Study Day
 October 8-9, 2025, INHA, Paris
 Tele-Phonies: Listening at a Distance in the Arts and Auditory Cultures
 IMAGO-Cultures Visuelles Association, Tele-Visions Research Group (ED441/HiCSA)

The invention of the telephone, electrical telegraphy, and radio profoundly transformed the modalities of listening. These technologies accompanied the development of physiological approaches and increasingly precise measurements of sound phenomena. They fostered the emergence of a set of auditory skills, and structured listening as a specific bodily and social practice. The development of sound reproduction and transmission tools also led to the formation of particular auditory regimes and a series of spatial reconfigurations, which had a significant impact on the arts and auditory cultures, embedding sound, technology, and sound mediation within complex systems of social and aesthetic interaction.

Building on the hypothesis of an interconnection between auditory cultures, perception regimes, and listening techniques, the Tele-Phonies study day proposes an analysis of the regimes of perception and cultures of listening linked to the multifaceted notion of distance. By taking into account not only telephone communication networks and mass radio media but, more broadly, acknowledging listening as a set of practices and media techniques of listening at a distance within or on the margins of these networks, we will try to understand their profound impact on sound arts and auditory cultures.

Listening always involves some form of distance, whether material, metaphorical, geographical, temporal, or social. From a material point of view, this distance is embodied in technical infrastructures, which modify the listening experience and introduce a renewed relationship with topological, cultural, and attentional distances that separate us. In some cases, these sound mediations lead to profound spatial and social reconfigurations, giving birth to new aural territories. The notion of distance can also refer to social and cultural matters, such as inequities in access to technologies, but also topics related to disability and contrasts between different auditory cultures.

To address these questions, the Tele-Phonies study day will adopt a multidisciplinary approach, drawing on the methodologies of art history, media archaeology, and sound studies, as well as Science and Technology Studies (STS) and music history. The artistic objects and practices discussed will be hybrid, at the intersection of visual arts, sound cultures, and music, and more generally at the margins of techniques and cultural practices that usually prevail in the historiography of listening at a distance.

From the dream of a « four-dimensional » art formulated in the 1933 Futurist Manifesto La Radia to Pauline Oliveros’ Echoes of the Moon project (1987), the history of art and music shows how imaginaries and listening practices have been nourished by radio, telephone, and even radioastronomical techniques. However, the modern desire for distant connection encounters the social and political realities of infrastructures and technical environments. Their materiality and cultural grounding challenge the modern fantasy of transparent communication. Since the 1960s and 1970s, artists have questioned the history of media techniques for transmitting and recording sound, adopting an approach similar to media archaeology. Other political, communal, and experimental appropriations of radio have since redrawn its social and material contours, while music and sound creation have embraced telecommunication networks. Sound creation at a distance was subsequently reactivated in a collaborative manner, foreshadowing the contemporary era of « mobile music. »

The history of sound recording has profoundly influenced the imaginaries associated with a “schizophonic” regime. This regime dissociates reproduced sound from its origin through technical mediation, forming the basis for numerous psychoacoustic studies and narratives that suggest a spectral dimension to sound recording and transmission. Acousmatic listening and its technical means, established by concrete music as a true methodology for “reduced listening” (écoute réduite), can be viewed as a form of listening at a distance; the same applies to certain modes of vocal communication and techniques of the body, such as ventriloquism.

The various distances that traverse the history of mediated sound inform political ecologies of listening. Listening at a distance is associated with military and civilian contexts of espionage and surveillance; it can also fit into the generalized context of a « sonic warfare, » where vibratory affect is redefined by the distancing and virtualization of violence. It is also shaped by technologies such as echo sounding and sonar, whose use within extractivist frameworks reveals the sonic dimension of natural resource exploitation in the Anthropocene and late capitalism. Perception norms, accessibility of mediated listening and auditory technologies are also questioned by Disability Media Studies. Recently, the widespread use of remote communication through videoconferencing platforms raises questions about the role of sound and listening in digital environments.

The following themes may be explored:

  • Techniques of the body and distant listening
  • Distant listening in scientific research; interfaces and sonification, acoustemology
  • Sound recording, acousmatic listening; circulation of recordings; format studies
  • Imaginaries and utopias of distant listening; space exploration
  • Disability, assisted and augmented listening technologies, post-human listening
  • Auditory cultures within telecommunication networks and mass media
  • Digital paradigm of distant listening; videoconferencing and listening
  • Ecological approaches to distant listening; extractivism and sound techniques
  • Techniques of distant listening in armed conflict contexts; surveillance technologies
  • Spectrality, “hauntology” of transmitted or recorded sound

The proposals (title, approximately 4000-character abstract, author’s biography) should be sent in English or French to imago.tele.visions@gmail.com before May 26, 2025.

 

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