« Un nouvel organe humain s’est développé », écrivait Béla Balázs en 1930 : c’est le cinéma. Grâce à lui, on ne regarde déjà plus le monde comme on le regardait avant que les gros plans, les travellings et le montage le re-présentent d’une autre façon. Bientôt, il faudrait l’ajouter à la liste des « oculistes » dressée par Marcel Proust, ces grands peintres dont la touche forme notre œil et nous amène insensiblement à apprécier ce qui naguère nous semblait trop banal pour être même remarqué ou trop confus pour être contemplé. Sans parler des dispositifs qui, hors l’art, offrent eux aussi des points de vue nouveaux : Walter Benjamin pourrait ainsi reprendre à son compte, en 1936, l’affirmation du psychologue Henri Wallon selon laquelle « l’usage de l’avion a inéluctablement modifié notre manière de voir ».
Est-ce à dire que le regard est quelque chose qui se change aussi facilement, et dont on pourrait par conséquent faire l’histoire sans trop de problèmes ? Le Zeitgeist comprend-il donc toujours une nouvelle paire de lunettes ?… Ou faut-il s’abstenir de prendre toutes ces assertions au pied de la lettre ?
La « culture visuelle » et les Visual Studies qui se consacrent officiellement à elle ont le vent en poupe. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes épistémologiques, puisque d’autres disciplines occupent déjà le terrain – en ordre dispersé : l’histoire de l’art et celle des publics, l’anthropologie, l’esthétique et l’iconologie, les sciences de l’information et de la communication, la sociologie de la réception, les Media Studies, les Cultural Studies et bien d’autres… Toutes proposent déjà des outils et des études à même de modéliser une éventuelle histoire du regard, mais cela ne signifie pas que la tâche est facile, loin de là. En outre, le champ est gigantesque ; aussi ce colloque se limitera- t-il aux changements éventuellement provoqués dans le regard par le cinéma.
Axes
Histoire des styles
Variations d’interprétations
Jugements de goût d’une époque à l’autre
Intermédialité
Sur quoi faut-il se baser pour déterminer ce qu’est un regard ? De qui est-ce le regard ?
d’ailleurs, et comment délimiter la collectivité qui le partage ? Par l’appartenance à une époque, à une nation, un sexe, un genre, une couleur de peau, une communauté ?
En quoi les « études cinématographiques et audiovisuelles » peuvent-elles être utiles pour répondre à ces questions ? En quoi les autres disciplines sont-elles également bien placées pour ce faire ?
Les propositions de communication (1500 signes, en français et en anglais), réflexions théoriques et/ou méthodologiques aussi bien qu’études de cas précises, sont attendues sans distinction de discipline ; et les propositions interdisciplinaires, compte tenu de l’objet à étudier, sont évidemment les bienvenues. Joindre une courte biographie de l’auteur.e de la proposition. Les propositions sont à envoyer avant le 1er août 2016 à l’adresse : histoire.du.regard@gmail.com
Bibliographie indicative
Aumont Jacques, L’Image, Paris, Armand Colin, 2011.
Belting Hans, Pour une anthropologie des images, Paris, Gallimard, 2004.
Bredekamp Horst, Théorie de l’acte d’image, Paris, La Découverte, 2015.
Crary Jonathan, Suspensions of Perception: Attention, Spectacle and Modern Culture, Cambridge, MIT Press, 2000.
Elkins James, Visual Studies. A Skeptical Introduction, New York, 2003.
Friedberg Anne, The Virtual Window: From Alberti to Microsoft, Cambridge, MIT Cambridge, MIT Press, 2000, 2006.
Havelange Carl, De l’œil et du monde. Une histoire du regard au seuil de la modernité, Paris, Fayard, 1998.
Mitchell, WJT, What do Pictures Want? The Lives and Loves of Images. Chicago, University of Chicago Press, 2005.
Sauvageot Anne, Voirs et Savoirs. Esquisse d’une sociologie du regard, Paris, PUF, 1994.
Comité d’organisation : Laurent Jullier, Vincent Lowy, Aurore Renaut
Comité scientifique : Martin Barnier (Université Lumière – Lyon 2), Béatrice Fleury (Université de Lorraine), François Jost (Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle), Laurent Le Forestier (Université de Haute-Bretagne – Rennes 2), Anja Laukötter (Max-Planck-Institut fur Bildungsforschung – Allemagne), Martin Lefebvre (Université Concordia – Canada), Philippe Met (Penn Arts and Sciences – E.U.), Claude Nosal (Université de Haute-Alsace – Mulhouse), Roger Odin (Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle), Viva Paci UQAM – Canada), Katalin Por (Université de Lorraine), Angel Quintana (Université de Gérone – Espagne), Guillaume Soulez (Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle), Pia Tikka (Aalto University – Finlande), Tony Tracy (NUI Galway – Irlande) et Jacques Walter (Université de Lorraine)
Keynote Speaker : Thomas Elsaesser (Université d’Amsterdam, Pays-Bas) *
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“A truly new art would be like a new sense organ : Film has now become that new organ”, wrote Béla Balázs in 1930. Because of movies, one does not look at the world the same way anymore, since close-ups, tracking shots and editing are re-displaying our everyday landscapes. Hence, cinema has to be added to the list of “oculists”, as Marcel Proust set it up – Proust had in mind great Impressionnist painters whose manner literally shaped our gaze and led us to appreciate what formerly seemed too mundane to be noticed or too confused to be considered. Not to mention non-artistic novelties, such as the plane: Walter Benjamin himself gave his approval to Belgian psychologist Henri Wallon when the latter wrote in 1936 that “travelling by plane ineluctably modified our gaze”. Does that mean the eye is so workable it can be so quickly shifted by culture? Does any Zeitgeist always include a new set of glasses? If so, history and study of the gaze seems like a task worth considering. But what if all those assertions should rather be read figuratively?
Visual Culture Studies recently gained substantial academic credit, especially beyond French borders. This ascent comes with epistemological problems, since older theoretical approaches and sciences already deal with visual culture – at least, history of art, history of audiences, iconology, Media and Cultural Studies, aesthetics, anthropology… Conceptual tools and case studies may eventually help building a unified history of the gaze, but this would take a gigantic interdisciplinary work, not to mention the question of the incommensurability between paradigms. Due to the size of the considered field, our Nancy symposium will mainly focus on those changes of the gaze which may have been caused by cinema, or emerged between the end of the nineteenth century and now.
Our topics include, but are not limited to:
“Archeology of the gaze”
History of styles
Historical variability of taste
Intermediality
How to define a “gaze”? Whose gaze is it, indeed, and how to define the community
sharing this gaze? Belonging to a nation, an era, a sex, a gender, a race, a class?
What kind of contribution can the Moving Image Studies bring to our reflection? What
kind of interdisciplinary method would give the best results? …
The sessions will not be arranged on the basis of traditional divisions between academic disciplines, but rather thematically : our goal is to enhance interdisciplinary dialogue and we encourage interdisciplinary perspectives.
The languages of the conference are French and English. The proposal should be in the same language as the conference presentation. There is no conference fee.
The proposals must be sent to : histoire.du.regard@gmail.com.
Deadline is August 1st, 2016.
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