Numéro 75 (automne 2014) de la revue Histoire de l’art.
Dossier : La figure de l’Autre : reconnaissance et représentation
L’enjeu de l’altérité, du point de vue de l’histoire de l’art, fut pendant de longues décennies au XXe siècle celui de la reconnaissance de cultures extra-occidentales, auxquelles le musée, comme l’université, laissa longtemps peu de place. L’ouverture du musée du Quai Branly en 2006, dont l’exposition inaugurale portait, fort justement, sur l’inversion des points de vue – D’un regard l’autre – a permis, non de clore un débat essentiel, mais de laisser également la place aux autres interrogations soulevées par la prise en considération de l’autre ou d’un autre dans le champ de l’étude, de la création artistique, de l’entrée au musée.
Anthropologique, culturelle, spirituelle, artistique, intime, liée au genre (masculin/féminin), l’altérité semble ainsi, en ce début de XXIe siècle, pouvoir offrir des perspectives renouvelées à l’étude, historique et contemporaine ; une étude que l’histoire de l’art, dans sa tentative de compréhension esthétique et sensible des œuvres comme de leur continuum historique, paraît une des disciplines les mieux à même de conduire.
Presque vingt ans après l’exposition de Jean Clair à Venise, Identité/Altérité, la question de la représentation du corps, de soi et l’autre, de l’impossibilité, comme écrivait Artaud, du visage humain à trouver sa face, demeure un sujet de création artistique, que, dans un apparent paradoxe sans doute, les technologies nouvelles ont relancé. Les champs de l’étude universitaire et muséale ont également ouvert, en croisant les disciplines, des champs d’investigation nouveaux portant sur l’étude du rapport à l’autre des artistes, anciens et modernes. De la représentation des barbares dans la Grèce antique aux visions fantasmées du peuple ou de la classe ouvrière réalisées pour un public d’élite, multiples furent les figurations de l’autre.
La vive polémique que fit naître, en 2007, la signature de l’accord intergouvernemental portant création du Louvre Abu Dhabi a montré combien la question du dialogue entre les cultures demeurait sensible, au-delà des seules créations artistiques. Le débat relancé entre universalisme et globalisation, opposant respect de l’individu comme part singulière de l’humanité et précepte unificateur au nom des lois d’un marché mondial, permet de rappeler combien seule la reconnaissance des différences entre soi et l’autre fait naître la possibilité de la réflexion et de la création.
Au-delà, le succès touristique des musées ne saurait faire oublier combien la rencontre avec l’œuvre d’art paraît aujourd’hui difficile à beaucoup ; combien ces œuvres, pourtant aisément accessibles, semblent, pour bien de nos contemporains, étrangères au point de ne savoir comment les appréhender. Le chemin vers cet autre qu’est la création artistique, ancienne ou contemporaine, semble aujourd’hui trop souvent infranchissable et soulève, de manière théorique et appliquée, bien des questions.
Les jeunes chercheurs intéressés sont invitées à envoyer un synopsis d’une page avant le 20 juin 2014 avec un titre et une présentation de l’auteur en 2-3 lignes à l’adresse mail suivante : revueredachistoiredelart@gmail.com. Une première sélection est effectuée par le comité de rédaction qui invitera les contributeurs potentiels à remettre leur article pour la fin septembre environ. Un choix définitif sera fait alors.
Ce numéro de la revue Histoire de l’art est coordonné par Dominique de Font-Réaulx, actuellement conservateur en chef au musée du Louvre, directrice du musée Delacroix. Elle a coordonné pendant six ans le projet du Louvre Abu Dhabi au sein du Louvre, après avoir été responsable des collections de photographie au musée d’Orsay. Elle a commencé sa carrière de conservateur au musée des Monuments français. Spécialiste des liens entre peinture et photographie au XIXe siècle, elle a publié de nombreux articles dans ce domaine et publié un livre à ce sujet. Elle a été commissaire de plusieurs expositions, dont L’Invention du sentiment, Le Daguerréotype français, Gustave Courbet, Jean-Léon Gérôme. Elle enseigne en master 1 et master 2 à l’Ecole du Louvre et à Sciences Po.
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