Appel à contribution : « Art contemporain et travail » (Revue esse arts+opinions, Montréal. No 94 : Dossier Travail)
Argumentaire :
De la révolution industrielle aux années 1980, les heures de travail n’ont cessé de baisser, confirmant les prévisions des hommes politiques et économistes des années d’après-guerre. Bientôt la semaine de travail serait composée de 15 heures. L’automatisation et la révolution technologique ne se sont pourtant pas ajustées à cette baisse qui semble inéluctable et qui serait garante d’une meilleure répartition des richesses. Ces prévisions ne sont pas plausibles puisque le temps de travail ne cesse d’augmenter, de se morceler et de se précariser. Les nouvelles mutations qui apparaissent aujourd’hui tendent même à recréer des conditions de travail dignes de l’ère préindustrielle. Le capitalisme de plateforme (ubérisation) rendu possible par les nouvelles technologies accompagne la réapparition du travail payé à la tâche que l’on croyait définitivement disparu. Le capitalisme a aussi créé de faux besoins, des emplois sans intérêt, bullshit jobs, qui n’ont aucune utilité sociale, bien que parfois très bien rémunérés. Des formes spéculatives du travail qui entrainent dangereusement les employés dans une chaîne de production dont ils ne comprennent ni les enjeux ni les attentes. Enfin le travail invisible n’a jamais été aussi répandu.
En analysant le travail créateur, le sociologue Pierre-Michel Menger constate qu’il y a de moins en moins d’écart entre l’artiste s’accomplissant dans un travail précaire, flexible, sujet aux insécurités professionnelles et la figure du nouveau travailleur. Luc Boltanski et Ève Chiapello ont analysé comment, parallèlement, un nouvel esprit du capitalisme s’est emparé des conditions sociales et artistiques dès le milieu des années 1970 pour imposer une nouvelle organisation du travail ouvrant la porte à la précarité et la flexibilité. Celle-ci aurait fait disparaitre au passage ce qui restait de la critique artistique. Le temps libre et improductif, typique de cette critique, « s’économicise » pour reprendre un terme du philosophe André Gorz et conduit aux transferts du travail pour soi – activités non échangeables (courses, ménage…) – de la sphère privée à la sphère économique publique. Les métamorphoses du travail ont certainement eu des incidences sur les activités marchandes et non marchandes des artistes, soit que leur pratique artistique s’inspire de leur vie de travailleur, soit qu’elle pâtisse de leurs activités de survie économique. Souvent obligés de cumuler plusieurs emplois en plus de leur activité première, ils sont devenus de véritables chefs d’entreprise. La grande visibilité accordée par les réseaux qui rend tangibles les périodes non productives, la peur de refuser une proposition d’exposition, la pression exercée par les galeries sur la production laissent-ils encore une place pour le travail non marchand ou non rentable ?
Esse arts + opinions invite auteur.e.s et artistes à proposer des textes autour de ces questions liées aux métamorphoses du travail. Comment les artistes s’emparent-ils du geste laborieux ? Peuvent-ils être des modèles pour imaginer une vie sans travail ou sont-ils aussi aliénés que les travailleurs du capitalisme ? Le dossier pourra traiter par exemple de l’absurdité des tâches (les emplois qui ne produisent pas de sens ou qui n’ont aucune utilité sociale) ; de l’aliénation et l’ennui au travail ; des résistances passives ou actives (sabotage, obstructionnisme, infiltrations, grèves) ; de la revendication du non-travail ou de l’oisiveté ; des formes artistiques qui esthétiquement s’assimilent aux activités du travail (bureaucratie, protocoles…) ; des fictions d’entreprises ; de l’incidence des espaces (open space, rapports sociaux et hiérarchiques) ; de l’automatisation, de la robotisation de l’activité humaine ; des ressources humaines ; des rapports de genre ; du corps laborieux ; des maladies professionnelles (burnout) ; des utopies liées au travail ; des incidences des mutations du travail sur les fruits de la production ; des appropriations collectives des moyens de production ; du travail domestique… Le dossier sera aussi l’occasion d’interroger les conditions de travail des artistes et leurs revendications en tant que travailleurs ; comment conjuguent-ils leurs activités rémunératrices non directement liées à leurs pratiques et leur activité vocationnelle d’artiste ?
Modalités :
Les textes proposés (de 1 000 à 2 000 mots maximum, notes incluses) peuvent être envoyés en format lettre US (.doc, .docx ou .rtf) à redaction@esse.ca avant le 1er avril 2018. Veuillez inclure, à même le texte, une courte notice biographique (30-50 mots), un résumé du texte (80-100 mots), ainsi que votre adresse courriel et postale. Les propositions non afférentes aux dossiers (critiques, essais et analyses sur différents sujets en art actuel) sont aussi les bienvenues (dates de tombée : 1er septembre, 10 janvier et 1er avril de chaque année). Un accusé de réception sera envoyé dans les 7 jours suivant la date de tombée. Si vous ne l’avez pas reçu, nous vous invitons à communiquer avec nous pour vérifier la réception de votre texte.
Politique éditoriale :
Esse arts + opinions, publiée trois fois l’an par Les éditions esse, est une revue d’art contemporain bilingue qui s’intéresse principalement à l’art contemporain et aux pratiques multidisciplinaires (arts visuels, performance, vidéo, musique et danse actuelles, théâtre expérimental). La revue privilégie les essais sur l’art et les analyses critiques, les comptes rendus d’expositions, à travers des textes qui abordent l’art en relation avec le contexte dans lequel il s’inscrit. Chaque numéro propose un dossier thématique, un portfolio d’œuvres, une section d’articles critiques traitant de la scène culturelle internationale, une section de comptes rendus d’expositions, d’événements et de publications. La plateforme esse.ca propose également des articles sur l’actualité artistique, de même que des archives d’anciens numéros de esse.
Les auteurs sont invités à proposer des textes les 10 janvier, 1er avril et 1er septembre de chaque année. Les textes peuvent être soumis pour l’une des 4 sections suivantes :
La section Dossier thématique : des essais de 1 000 à 2 000 mots (notes incluses). L’orientation thématique est disponible en ligne 4 à 6 mois avant la date tombée : http://esse.ca/fr/appeltextesfr
La section Articles : des essais, articles de fond ou entrevues de 1 000 à 1 500 mots (notes incluses).
La section Comptes rendus bref : des couvertures d’expositions, d’évènements ou de publications (500 mots maximum, sans notes de bas de page).
La section Comptes rendus long : des couvertures d’expositions ou d’évènements (950 à 1 000 mots maximum, sans notes de bas de page).
À moins d’une entente contraire, l’auteur(e) s’engage à soumettre un texte inédit et original.
Chaque texte est soumis au comité de rédaction, qui se réserve le droit de l’accepter ou de le refuser. Les critères de sélection sont basés sur la qualité de l’analyse et de la rédaction, la pertinence du texte dans le numéro en cours (la thématique), de la pertinence du corpus d’œuvres et d’artistes choisis. Un texte peut aussi être refusé en raison d’un trop grand nombre de propositions pour le numéro dans lequel il est soumis. Un délai de 6 semaines est requis pour la sélection des textes. La décision de refuser un texte est sans appel.
À moins d’une entente contraire, le comité ne retient pas les textes étant sources possibles de conflit d’intérêts entre l’auteur et le sujet couvert (par exemple, les textes d’artistes sur leur propre pratique, les écrits par les commissaires d’expositions ou desdits événements ou par la galerie d’un artiste).
Les auteurs dont les textes sont retenus s’engagent à formater le texte selon les normes typographiques de esse, suivant un document envoyé avec l’entente de publication.
Dans le respect de la vision et du style de l’auteur, le comité de rédaction se réserve le droit de demander des corrections de nature sémantique ou autre : qualité de la langue, structure générale du texte, clarté, carences, pertinence des titres et des sous-titres, normes de composition.
Les textes acceptés sous conditions feront l’objet d’une discussion entre l’auteur(e) et le comité de rédaction. Si des modifications sont demandées, l’auteur(e) se verra accorder quinze (15) jours pour les réaliser.
Tous les frais de correction typographique du texte de l’auteur(e) seront à la charge de esse sauf les corrections d’auteur, s’il y a lieu, qui seront à la charge de celui-ci.
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