Appel à contribution pour le n° 33 de la revue Marges : Art contemporain et institutions
Date limite : 15 juillet 2020
Le mot institution désigne, selon l’une des définitions les plus courantes, un « organisme public ou privé, régime légal ou social, établi pour répondre à quelque besoin déterminé d’une société donnée ». Cette définition suscite des images stéréotypées : bâtiments officiels, bureaux, fonctionnaires, textes réglementaires… Ces images s’étendent aux institutions artistiques, couramment associées à des lieux emblématiques – musées, théâtres, académies… –, ainsi qu’à des instances de subvention, de transmission ou de patrimonialisation de l’art. L’institution est parfois vue comme un pur instrument de contrainte normative, lieu de « récupération » voire de répression, opposée caricaturalement à la liberté, à la spontanéité ou à la subversion de l’art. La doxa ajoute parfois que les artistes se battent contre elles avant de les intégrer : signe d’une reconnaissance bien méritée ou de la pire des compromissions.
Au-delà de ces images, il faut bien pourtant poser la question de la place des institutions dans le fonctionnement de l’art. Est-il d’ailleurs possible d’envisager un monde de l’art qui n’en connaîtrait pas ? La sociologie et l’histoire sociale de l’art ont pourtant bien montré à quel point les artistes et leurs œuvres s’inscrivaient toujours dans des réseaux d’institutions variés et changeants (y compris les avant-gardes et les mouvements a priori les plus hostiles à l’idée même d’institution). De fait, alors qu’elles étaient encore relativement rares il y a un demi-siècle, les institutions de l’art contemporain se sont démultipliées au cours des dernières décennies : des centres d’art aux biennales en passant par les programmes de résidence, de bourses, les écoles, les fondations, les lieux associatifs etc. (phénomène accentué par la mondialisation de l’art contemporain, au-delà de ses centres traditionnels).
Puisqu’il s’agit de répondre à un besoin déterminé d’une société donnée, les institutions sont amenées à évoluer en permanence et celles des années 2010 ne sont pas celles des années 1960 ou 1980… L’essor des salons ou des galeries commerciales a correspondu à des évolutions dans les pratiques sociales ; la création de musées, de théâtres ou de festivals a parfois reflété une volonté de développer le tourisme dans telle ou telle région ; la création de nouvelles modalités d’enseignement est souvent venue d’une demande des artistes eux-mêmes… Des individus cherchent ainsi en permanence, en s’appuyant sur le monde politique, les acteurs économiques ou le secteur associatif, à créer de nouvelles institutions, au moment même où d’autres, faute de moyens, de volonté ou de participants, sont conduites à se transformer ou à disparaître.
Cette situation évoque un aspect central de la définition des institutions : le fait qu’elles relèvent de l’« action d’instituer ou d’établir ». Les gestes instituants peuvent ainsi avoir une dimension performative forte. Si tel musée ou centre d’art est inauguré, afin de promouvoir des formes extra-occidentales, la bande-dessinée ou des installations interactives, il est difficile de ne pas prendre en compte l’influence qui s’exerce alors sur l’espace social. Les objets présentés sont de fait transformés par leur présence au sein du dispositif institutionnel, de même que le regard que leur portent les critiques, les historiens de l’art ou le public.
Le but de ce numéro est d’explorer les relations entre la création artistique et les institutions. Comment celles-ci s’organisent-elles et à quoi servent-elles ? Quel rôle y jouent les artistes, les élus, le monde économique, le public ? Dans quelle mesure soutiennent-elles ou entravent-elles la production artistique, sa reconnaissance ou sa diffusion ? Toutes sont-elles comparables : entre les pays et au sein de chaque pays ?
Axes de réflexion possibles :
– L’intervention de l’État dans le champ de l’art contemporain en France ou à l’étranger ;
– Les artistes d’institutions / les artistes opposés aux institutions ;
– L’influence des institutions sur la création artistique ; les dispositifs institutionnels (bourses…) ; le problème de la sélection (commissions d’achat ou d’évaluation, jurys, curateurs, etc.) ;
– Les relations entre institutions publiques et privées ; entre musées, fondations, mécénat et marché de l’art ; l’économie des institutions artistiques ;
– La création d’institutions : le rôle de l’État, des collectionneurs, des galeristes, du public ; la disparition, la fermeture d’institutions ;
– Les institutions utopiques : institutions imaginaires, projets d’institutions non-réalisés, espaces alternatifs, forums, etc. ; la question de l’autogestion (artists-run spaces, coopératives d’artistes, squats, etc.)
– La mondialisation des institutions de l’art contemporain ; modèles internationaux / modèles locaux d’institutions ; dynamiques de diffusion, d’émulation, de différenciation des institutions artistiques…
– Les acteurs institutionnels : dans les institutions artistiques (curateurs, conservateurs, médiateurs, administrateurs, etc.) et autour des institutions (élus et bureaucrates, financeurs publics et privés, critiques d’art et curateurs invités, visiteurs initiés et profanes, etc.)
– Les changements historiques des institutions de l’art contemporain : depuis un demi-siècle, quelles transformations ? Et quelles pistes d’évolution pour l’avenir, dans des conditions sociales, économiques, écologiques, etc. en voie de transformation… ?
Les propositions devront nous parvenir avant le 15 juillet 2020, sous la forme d’une problématique résumée (5000 signes maximum, espaces compris), adressée par courriel à :
jerome.glicenstein@univ-paris8.fr
Les textes sélectionnés (en double aveugle) seront présentés par leurs auteurs lors d’une rencontre en octobre 2020 à Paris. À l’issue de cette rencontre, les textes définitifs devront nous parvenir le 15 novembre 2020 (30.000 à 40.000 signes, espaces et notes compris) Certaines de ces contributions seront retenues pour publication dans le numéro 33 de Marges (novembre 2021).
La revue Marges (Presses Universitaires de Vincennes) fait prioritairement appel aux jeunes chercheurs des disciplines susceptibles d’être concernées par les domaines suivants : esthétique, arts plastiques, histoire de l’art, sociologie, études théâtrales ou cinématographiques, musicologie…
Site web de la revue :
http://journals.openedition.org/marges/
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