Appel à publication : « Histoire expérimentale et sensorialités (Théia. Revue d’histoire et d’histoire de l’art)

Théia. Revue d’histoire et d’histoire de l’art

Numéro coordonné par Audrey Colonel, Stéphane Gal et Erika Wicky

Histoire expérimentale et sensorialités

Calendrier :

  • –  Date limite d’envoi des propositions : 15 avril – réponse avant le 30 avril.
  • –  Date limite d’envoi des articles rédigés (entre 35 000 et 55 000 signes, espaces et notes compris) : fin août 2025. Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont

    consultables sur le site de la revue : https://publications-prairial.fr/theia/index.php?id=5

  • –  Retour aux auteurs : octobre 2025.
  • –  Les articles acceptés seront évalués de manière anonyme, selon le principe de l’expertise en

    double aveugle (peer review), conformément aux usages de la revue.

    L’histoire expérimentale, qui se construit en s’appuyant sur une expérimentation en complément et prolongement des sources classiques que sont les documents d’archives, manuscrits, imprimés, iconographies, s’impose depuis les années 1990 parmi les nouvelles méthodologies de la recherche en histoire et histoire de l’art. Des premières expériences en armure d’hoplite de Victor David Hanson au fameux chantier d’archéologie expérimentale du château de Guédelon (Yonne), l’expérimentation apparaît comme un champ toujours plus favorable à l’ouverture de pistes heuristiques nouvelles et prometteuses et ce en dépit de certaines incompréhensions de la part du monde académique. En effet, le dialogue ouvert par l’histoire expérimentale avec des praticiens tels que des artisans ou des sportifs a remis en cause les hiérarchies traditionnelles entre les expertises, ce qui a d’autant mieux semé le doute sur le caractère scientifique de cette méthodologie que des « reconstitutions », pratiquées en tant que loisir par des passionnés, se développaient en marge de « l’expérimentation » de nature scientifique mise en œuvre dans le cadre d’une recherche appliquée.

    Inspirée par les travaux de Marcel Mauss sur les techniques du corps et de Jean-Claude Schmitt sur les rythmes, nourrie par la pratique de l’archéologie expérimentale consistant à retrouver les chaînes opératoires, l’histoire expérimentale s’est intéressée aux gestes et aux corps. Se diversifiant, elle conquiert progressivement de nouveaux champs de recherche dont l’histoire des sens, située à la croisée de l’histoire culturelle et de l’anthropologie historique. Ainsi, le projet Knowing by Making initié par Pamela Smith 2014 s’est-il transformé sous l’impulsion de plusieurs de ses jeunes membres en The Receipe Project, un travail collectif faisant la part belle aux sensorialités et aux savoirs qu’elles permettent d’acquérir. Mais si les sensorialités constituent désormais, grâce aux travaux pionniers d’Alain Corbin et du Center

for Sensory Studies (Concordia University, Canada), un sujet de recherche historique à part entière, prendre les sens comme laboratoires ne va pas toujours de soi en Sciences Humaines et Sociales, en particulier en histoire et en histoire de l’art. En outre, l’hypothèse défendue par Peter Charles Hoffer, selon laquelle l’expérience des sensations du passé permettrait à l’historien d’atteindre une certaine vérité, a fait long feu et il y est désormais généralement admis que les perceptions étant historiquement déterminées, re-sentir les stimuli auxquels ont été exposés les gens vivant aux époques passées ne nous renseigne pas précisément sur la façon dont ces personnes les percevaient.

Il s’agit à présent de réouvrir ce débat historiographique qui semble avoir été clos à peu de frais et d’éclairer par les résultats d’expérimentations récentes la question suivante : dans quelle mesure l’histoire expérimentale peut-elle apporter une contribution à l’histoire des sens ? Car si l’histoire expérimentale ne nous apprend rien sur les perceptions sensorielles du passé, alors que nous apprend-elle ? En confrontant l’histoire expérimentale à celle des sens, on soulève ainsi la question de la légitimité de l’expérimentation, en partant de sa scientificité. Ce numéro de Théia. Revue d’histoire et d’histoire de l’art se propose précisément d’en explorer les fondements à travers une réflexion épistémologique à partir de l’histoire et de l’histoire de l’art. Il s’agit non seulement de souligner la pertinence d’instaurer un dialogue entre l’expérience et les sources de l’histoire des sens, mais aussi de comprendre, et de faire comprendre, la manière dont l’expérimentation se pense et se pratique, dans quels cadres interdisciplinaires voire transdisciplinaires, dans quelles conditions spécifiques et pour quelles finalités.

Tous les travaux entrant en résonnance avec la thématique seront les bienvenus. À titre indicatif, voici quelques pistes :

  • –  Apports des humanités numériques
  • –  Savoirs sensoriels et tacites
  • –  Guerre et sensorialités
  • –  Identification et préservation des patrimoines sensoriels
  • –  Médiation sensorielle et professionnalisation

    Modalités de soumission :

  • –  Les propositions d’articles se feront sur la base d’un résumé (environ 5000 signes, espaces compris) avec une courte bio-bibliographie de l’auteur.
  • –  Les propositions d’articles devront être soumises par courriel aux adresses suivantes : Stephane.gal@univ-grenoble-alpes.fr
    Erika.wicky@univ-grenoble-alpes.fr Audrey.colonel-coquet@univ-grenoble-alpes.fr

    Bibliographie indicative :

    Pascal BRIOIST, « Marignan reconstitution d’une fête de Cour, 1515-2015 », https://marignan2015.univ-tours.fr/

Blandine CERISIER, Valérie HAAS, Nikos KALAMPALIKIS dir., « Reproduction sérielle d’un matériau odorant : de l’odeur sentie à la reconstruction collective de son souvenir », Bulletin de psychologie 551, no 5, 2017, p. 323-337.

Sven DUPRÉ, Anna HARRIS, Julia KURSELL, Patricia LULOF et Maartje STOLS-WITLOX dir., Reconstruction, Replication and Re-Enactment in the Humanities and Social Sciences, Amsterdam University Press, Amsterdam, 2020

Peter Charles HOFFER, Sensory Worlds in Early America, Baltimore, Johns Hopkins U P, 2003. Barbara HUBER, Thomas LARSEN, Robert N. SPENGLER, Nicole BOIVIN, « How to Use Modern

Science to Reconstruct Ancient Scents », Nature Human Behaviour 6, no5, 2022, p. 611-614.
Daniel JAQUET, Nicolas BAPTISTE dir., 2016, Expérimenter le maniement des armes à la fin du Moyen

Âge, Experimente zur Waffenhandhabung, im Spätmittelalter, Schwabe Verlag Basel, Itinera no 39. Kelvin LAW et Abdullah NOORMAN, « Sensory Experience as a Method ». The Oxford Handbook of

the Sociology of Body and Embodiment, Oxford, Oxford University Press, 2019.

Lizzie MARX, Sofia Collette EHRICH, William TULLETT, Inger LEEMANS, Cecilia BEMBIBRE, IFF (www.iff.com) dir., Odeuropa and Museum Ulm, « Making Whiffstory: A Contemporary Re-creation of an Early Modern Scent for Perfumed Gloves », The American Historical Review 127, no2, 2022, p. 881-893

Alain MICHEL, Alain PICHON, Usines 3D : Reconstitution virtuelle d’ateliers et d’usines du patrimoine industriel, Rapport de recherche ANR, 2012.

ICHEL,

Mylène PARDOEN, « Archéologie du paysage sonore. Reconstruire le son du passé », Revue de la BNF, n° 55(2), 2017, p. 30-39. https://doi.org/10.3917/rbnf.055.0030

Isabelle REYNAUD CHAZOT, Alice CAMUS, Sophie-Valentine BORLOZ, Olivier DAVID, Érika WICKY, et Thomas FONTAINE, dir. « PROJET NOMEN La classification des compositions odorantes à visée historique », juillet 2023. https://hal.science/hal-04157027

Mark M SMITH, « Producing Sense, consuming Sense, Making Sense: Perils and Prospects for Sensory History », Journal of Social History, June 2007.

Caro VERBEEK, Ruiken aan de tijd: De olfactorische dimensie van het futurisme (1909-1942), PhD- Thesis, Universiteit Amsterdam, 2020.

Caro VERBEEK, « Presenting volatile heritage: Two case studies on olfactory reconstructions in the museum », Future Anterior 13, n°2, 2016, p. 33-42.

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