Les historiens ont souvent considéré les colonies romaines comme des vecteurs de la romanisation en terres « pérégrines », écrivant régulièrement que ces communautés fonctionnaient individuellement à l’image d’une « petite Rome ». S’il n’est certes pas nécessaire de nier dans ce cadre l’existence de colons latinophones régis par un statut juridique favorable tel que le Ius Italicum, on ne peut historiquement pas se contenter d’une modélisation socio-politique aussi réductrice, particulièrement dans le contexte des provinces hellénophones de l’Orient romain. Les régions de l’Orient méditerranéen ont en effet accueilli depuis l’époque d’Auguste des groupes de colons romains qui ont changé pour partie leur climat culturel, leurs structures agraires ou leur environnement géopolitique. Outre un certain nombre de recherches et travaux ponctuels existant depuis le début du XXe siècle, l’ouvrage de B. Levick (Roman Colonies of Southern Asia Minor, Oxford, 1967) avait proposé une mise au point de belle qualité et très informée sur le chapelet des colonies augustéennes du Taurus ; plus récemment, M. Sartre (« Les colonies romaines dans le monde grec » dans E. Dabrowa [éd.], Roman Military Studies, Electrum 5, 2001, p. 111-152) a proposé une utile synthèse nous invitant à poursuivre les recherches dans ce domaine, à l’image d’un colloque consacré au sujet (G. Salmeri, A. Raggi, A. Baroni [éd.], Colonie Romane Nel Mondo Greco, Roma, 2004). Les recherches épigraphiques et archéologiques de terrain ont progressé depuis plusieurs décennies, aussi bien en Grèce, qu’en Asie Mineure ou au Proche-Orient, qu’il s’agisse d’Antioche de Pisidie, de Dion, de Philippes, de Patras ou de Bérytos, pour les plus fameuses d’entre elles. En vue de mieux connaître l’histoire des colonies romaines d’Orient, une approche territoriale de la vie des communautés est primordiale en raison de la nature socio-politique de ces entités imposées à une échelle régionale par un pouvoir central. Plusieurs perspectives peuvent être proposées afin de questionner leur histoire.
On pourra par exemple s’interroger avec plus d’acuité qu’on ne l’a fait sur les fonctions géopolitiques de colonies qui ne furent pas seulement utiles au lotissement de vétérans de l’armée romaine. Les rapports culturels, sociaux et religieux entre colons et indigènes au prisme des espaces vécus, la variété des espaces choisis par le pouvoir romain, la qualité des sols, la domination, la gestion et l’aménagement des territoires coloniaux sont autant de dimensions à explorer avec une profondeur de champ renouvelée, grâce à une méthodologie s’appuyant particulièrement sur le croisement des résultats des prospections épigraphiques et archéologiques avec l’imagerie satellitale et les photographies aériennes, tout en prenant en compte les sources littéraires, l’onomastique et la prosopographie. Cette journée d’étude, qui sera publiée dans les délais les plus brefs possibles, se propose d’établir un état de la question sur les espaces et les territoires des colonies romaines d’Orient, d’une part en travaillant sur les principales entités historiquement connues, d’autre part en ouvrant les investigations aux rapports que ces dernières entretinrent entre elles.
Programme
9h
Introduction H. Bru, G. Labarre et G. Tirologos
- « Organisation d’un territoire de colonie : les exigences théoriques des textes gromatiques » Jean-Yves Guillaumin (Université de Franche-Comté / ISTA)
- « Les gentilices romains en Asie Mineure. Essai de classification et d’interprétation » Olli Salomies (Université d’Helsinki / L’Année épigraphique)
- « La cohérence du réseau colonial romain en Pisidie » Guy Labarre (Université de Franche-Comté / ISTA)
- « Le territoire d’Antioche de Pisidie à l’époque impériale romaine » Hadrien Bru (Université de Franche-Comté / ISTA)
14h
- « Les voies de la municipalisation en Syrie à l’époque impériale : Berytus, de sa fondation à sa ‘partition’ » Anne-Rose Hosek (UMR 8210 AnHIMA, Paris)
- « Le territoire de la colonie romaine de Dion : limites et cadastration » Julien Demaille (Université de Franche-Comté / ISTA)
- « Essai de reconstitution du territoire de la colonie de Philippes : sources, méthodes et interprétations » Georges Tirologos (Université de Franche-Comté / ISTA) et Cédric Brélaz (Université de Strasbourg)
- « Le site archéologique de Philippes : candidat à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial » Dimitra Malamidou, Anastasia Sakellariadi et Ioulia Stamou (XVIIIe Éphorie archéologique grecque, Kavala)
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