Colloque : « La loi du 31 décembre 1913 relative aux monuments historiques et à leurs abords. Cent ans plus tard, quelle protection pour quel patrimoine ? »

Cent ans après son adoption, la loi du 31 décembre 1913 relative aux monuments historiques mérite une célébration digne des impacts qu’elle génère sur nos territoires. Cette loi a par ailleurs prouvé ses capacités d’adaptation d’une part en intégrant trente ans plus tard la protection des abords des monuments historiques, et d’autre part en faisant évoluer la notion même de patrimoine susceptible d’entrer dans son champ d’application. Cependant le cadre normatif et institutionnel dans lequel évolue cette loi patrimoniale s’est lui-même profondément transformé (décentralisation, lois Grenelle, etc.), questionnant de ce fait la pertinence contemporaine de la loi du 31 décembre 1913.

Argumentaire

La loi du 31 décembre 1913 de protection des monuments historiques (MH), telle qu’amendée en particulier en 1943 et codifiée aux articles L. 621-1 et s. du code du patrimoine, constitue un monument juridique devant lequel la société française ne peut que s’incliner. Le rôle qu’elle joue depuis un siècle dans la protection de notre patrimoine bâti (environ 44 000 MH inscrits ou classés) constitue la garantie d’une préservation de notre architecture, de notre histoire et de nos richesses touristiques. Les journées européennes du patrimoine témoignent à leur manière du succès populaire de l’application de cette loi vis-à-vis des monuments historiques.

Néanmoins ce vénérable dispositif législatif fait régulièrement l’objet de critiques, émanant pour partie des élus locaux ou de la population : la protection des abords des M.H., écrin nécessaire au bijou monumental à préserver, induit des contraintes qu’administrés et collectivités territoriales n’acceptent pas toujours avec facilité. Tout dépend à ce niveau, il faut bien le dire, du réglage des curseurs de protection effectué par le grand maître de ces procédures : l’Architecte des Bâtiments de France (ABF). Amené à se prononcer sur les travaux effectués dans le champ de visibilité de 500 mètres du monument, l’ABF est parfois perçu comme un cerbère quelque peu rigide du patrimoine français. Le travail réalisé dans de trop rares départements pour ajuster son intervention au travers de PPM (Périmètres de Protection Modifié) représente un net progrès en la matière.

En effet, si sa mission consiste à préserver nos monuments classés et la qualité esthétique des quartiers les environnant, la question se pose quand même de la prise en compte, dans l’instruction des dossiers de travaux, des besoins modernes des territoires concernés, tels que consacrés pour plusieurs d’entre eux par les lois Grenelle : rénovation thermique des logements, densification, développement des transports en commun, développement territorial, valorisation touristique, etc. Le risque d’une pression patrimoniale démesurée n’est pas virtuel, et conduit certains quartiers ou certaines communes à une progressive désertification, les habitants préférant investir des logements échappant à cette « cloche de verre patrimoniale ». En sens inverse, il ne faut jamais oublier de rappeler quelles peuvent être les retombées économiques d’une richesse patrimoniale locale, en particulier au travers de l’attractivité touristique générée par la présence de MH.

Il n’est pourtant pas si facile aujourd’hui d’esquiver ces protections car la loi M.H. se trouve concurrencée par de nombreux outils adoptés postérieurement et aujourd’hui en nette expansion : secteurs sauvegardés, ZPPAUP-AVAP, sites classés, mais aussi PLU patrimoniaux ou même labels (Patrimoine Unesco, Petite cité de caractère, etc.) s’ajoutant ou non à des dispositifs réglementaires. Le champ même de la loi du 31 déc. 1913 s’étend car la notion de MH évolue logiquement au fil de l’histoire : l’Etat classe du patrimoine industriel du XIX, mais aussi de l’architecture du XX (classement distinct du label Patrimoine du XXème). Si les cités de maisons ouvrières peuvent être classées, pourquoi certains grands ensembles des banlieues ne pourraient-ils pas l’être également ? Cette évolution pose la question des critères de classement du MH, ainsi que de leur partage avec les acteurs du territoire et la population : les motifs doivent-ils être purement architecturaux et historiques, ou doivent-ils être également sociaux ? Cela conduirait alors à une forme de partage de l’expertise patrimoniale au delà de l’ABF et des instances consultatives.

Entre sanctuarisation patrimoniale et développement territorial, porter un regard contemporain sur la loi du 31 décembre 1913 soulève ainsi de nombreuses questions sur la pertinence de cette législation centenaire, mais que l’on peut regrouper sous une seule interrogation : Quelle protection pour quel patrimoine ?

La 2ème édition des journées d’études « droit et gouvernance du patrimoine architectural et paysager » tentera d’y répondre les 7 et 8 février 2013 en associant universitaires et praticiens de la gestion du patrimoine culturel (ABF, élus, architectes, urbanistes territoriaux, responsables associatifs, etc.).

Programme

Jeudi matin 7 février

11 h : Visite guidée du château d’Angers (sur inscription)

Accueil des participants à la Faculté de Droit d’Angers

à partir de 13 h 30

14 h – Mots de bienvenue

14 h 15 – Introduction aux journées d’études par :

  • Arnaud de LAJARTRE, maître de conférences en droit public à l’Université d’Angers, responsable scientifique des journées d’études,
  • Paul IOGNA-PRAT, administrateur territorial honoraire et docteur en droit public.

Jeudi après-midi 7 février 2013

Un monument consacré

  • 14 h 25 – Présidence : Alain de la BRETESCHE, président des Journées juridiques du patrimoine, président délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
  • 14 h 30 – Philippe TANCHOUX, Maître de conférences en histoire du droit – Université d’Orléans : La loi du 31 décembre 1913, « modèle étalon » de la politique patrimoniale française ?
  • 14 h 50 – François JEANNEAU, Architecte en chef des Monuments historiques, Inspecteur général des Monuments historiques : De Viollet-Le-Duc à la charte de Venise, l’évolution de la doctrine de restauration des monuments historiques.
  • 15 h 10 – Armelle VERJAT, Déléguée générale – Fondation pour les monuments historiques : La protection au titre des monuments historiques, garantie de financement ?
  • 15 h 30 – Françoise BENHAMOU, professeur des universités, économiste de la culture – Université Paris XIII : L’analyse économique de la politique patrimoniale.

Discussion avec la salle

16 h 15 – Pause

16 h 30 – Table ronde : Protection et financement des monuments historiques

Animée par Alain de la BRETESCHE, président des Journées juridiques du patrimoine, président délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement

Participants :

  • Jean ARTHUIS, président du Conseil général de Mayenne, ancien ministre.
  • David DALMAZ, directeur des affaires juridiques et fiscales, Fondation du Patrimoine,
  • Régine CATIN, maire de Fontevraud,
  • Charles-André de BRISSAC, propriétaire du château de Brissac, délégué départemental de la Demeure historique,

Fin  des débats à 18 h

18 h 30 – Cocktail au Greniers Saint Jean (Angers)

Dîner libre

Vendredi matiin 8 février au château de la Perrière (Avrillé)

Un monument rénové

9 h – Présidence : Yves JÉGOUZO, professeur émérite de droit public à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, ancien conseiller d’Etat en service extraordinaire.

  • 9 h 05 – Françoise BERCÉ, Vice Présidente de la Sauvegarde de l’art français, Inspectrice générale honoraire des Monuments historiques : L’évolution des critères de classement.
  • 9 h 25 – Vincent VESCHAMBRE, Professeur de géographie – Ecole nationale d’architecture de Lyon : Le logement social peut-il prétendre au titre de monument historique ?
  • 9 h 45 – Dominique-Pierre MASSON, chef du bureau de la protection et de la gestion des espaces – Ministère de la culture et de la communication : Du bijou à l’écrin, la création des périmètres de protection.
  • 10 h 05 – Jean-René MORICE, Maître de conférences en géographie du tourisme – Université d’Angers : Monuments historiques et mise en tourisme des territoires.

Discussion avec la salle

10 h 45 – Pause

11 h – Table ronde : Comment partager la richesse patrimoniale des monuments historiques ?

Animée par Paul IOGNA, administrateur territorial honoraire, docteur en droit public, co-organisateur des journées d’études.

Participants :

  • Sylvie ROBERT, conseillère municipale de Rennes, déléguée aux grands projets, Vice-Présidente à Rennes Métropole, déléguée à la culture, à l’architecture et aux grands projets,
  • Dominique LATRON, Architecte des Bâtiments de France, directeur du STAP 49,
  • Jean-Pierre LECONTE, architecte du patrimoine, ANTAK – Nantes,
  • Line TOUZEAU, Docteur en droit public, chargée de cours à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.

12 h 30 – Déjeuner au château de la Perrière

Vendredi Après-midi 8 février 2013

Un monument dépassé ?

13 h 45 – Présidence : Philippe BÉLAVAL, Président du Centre des monuments nationaux, ancien directeur des patrimoines au Ministère de la culture

  • 13 h 50 – Pascal PLANCHET, professeur de droit public – Université de Lyon 2 Louis Lumière : Le contentieux des monuments historiques, signe d’un malaise ou expression de la vigueur de la protection ?
  • 14 h 10 – Jean-Pierre LEBRETON, professeur de droit public – Université de Versailles – Saint Quentin en Yvelines, directeur scientifique du GRIDAUH : La protection du patrimoine architectural historique doit-elle être intégrée dans le droit de l’urbanisme ?
  • 14 h 30 – Pierre-Antoine GATIER, architecte en chef des monuments historiques, président d’Icomos-France, Le « serial » patrimoine ou les limites des classements.

Discussion avec la salle

15 h 10 – Table ronde : La loi du 31 déc. 1913, une centenaire à enterrer ou à opérer ?

Animée par Arnaud de LAJARTRE, maître de conférences en droit public à l’Université d’Angers, responsable scientifique des journées d’études.

Participants :

  • Isabelle MARÉCHAL, chef du service du patrimoine au Ministère de la culture et de la communication,
  • Frédéric AUCLAIR, ABF, président de l’Association nationale des architectes des bâtiments de France,
  • Alain de la BRETESCHE, Président délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement,
  • Bruno LETELLIER, directeur du CAUE 49.

Fin  du colloque à 17 h

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