Colloque : Les arts russes en France aux XXe et XXIe siècles : exporter l’image de soi


Ce colloque international est organisé par le pôle « Arts et littérature » du laboratoire ELLIADD (EA4661), programme 1 : Archives littéraires, artistiques et culturelles.

Les échanges artistiques russes et soviétiques orientés vers la France ont connu au XXe siècle des phases de ruptures ou de ralentissement du fait de relations politiques souvent antagonistes et, bien entendu, de la guerre froide. Ils ont néanmoins été conséquents, et les arts russes présents en France sur scène, dans les lieux d’expositions, au cinéma comme dans une multitude de contextes artistiques.

Malgré l’absence de transparence caractéristique du système institutionnel soviétique, il est possible de dégager une série de mécanismes et de synergies à l’œuvre dans l’action culturelle russe en direction de l’étranger au XXe siècle. Ainsi, une sorte de chaîne (inter)actionnelle se dessine a posteriori : détermination des objectifs par les institutions – organisation concrète des événements – sélection des œuvres – appropriation de la réception française.

Les motivations idéologiques des autorités culturelles soviétiques fluctueront, on le sait, en lien avec le contexte et les enjeux politiques en présence. Elles se trouvent également tout au long de la période soviétique fortement contrecarrées par des éléments d’ordre interne. Ainsi, alors que les rapports entre les différentes institutions chargées des échanges culturels avec l’étranger (rapports de hiérarchie, de collaboration ou de rivalité) s’avèrent complexes, des difficultés de fonctionnement (manque d’argent, manque d’effectifs, etc.) empêchent parfois d’organiser les événements à l’échelle escomptée. Les projets inaboutis restent noyés dans l’opacité du système d’organisation, et la question se pose de savoir dans quelle mesure l’absence de transparence et la « culture du secret » n’étaient pas en partie recherchées pour « couvrir » ce qui avait été mal fait, tout comme pour masquer les défaillances dans la gestion du domaine artistique.

Les critères de sélection des œuvres en direction de l’étranger, et de la France en particulier, dépendent quant à eux du type d’événement visé, de son envergure, de la qualité esthétique des œuvres, du niveau de reconnaissance des artistes et de leur capital symbolique à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Un critère important et omniprésent dans la sélection tient à la notion d’excellence (A. Gide, 1936) requise dans les œuvres montrées à l’étranger, dans le but d’informer à la fois du niveau de maîtrise artistique soviétique, et, par ricochet, de l’excellence de la vie socialiste. La notion d’ « art d’exportation » (“na èksport”) montre enfin une volonté de s’adapter au goût étranger, alors même que les œuvres en question ne sont pas au premier plan à l’intérieur du pays. Il s’agira de déterminer si cette idée de processus de création « pour l’étranger » est attestée par les faits – dans quelles disciplines observe-t-on par exemple des commandes spécifiques, et pour quelles raisons ?

L’analyse précise comme l’examen critique des retombées médiatiques des évènements organisés en France génèrent des effets-retours ou « effets-boomerang » (M. David-Fox ; J.-F. Fayet) sur les futurs choix d’action culturelle – ils structurent l’organisation de ces événements.

Concernant les acteurs de l’action culturelle soviétique, les liens personnels viennent régulièrement compenser la distanciation des liens artistiques officiels entre la France et l’URSS. Des acteurs non institutionnels prennent ponctuellement des rôles très importants dans le processus d’organisation des échanges vers la France. Certains d’entre eux deviennent de véritables « médiateurs » (S. Cœuré, R. Mazuy) dans les affaires artistiques. Nous tenterons d’analyser la nature des liens de ces acteurs privés avec les autorités des deux pays.

En France, l’enseignement des théories artistiques offre une part belle à de nombreux aspects de la culture russe et soviétique (théories de l’acteur, théories du montage, école de ballet, etc.). Quels éléments issus de la création esthétique soviétique elle-même (œuvres, courants, tendances…) ont exercé une influence sur les pratiques artistiques françaises ? Si l’idée d’une influence des arts soviétiques ne paraît pas flagrante, on ne peut ignorer néanmoins l’existence de courants directement inspirés des expériences soviétiques musicales ou théâtrales dans les milieux populaires et pro-communistes français, ou encore, plus largement, l’impact esthétique du constructivisme et des techniques spécifiques de l’art graphique soviétique.

La période suivant 1991 correspondra à celle d’une soudaine facilité de circulation à l’origine de transformations dans les mécanismes d’échanges. Elle pourrait constituer une entrée à part du colloque : comment se décident et s’organisent les événements culturels russes en France depuis 30 ans, quel est le poids relatif des contacts privés dans les initiatives d’échanges ? Peut-on, par ailleurs, parler d’un héritage, par glissements, même partiels, de certains usages soviétiques ? Quel rôle l’État a-t-il conservé dans les mécanismes de diffusion de l’art à l’étranger, avec quel degré d’interventionnisme ? Quels types d’aides sont allouées : fédérales, régionales, privées ? La notion d’excellence se retrouve-t-elle encore dans les critères de sélection ? Enfin, qu’est devenue la notion d’art d’exportation et perçoit-on encore la présence de messages dans les œuvres aujourd’hui sélectionnées ?

Chercheurs et chercheuses issus de toutes les disciplines des sciences humaines et sociales sont invités à nous adresser leurs propositions dans ces thématiques. La littérature a été, à regret et compte tenu de l’ampleur des questions abordées, écartée des disciplines intégrées à notre réflexion, tout comme la production esthétique des artistes de l’émigration. Les communications retenues concerneront : musique, cinéma, théâtre, ballet, opéra, arts plastiques, photographie et architecture, pour les périodes soviétique et post-soviétique.

Modalités de participation

Les propositions de communication, d’un volume maximal de deux pages, peuvent être soumises jusqu’au 17 février 2020, aux adresses suivantes : tatiana.trankvillitskaia@univ-fcomte.fr, jasmine.jacq@univ-fcomte.fr.

Comité scientifique

Marie-Christine Autant-Mathieu (Eur’ORBEM, CNRS/Sorbonne Université)
Régis Gayraud (CELIS, Université Clermont Auvergne)
Jasmine Jacq (ELLIADD, Université de Franche-Comté)
Emilia Koustova (GEO, Université de Strasbourg)
Pascal Lecroart (ELLIADD, Université de Franche-Comté)
Pascale Mélani (CLARE, Université Bordeaux Montaigne)
François Robichon (IRHiS, Université de Lille)
Serge Rolet (Eur’ORBEM, Université de Lille)
Dany Savelli (LLA CREATIS, Université Toulouse – Jean Jaurès)
Irina Tcherneva (CERCEC-CNRS)
Tatiana Trankvillitskaïa (ELLIADD, Université de Franche-Comté)
Dany Savelli (LLA CREATIS, Université Toulouse – Jean Jaurès)

Comité d’organisation

Lilia Androsenko,
Jasmine Jacq,
Tatiana Trankvillitskaïa

Les articles seront demandés à l’issue du colloque en vue de leur publication.

Lieu du colloque : Auditorium de la MSHE Claude-Nicolas Ledoux, 1 Rue Charles Nodier, 25000 Besançon.

Frais d’inscription à prévoir par participant : 30 euros. Cette contribution pourra être revue à la baisse en fonction des aides institutionnelles obtenues.

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