Journée d’études : « Le manifeste artistique : un genre collectif à l’ère de la singularité »

Le manifeste artistique : un genre collectif à l’ère de la singularité

Le manifeste artistique porte la trace d’un projet commun à un groupe d’artistes dont l’ambition est de construire une identité collective singulière. A partir de ce constat, cette journée d’étude voudrait problématiser la place que peut occuper le manifeste à « l’ère de la singularité » qui semble caractériser l’époque contemporaine, où on tend à valoriser l’individualité, l’originalité et l’excentricité de l’artiste. Comment l’affaiblissement du groupe en tant que noyau symbolique et identitaire influence-t-il les formes linguistiques du manifeste aussi bien que ses canaux de diffusion et ses enjeux symboliques et sociaux ?

Le manifeste artistique est un genre qui résiste à la définition, un genre « protée » dont la nature est double, à la fois texte et geste. Au-delà de la dimension textuelle, le manifeste est l’acte de légitimation d’un groupe d’artistes, une intervention dans la sphère publique visant à définir une nouvelle position dans l’espace des possibles du champ. En tant qu’acte, le manifeste représente ainsi un objet d’investigation propice à l’étude des manifestations de l’art et de l’artiste dans une époque historique spécifique.
Si le manifeste littéraire et artistique est étroitement lié à la période des avant-gardes historiques, deux publications collectives récentes, L’art qui manifeste (A. Larue dir, Paris, L’Harmattan, 2008) et Le manifeste littéraire au tournant du XXIe siècle (I. Vitali dir, Bologne, Olschki Editore, automne 2010) ont cependant bien mis en évidence la continuité et  la vivacité du genre longtemps après la soi-disant « mort des avant-gardes ». Avec la présente journée d’études, qui voudrait considérer les manifestes des divers domaines de l’art, nous souhaitons poursuivre les chantiers ouverts par ces deux publications.
Plus particulièrement, nous nous proposons d’approfondir une évolution qui a été relevée par plusieurs chercheurs (A. Larue et A. Tomiche dans L’art qui manifeste, 2008) ; E. Bricco et P. Aron dans Le manifeste littéraire au tournant du XXIe siècle, 2010) : l’affaiblissement de la dimension collective constitutive du genre et l’avènement d’un manifeste lancé par un seul artiste. Il nous semble que ce phénomène témoigne d’une radicalisation de ce que N. Heinich (dans Être artiste. Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris, Klincksieck, 1996) a défini comme le « régime de singularité » apparu à l’heure de l’autonomisation du marché de l’art et où se dessine la représentation de l’artiste en « génie isolé ». Pour être reconnu comme artiste dans la société moderne, son œuvre doit nécessairement être marquée d’une certaine individualité, originalité et excentricité par rapport aux normes, des critères qui, au fil du XXe siècle, ont entraîné un intérêt croissant pour la biographie de l’artiste.

Cette conception de l’artiste se reflète dans les manifestes contemporains et a pour résultat d’accroître la tension, qui a marqué le genre dès ses origines, entre le collectif et le singulier. Le manifeste porte en effet la trace d’un projet commun à un groupe d’artistes dont l’ambition est de construire une identité collective singulière. A partir de ces constats, nous nous proposons de problématiser la place que peut occuper ce genre collectif à « l’ère de la singularité » qui semble caractériser l’époque contemporaine. Comment l’affaiblissement du groupe en tant que noyau symbolique et identitaire influence-t-il les formes linguistiques du manifeste aussi bien que ses canaux de diffusion et ses enjeux symboliques et sociaux ? A travers l’étude de cas, issus du milieu des arts plastiques et de la littérature aussi bien que des arts visuels et de la musique, la réflexion proposée par la journée d’études s’articulera autour de deux axes principaux, l’un sociologique et l’autre discursif.

Programme : 

09h30 Ouverture

  • 09h40 Viviana Birolli, EHESS : « Constitution et archéologie d’un genre : le cas des manifestes futuristes »
  • 10h00 Élisabeth Spettel, Université Bordeaux III : « Le manifeste artistique : un « éternel retour » ? »
  • 10h20 Discussion
  • 10h50 Louise Morin, Université de Rennes II : « Occupation d’un lieu pour l’art et ses revendications »
  • 11h10 Guillaume Sintès, Université Paris VIII : « Le manifeste en danse »
  • 11h30 Discussion

12h00 Déjeuner

  • 13h30 Camille Bloomfield, Paris VIII: « Les manifestes à l’Oulipo – disparition d’une forme ? »
  • 13h50 Audrey Ziane, Université de Provence, Aix-Marseille I : « Les manifestes de Georg Baselitz entre 1961 et 1994 : altérité, intimité et exposition (hors) de soi »
  • 14h10 Discussion
  • 14h40 Ekaterina Nemenko, EHESS : « L’artiste et le groupe : sur le manifeste artistique « post-totalitaire » »
  • 15h00 Sophie Dubois, Université de Montréal : « Le manifeste récupéré : réduire, réutiliser et recycler Refus global (Québec, 1948) »
  • 15h20 Discussion

15h50 Pause

  • 16h10 Célio Paillard, Université Paris 1-CNRS : « L’art numérique : théories manifestes et pratiques singulières »
  • 16h30 Mette Tjell, EHESS : « Le manifeste sous l’emprise de la fiction : l’exemple du Caoutchouc décidément et du Post-exotisme en dix leçons, leçon onze »
  • 16h50 Discussion
  • 17h10 Table ronde et clôture de la journée d’études

17h40 Pot de clôture

Source : http://calenda.revues.org/nouvelle23155.html

Adresse : Paris (75006) (96, bd Raspail (CRAL, EHESS, salle de séminaire, Centre d’études africaines))

Contact : mette [point] tjell (at) gu [point] se et  vivianabirolli (at) gmail [point] com

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