Nous proposons, au cours d’une journée d’étude consacrée au rire, d’interroger plus particulièrement sa fonction au sein de la société. Car si le rire est le propre de l’homme, il caractérise l’homme qui vit en société et nous en apprend autant sur l’un que sur l’autre. Si l’homme rit en – et de la – société, l’inverse est valable et mérite d’être interrogé : la société rit à son tour de l’individu. Elle caricature l’individu, paradoxalement dans ses aspects les plus impersonnels : la société moque en l’homme un certain nombre de caractéristiques constitutifs, communs à tous les êtres humains (ce peuvent être des défauts, aussi variés que l’avarice, l’ambition, le sérieux…). Le rire semble pouvoir remplir une fonction très utile d’indicateur sur ce qui est considéré comme « risible » par la société à un moment T (et qui est donc sujet à variation). Une autre fonction est celle, libératrice, cathartique, proposée par exemple par les carnavals.
Mais le rire semble en même temps refuser une originalité trop manifeste. « Quiconque s’isole s’expose au ridicule » disait Bergson, soulignant par cette formule à quel point le rire sanctionne un excès de singularité qui éloignerait trop l’individu de la société. Il s’agit donc de questionner cette dialectique entre individu et société : d’un côté, un rire bénéfique et libérateur, pour l’individu à l’égard de la société comme pour la société à l’égard de l’individu ; de l’autre, un rire à l’aspect plus ambivalent voire délétère, dans le sens qu’il impose une norme d’autant plus contraignante qu’elle est implicite, déployant une sorte de carcan peu favorable à l’expression de la personnalité. Nombre d’interactions entre rire, individu et société sont envisageables ; cette journée d’étude s’imagine comme un lieu capable d’accueillir des approches très diverses, afin de mieux donner à penser la question des fonctions du rire au sein des sociétés humaines.
PROGRAMME
Estéban Riffaud, (philosophie) : Le regard moqueur et son impact sur nos existences.
Dans les diverses manifestations de nos existences, la rencontre avec Autrui nous semble à la fois la plus familière et en même temps la plus étrange. C’est à l’intérieur de cette ambiguïté que se situe le regard. Ainsi, quels sont les impacts d’un regard et a fortiori d’un regard qui se veut ou non être moqueur ? Peut-on parler de rencontre avec l’Autre ou simplement d’un prétexte au regard ? Quelles sont les mobiles d’une telle attitude ?
Servin Bergeret, (histoire de l’art) : Les rires de la Galerie Iris Clert (1956-1986)
La Galerie Iris Clert, lieu de monstration et de promotion de l’œuvre d’art du temps présent, fut aussi un espace social de rencontres et d’échanges où lors de vernissages festifs, les acteurs du monde de l’art parisien et international étaient conviés à se mêler au jeu de savantes mascarades. Les méthodes et pratiques de cette galerie protéiforme dirigée par la sulfureuse Iris Clert durant près de trente ans, peuvent être aujourd’hui appréciées à des niveaux de lecture multiples.
La communication proposera d’étudier différentes dimensions du rire dans l’espace de sociabilités particulier que fut la Galerie Iris Clert entre 1956 et 1986.
Juliette Bertron, (histoire de l’art) : Usage(s) politique(s) de la parodie dans l’art contemporain
Parce qu’elle procède par citations et transformations d’œuvres antérieures, la parodie est souvent perçue comme une pratique auto-réflexive. Jeu d’initié, elle agirait par clin d’œil au sein d’une communauté éclairée, participant ainsi aux questionnements d’un art sur l’art. Mais les œuvres sources dont s’emparent les parodistes peuvent ainsi devenir motifs d’une critique et d’une dénonciation politique se mariant avec le rire propre à ce genre. Notre intervention propose de s’arrêter sur cette dimension satirique de la parodie dans l’art depuis les années 1960.
Lionel Astesiano, (philosophie) : Où le distrait a-t-il la tête ? Analyse du personnage du distrait à partir du Rire de Bergson
La figure du distrait est une figure classique du ressort comique. Mais il convient de questionner plus profondément le type de rire qu’il suscite en même temps que ce qu’il pourrait révéler en chacun de nous. Car le distrait nous amuse et nous divertit certes, en ce qu’il nous fait oublier nos préoccupations et éloigne notre esprit de ce qui le fatigue, mais s’agit-il d’un divertissement pascalien ? En s’isolant, le distrait provoque un rire dont il manifeste la nature sociale voire moralisatrice et contraignante. Par son attitude atypique, il pourrait en même temps faire signe vers une forme de liberté qui échapperait aux formes triviales du rire.
Troisième séance des TRANSVERSALES, les journées doctorales du Centre Georges Chevrier, organisée par les doctorants de l’Université de Bourgogne.
Organisateurs : Lionel Astesiano, doctorant en philosophie et Julie Boisard, doctorante en histoire de l’art
Invité : Bertrand Tillier, professeur d’histoire de l’art, Université de Bourgogne
Jeudi 16 mai 2013
14h-18h
Maison des Sciences de l’Homme – Salle des thèses
Université de Bourgogne – Esplanade Erasme – Dijon (21000)
Contact : julie.boisard@gmail.com
Site du Centre Georges Chevrier
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