Conférence de Léonard Pouy dans le cadre du séminaire Arts & société : « Des peintres en guerre. La scène de corps de garde hollandaise à l’épreuve des War Studies ».
Représentant le repos de soldats retranchés dans de sombres intérieurs afin d’examiner le contenu de coffres pillés ou occupés à boire, à fumer et à jouer en attendant l’appel aux armes, la peinture de corps de garde se détache progressivement des différentes misères de la guerre pour devenir une catégorie artistique autonome, rapidement identifiée par les théoriciens de l’époque. Développée à Amsterdam à partir du milieu des années 1620, elle apparaît surtout comme un champ d’étude idéal pour qui s’intéresse aux diverses mutations que subissent l’image et le statut du soldat dans l’art et la société hollandaise du XVIIe siècle. Enrichi de nouveaux attributs et représenté selon les normes modernes fixées par les plus récents manuels de théorie militaire, le soldat hollandais quitte peu à peu les tristes oripeaux du déserteur en maraude pour revêtir les luxueux atours de l’officier éclairé et raffiné. Capable d’apprécier la qualité artistique des objets qu’il dérobe, à la manière de l’amateur, il pourrait s’apparenter à l’artiste lui-même, l’espace qu’il occupe s’assimilant peu à peu à celui de l’atelier. Aux portraits militaires succèdent alors ceux « de l’artiste en soldat » et les relations d’influence entre les prestigieux portraits de groupe et les scènes dites « de genre », alors considérées comme inférieures, paraissent de plus en plus difficiles à déterminer. À la fin du siècle, Samuel van Hoogstraten (1627-1678) va même jusqu’à invoquer un système de hiérarchie militaire comme métaphore des différents grades de l’art, du simple fantassin peintre de natures mortes au général peintre d’histoire.
Parfois initiés à l’art de la guerre dans leur jeunesse, la plupart de peintres de corps de garde fréquentaient la soldatesque lorsqu’ils n’en faisaient pas eux-mêmes partie. La guerre étant un état normal pour la société de l’époque, nous tenterons d’évaluer dans quelle mesure certains facteurs polémogènes viennent dynamiser les relations au sein des milieux artistiques, notamment entre les peintres travaillant en concurrence pour un même marché, tels Willem Duyster (1598/99-1635) et Pieter Codde (1599-1678) ou entre les peintres de cabinet et d’histoire, s’affrontant cette fois sur un mode parodique.
Dans le cadre de son Master, Léonard Pouy a rédigé en 2010 le catalogue raisonné du peintre de genre Willem Cornelisz Duyster (1599-1635) sous la direction d’Alain Mérot (Université de Paris-Sorbonne). Il prépare actuellement une thèse de doctorat portant sur la scène de corps de garde dans la peinture néerlandaise du XVIIe siècle, sous la codirection des Professeurs Alain Mérot et Jan Blanc (Université de Genève). Chargé d’études et de recherche à l’Institut national d’histoire de l’art depuis octobre 2010, Léonard Pouy collabore par ailleurs au programme portant sur « Le tableau vivant : sources iconographiques et textuelles » dirigé par Julie Ramos (Université de Paris I).
Le séminaire Arts & sociétés est dirigé par Laurence Bertrand Dorléac.
Sciences Po, salle de conférences, rez-de-chaussée
56 rue Jacob
75006 Paris
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