The Odorous Object: On the Materiality of Scent / L’objet et son sillage : penser la matérialité des odeurs (Brown University, 27-28 feb . 26)

Brown University | Providence, Rhode Island, USA Friday, February 27— Saturday, February 28, 2026

Vendredi 27 février — Samedi 28 février 2026

Organisatrices : Chanelle Dupuis (Brown University, USA)

Jasmine Laraki (Université Libre de Bruxelles, Belgique — Paris 1 Panthéon-Sorbonne, France) Clara May (Université de Neuchâtel, Suisse)

Conférencière invitée : Prof. Érika Wicky (Université Grenoble Alpes-UFR ARSH, France)

Flacons ouvragés, lettres parfumées, bijoux à parfum, boîtes bergamotes, céramiques antiques, vaporisateurs, autocollants à gratter et à renifler, savons, nez-électroniques, ou appareils odorants imaginaires : autant d’objets qui témoignent de la matérialité plurielle du parfum. Des vases en verre soufflé aux contenants en terre cuite, des pomanders médiévaux aux dispositifs muséographiques contemporains, les supports de l’odeur ont connu de profondes transformations, tant dans leurs formes, leurs finitions et leurs matériaux que dans les régimes d’usages, de perceptions et de significations qui leur sont associés. Ces objets olfactifs ne sont pas de simples contenants : ils condensent des gestes, des savoir-faire, des technologies et des récits culturels.

Si les approches sensorielles ont récemment revitalisé l’étude de la culture matérielle, c’est parce qu’elles ont déplacé l’attention vers la vie « sensori-sociale » des choses (Howes, 2022, p. 44), en révélant les dynamiques d’agentivité, decirculation et d’expérience qui naissent de l’interaction entre objets, histoire des sens et contextes socio-culturels. Qu’advient-il donc du parfum et de l’odeur, lorsqu’on cesse de les appréhender comme simple effluve ou expérience olfactive pure, pour en interroger la matérialité-même — celle des formes, des gestes et des dispositifs qui les rendent sensibles, perceptibles et manipulables ?

Le rapport entre le contenant et le contenu, dans le domaine du parfum, met en lumière une dualité singulière : à la présence visible et concrète du flacon répond l’invisibilité diffuse et insaisissable de la fragrance. Cette tension entre matérialité et volatilité constitue l’un des ressorts esthétiques et symboliques fondamentaux de l’expérience olfactive.Rien, dans l’apparence du liquide, n’annonce les notes qui s’en dégagent, intensifiant le caractère insondable de l’odeur et la part d’inconnue qu’elle convoque. L’évanescence du parfum engage ainsi une réflexion sur les matériaux, les formes et les gestes par lesquels il devient accessible, activable, transmissible. Interface entre le tangible et l’impalpable, le flacon — qu’il soit opaque ou transparent, scellé ou ouvert — cristallise une matérialité paradoxale : il est à la fois seuil et réceptacle, contenant et médiateur. En donnant forme à ce qui est destiné à se dissiper, il devient unobjet liminaire, où se rejoue sans cesse la tension entre permanence et disparition (Stamelman, 2006, 2022).

Longtemps méconnu, le fonctionnement complexe de l’odorat a nourri, au fil des siècles, un foisonnement de croyances autour des odeurs. Ces dernières, profondément ancrées dans les cultures, soulèvent des enjeux multiples — sociaux, moraux, politiques, scientifiques, religieux, esthétiques — qui en font aujourd’hui des objets d’étude essentiels. À la croisée des disciplines, les parfums et leurs contenants se révèlent être bien plus que de simples artefacts : outils de pouvoir et de distinction sociale, instruments prophylactiques ou encore passerelles vers des dimensions spirituelles ou imaginaires, ils s’inscrivent dans les histoires croisées de l’art, de la parfumerie, de la médecine et de la chimie. Parailleurs, les substances odorantes qui leur donnent vie proviennent des quatre coins du monde, témoignant d’échanges globaux dont les usages varient selon les époques et les régions. Une analyse des odeurs ne saurait donc faireabstraction d’une perspective géographique élargie, laquelle invite à interroger avec acuité les héritages coloniaux et les défis écologiques qui continuent d’imprégner ces pratiques jusqu’à nos jours.

Réels ou imaginaires, les objets odorants façonnent l’atmosphère d’un lieu et définissent son identité sensible. Leurdimension écologique — stockage, élimination, cycle de vie — interroge non seulement leurs propriétés matérielles etatmosphériques, mais aussi leur impact sur le corps et l’environnement. Ces artefacts, qu’ils soient concrets ou issus deconstructions mentales, transcendent leur physicalité : la littérature, par exemple, invente des dispositifs olfactifs fictifsaux fonctions symboliques puissantes. Dans Tè Mawon (2022), Michael Roch imagine ainsi des casques générant des odeurs de « fausses nourritures » masquant les effluves délétères d’un quartier dystopique tout en suppléant auxbesoins alimentaires. Cette innovation fictionnelle lie odeur et goût — sens chimiques intimement corrélés — et révèle des phénomènes d’associations multimodales fréquemment mobilisées par les objets odorants.

Par leur nature immersive et multisensorielle, les parfums et les odeurs activent un réseau de perceptions croisées qui excède le seul registre de l’olfaction. La synesthésie, phénomène physiologique aux prolongements esthétiques etculturels, a inspiré de nombreuses expérimentations créatives : dispositifs de communication sensorielle, récits de marques, environnements immersifs, autant de formes qui explorent les potentialités expressives de l’intersensorialité. Une couleur qui anticipe une fragrance, un son qui prolonge une note olfactive, un agencement de textures en mouvement qui suggère un sillage : ces glissements métaphoriques actionnent en creux les sens dits « bas » — goût, toucher et odorat — dans une dynamique de traduction et de transposition intersensorielle.

Bien que ce colloque s’inscrive prioritairement dans le champ des sciences humaines et sociales, les propositions émanant de tout autre domaine scientifique sont vivement encouragées. La recherche sur l’odorat se déploie à lacroisée de multiples disciplines et ne peut que s’enrichir d’une pluralité de perspectives théoriques et méthodologiques.De même, toutes formes de supports olfactifs — odeurs, parfums, objets parfumés, dispositifs sensoriels, etc. — sont les bienvenus, afin de nourrir une réflexion située, sensible et immersive !

Dans le cadre de notre format hybride, nous proposons deux modalités de participation :

  • Une présentation de recherche académique
  • Une exposition créative portant sur les objets/dispositifs odorants Les détails de ces deux formats figurent ci-dessous :
    • Une présentation de recherche académique

Les communications – en français ou en anglais – auront une durée de 20 minutes et seront regroupées par panelsthématiques suivis d’un temps d’échange. Nous encourageons des propositions de communication explorant toute période historique ou région géographique, afin de refléter la richesse et la diversité des objets odorants dans leurs dimensions culturelles, sociales et esthétiques. Les axes suivants, non exhaustifs, offrent des pistes potentielles deréflexions, mais toutes propositions originales sont les bienvenues :

Odeurs, objets et :

  • Spiritualité
  • Médecine
  • Imagination
  • Environnement
  • Émotions
  • Mémoire
  • Gestuelle
  • Agentivité
  • Goût
  • Esthétique
  • Art et artisanat
  • Genre(s)
  • Matérialité
  • Techniques et savoir-faire
  • Stockage et conservation
  • Économie
  • Commerce, colonialisme
  • Linguistique
  • Synesthésies
  • Décomposition

 

  • Une exposition créative portant sur les objets/dispositifs odorants

 

Une salle d’exposition sera ouverte à celles et ceux qui souhaitent présenter un projet de recherche- création, une réalisation en design olfactif, ou tout autre dispositif sensoriel. Chaque participant-e disposera d’un espace dédié pour exposer librement son travail et dialoguer avec les visiteurs durant un créneau prévu dans le programme. Cette modalité s’adresse notamment aux artistes, designers, parfumeurs/parfumeuses, artisans, ou chercheurs/chercheuses impliqué-e-s dans une pratique expérimentale mobilisant l’olfaction.

 

Les projets peuvent inclure, sans s’y limiter :

  • des dispositifs interactifs ou installations olfactives ;
  • des objets ou artefacts odorants accompagnés d’un propos scientifique ou critique ;
  • des prototypes de design olfactif ;
  • des œuvres d’art mobilisant le médium olfactif ;
  • des performances, archives sensibles ou récits

 

Pour les présentations de recherche (option 1), nous attendons un résumé (400 mots max.), incluant un titre, une description de votre projet et une bibliographie, ainsi qu’une courte biographie accompagnée de vos coordonnées académiques complètes (nom, prénom, adresse e-mail, domaine de recherche, laboratoire et institution de rattachement).

Pour les expositions créatives (option 2), merci de joindre à votre proposition une description précise de votre projet (400 mots max.) incluant le titre et la nature de l’objet ou de la recherche exposée, les modalités de présentation, dimensions, nécessité d’aménagement spécifique (branchement électrique, ventilation, etc.), une biographie incluant votre nom, coordonnées, une brève présentation de vos travaux, et/ou réalisations antérieures.

Les propositions de communication — rédigées en français ou en anglais — doivent être envoyées avant le 15 septembre 2025 à l’adresse theodorousobject@gmail.com

 

Le colloque se déroulera en présentiel le vendredi 27 et le samedi 28 février 2026 à l’Université de Brown, située à Providence, Rhode Island, États-Unis.

 

Bibliographical suggestions | Suggestions bibliographiques

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Éditions Marie Delarbre, 2024.

Bernasconi, Gianenrico. Objets portatifs au siècle des Lumières. 2015. Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques.

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Burchmore, Alexander, editor. Material Selves: Object Biographies and Identities in Motion.

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—————. “Sociabilités du parfum” Littérature, Armand Colin, volume 1, n° 185, 2017.

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