Appel à articles. Revue Macte.
En quête de mémoires, une histoire de l’art partagée de la Caraïbe ?
La Caraïbe est aujourd’hui confrontée à une profonde crise sociale, environnementale et politique. Les récents bouleversements climatiques et virologiques ainsi que la paupérisation des populations vulnérables, contribuent à la montée des irrédentismes (nationalismes et des communautarismes entre autres), amplifiés par le mouvement international Black Lives Matter. Les héritages du passé esclavagiste, les plaies encore ouvertes, nourrissent les revendications identitaires, les postures militantes, les actes de destructions performées envers les symboles de la colonisation dans l’espace public et numérique (plaques commémoratives, statues, images stéréotypées). Un esprit de défiance se diffuse et se popularise contre un patrimoine artistique et iconographique de plus en plus contesté et décontextualisé. Les œuvres liées à l’univers esclavagiste, impérialiste, transatlantique ou postcolonial témoignent de mémoires historiques à interroger, pour mieux les comprendre et les déconstruire. Peintures, sculptures, gravures, photographies, mobiliers, objets, livres illustrés, renvoyant au fait colonial, conservés dans les musées, les bibliothèques, les centres d’archives et les collections privées du monde entier contribuent à faire parler le passé, éduquer les regards, susciter l’émotion, cheminer vers une forme de résilience. Si beaucoup de collections iconographiques ont contribué, à travers le temps, à diffuser des imaginaires impérialistes aux rapports déséquilibrés, à vulgariser et à enraciner les théories racialistes (A. Lafont), d’autres ont aussi dénoncé, par l’acte engagé de leur créateur, la violence du système de domination des peuples (M. Dorigny). La recherche dans les collections publiques et privées a en outre mis en lumière, dans le milieu artistique et culturel, des histoires chargées d’une présence diasporique souvent restées dans l’ombre. Elle a révélé des trajectoires de migration et de vie moderne évoluant au cours des décennies précédant et suivant les abolitions de l’esclavage. (D. Murrell). Les artistes avaient parfois des relations familiales et des amitiés proches avec leur modèle (D. Murrell, C. Lozère). Dès le XVIIIe siècle, l’identification, dans les sources primaires, d’artistes issus de la Caraïbe ou qui s’y sont installés (V. Poupeye, A. Cummins, C. Lozère), de pratiques et de traditions artistiques et artisanales insulaires, de contre-discours engagés, d’échanges et de métissages esthétiques, oblige à questionner ces œuvres, les trajectoires d’artistes ainsi que nos propres catégorisations et représentations mentales. Face à notre monde où la présence diasporique s’affirme, une histoire de l’art partagée et décentrée est à écrire. Il s’agit alors d’interroger comment les mémoires et les récits qui leur sont attachés, produits par le travail des artistes, se confrontent à ceux des empires (britannique, français, néerlandais et espagnol). Pourquoi ce patrimoine artistique est aujourd’hui rejeté ou révisé (S. Mintz, R. Price) ? Et dans quelles conditions intellectuelles, économiques et sociales se sont formés les répertoires esthétiques et le goût artistique dans une séquence historique dominée par l’esclavage (S. Gikandi), quelles marges de liberté avaient les artistes ?
Cet ouvrage examinera les approches méthodologiques, scientifiques et artistiques dans la valorisation et la gestion de ces collections à la mémoire sensible et fissurée. Il s’agira de montrer comment les chercheurs, les curateurs et les institutions muséales abordent désormais le passé esclavagiste et colonial ainsi que les questions raciales à travers une lecture analytique critique et historicisée des œuvres témoignant parfois de positionnements nationaux contrastés. La constitution et la provenance de ces collections seront interrogées ainsi que leurs fonctions, leurs inscriptions dans les espaces publics, privés, communautaires et familiaux, de même que les territoires de l’histoire, les cultures matérielles et visuelles, les séquences temporelles retenues (pré-esclavage, esclavage, abolition et batailles pour la citoyenneté, post-esclavage). Le rôle de l’exposition, comme espace d’études, d’échanges et de débats scientifiques, sera également questionné. Enfin, la parole sera donnée à des artistes sur leurs propres relations aux collections coloniales entre rejet, appropriation, détournement, déconstruction et reconstruction des formes.
Thèmes privilégiés :
– Approches méthodologiques, scientifiques et artistiques de la valorisation et de la gestion des collections muséales.
– Histoire de l’art et patrimoine colonial artistique de la Caraïbe, analyse critique et historicisé des œuvres
– Constitution des collections et leurs inscriptions dans leurs espaces d’accueil
– Relation des artistes contemporains aux collections coloniales caribéennes
Les articles sélectionnés donneront lieu à une publication en français dans le n°2 de la Revue du Macte. Une version en anglais est également prévue. Les propositions d’articles en français ou anglais, soumis au comité scientifique, sont à envoyer avant le 20 mars 2021 à l’adresse suivante : lozerechristelle@yahoo.fr. Elles doivent comprendre un titre et un résumé de 150 mots maximum et une courte biographie en français et en anglais de 100 mots. L’ouvrage illustré sera constitué d’articles entre 15 000 signes et 20 000 signes.
Contact : lozerechristelle@yahoo.fr
Coordinatrices du projet : Christelle Lozère (UA LC2S), Laurella Rinçon (Mémorial Acte)
Comité scientifique :
Ana Lucia Araujo, professeur d’histoire, Université Howard, Washington DC
Alissandra Cummins, directrice du Musée de la Barbade, UWI
Mamadou Diouf, professeur d’histoire, Université de Columbia, New York
Christelle Lozère, maître de conférences en histoire de l’art, UA LC2S, Martinique
Denise Murrell, conservatrice associée au Metropolitan Museum of Art, New York
Laurella Rinçon, conservatrice du patrimoine, Directrice générale du Mémorial Acte, MACTe Guadeloupe
Call for papers. Macte Review.
Interrogating Memory, a shared art history of the Caribbean?
Today, the Caribbean space is facing a profound social, environmental, and political crisis. The recent climatic and virological upheavals, as well as the impoverishment of vulnerable populations, of irredentism (nationalisms and communitarianism among others) amplified by the global Black Lives Matter movement. The legacies of its history of slavery, with the wounds still open, feed into identity claims, militant postures, and destructive acts against symbols of colonization in both public and digital spaces (e.g., commemorative plaques, statues, and stereotypical images). A spirit of mistrust is spreading and becoming popular, against an artistic and iconographic heritage that has been increasingly contested and decontextualized. Artistic works linked to the world of slavery, imperialism, transatlantic influence, or postcolonialism, nevertheless bear witness to a historical memory that needs to be questioned in order to better understand and deconstruct it. Paintings, sculptures, engravings, photographs, furniture, objects, and illustrated books that make reference to the colonial past and have been conserved in museums, libraries, archive centers and private collections around the world, are preserved to make the past speak, educate about perspectives, arouse emotion, and make a path towards some form of resilience. While many iconographic collections have been used, over time, to disseminate imperialist fantasies with unbalanced relations, to popularize and entrench racialist theories (A. Lafont), there are others which have also denounced, through the committed act of their creator, the violence of the system that dominates peoples (M. Dorigny). Iconographic research in public and private collections has moreover amplified the fraught histories of an obscured diasporan presence within the artistic and cultural milieu, as trajectories of migration and modern life evolved during the decades before and after territorial abolition (D. Murrell). The artists sometimes had family relationships and close friendships with their models (D. Murrell, C. Lozère). From the 18th century, the identification of island-based artistic and artisanal practices and traditions, dedicated counter-discourse, exchanges and aesthetic mixtures in primary sources by artists leaving in the Caribbean (V. Poupeye, A. Cummins, C. Lozère) and forces us to question these works, the trajectories of artists as well as our own categorizations and mental representations. In our world today, as the presence of the diaspora becomes more established, it is time for a shared and decentralized history of art to be written. It is then a question of interrogating how the memory and the narratives attached to them, produced by the work of artists, engage with those of empires (British, French, Dutch and Spanish). Why is this artistic heritage rejected or rewritten in today’s society (S. Mintz, R. Price)? And under what intellectual, economic, and social conditions were esthetic repertoires and artistic tastes formed in a historical period dominated by slavery (S. Gikandi)? What degree of freedom did artists have?
This work will examine the methodological, scientific, and artistic approaches in promoting and managing these collections, and the fragile and broken memories within. The goal of this work is to show how researchers, curators, and museum institutions now approach the pro-slavery and colonial past as well as racial issues through a critical and historicized analytical reading of works that sometimes testify to contrasting national positions. It will examine the composition and provenance of these collections along with their functions and their inscriptions in public, private, community, and family spaces, as well as the domains of history, material and visual cultures, and the selected time periods (pre-slavery, slavery, abolition and the fight for citizenship, post-slavery). Finally, contemporary artists will be giving voice to their own relationships with colonial collections from rejection, appropriation, diversion, deconstruction, and reconstruction of these forms.
Main themes:
– Methodological, scientific, and artistic approaches to the promotion and management of museum collections
– History of the art and artistic colonial heritage of the Caribbean, critical and historicized analysis of works
– Composition of the collections and their inscriptions in the spaces that house them
– The relationship between contemporary artists and the colonial collections of the Caribbean
The selected articles will be published in French in edition no. 2 of the Revue du Macte. An English version is also planned. Proposals for articles in French or English, submitted to the scientific committee, should be sent before March 20, 2021 to the following address: lozerechristelle@yahoo.fr. They must include a title and an abstract of 150 words maximum and a short biography in French and English of 100 words. The illustrated book will consist of articles between 15,000 and 20,000 characters.
Contact: lozerechristelle@yahoo.fr
Project coordinators : Christelle Lozère (UA LC2S), Laurella Rinçon (Mémorial Acte)
Scientific Committee :
Ana Lucia Araujo, Professor of History, Howard University, Washington DC
Alissandra Cummins, Director of the Barbados Museum, UWI
Mamadou Diouf, Professor of History, Columbia University, New York
Christelle Lozère, Associate Professor of Art History, UA LC2S, Martinique
Denise Murrell, Associate Curator at the Metropolitan Museum of Art, New York
Laurella Rinçon, Curator, Director general of the Mémorial Acte, MACTe Guadeloupe
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