Appel à communication : « Contre-attaque. Les avant-gardes en revues (1950-1980) » (Paris, mai 2015)

Les Lèvres nuesLe rôle des revues dans l’histoire des avant-gardes littéraires et artistiques des années cinquante, soixante et soixante-dix est essentiel. Construisant à chaque fois une position singulière, ces publications constituent autant de manières de faire entendre et de donner à voir une radicalité sans cesse redéfinie, contre le système, le spectacle, l’ordre du discours ou la doxa. Entre perpétuation et liquidation d’un avant-gardisme historique, surréaliste ou dadaïste, ces revues témoignent, conjointement ou successivement, de la complexité de leur temps : âge de la reconstruction et de la Croissance, de la Guerre froide et de la décolonisation, de la nouvelle gauche et de l’Algérie française, de « l’air moderne » et de la « société du spectacle », de la bipolarisation idéologique et de la politique de la jeunesse, du Vietnam et Nanterre, de l’esprit 68 et de Vincennes,  du gauchisme politique et du gauchisme culturel…

Les revues Les Lèvres nuesPotlatchl’Internationale situationnisteLa BrècheFront unique, Tel QuelL’Archibras, Change ou TXT s’inscrivent dans ce moment contrasté de l’histoire du XXe siècle. Certaines héritent du surréalisme, d’autres l’ignorent, mais toutes évoluent à mesure que se transforme le champ des possibles, se sabordent ou disparaissent quand semble épuisé le projet qui les portait. L’actualité (politique, philosophique, littéraire, artistique) alimente leur histoire sur un mode singulier : elle souligne d’irréductibles différends et renforce leur hétérogénéité.

Pour Cobra, le lettrisme et le situationnisme, pour les surréalistes de La Brèche ou pour les telquéliens, les revues sont le lieu, inégalement partagé, de la subversion (des codes et des formes) et de la contre-attaque (théorique et pratique). Se juxtaposant et se confrontant à d’autres projets (d’avant-garde ou non), elles affirment leur profonde différence, évolutive, instable. Bien qu’érigé chaque fois avec fermeté, le principe d’avant-garde subit en effet d’incessantes relectures et connaît des formulations successives (c’est le cas, par exemple, du situationnisme et de Tel Quel). L’analyse précise de ces  variations et ces déplacements, au sein d’un même groupe, reste à faire.

Les textes de ces revues ont en général reçu moins d’écho que les livres, les oeuvres d’art ou les films produits par ces différents mouvements. Ces écrits permirent pourtant de présenter précisément leur objet. Radicalité politique, cassure esthétique, vigilance critique, réflexion théorique : c’est là que s’élabore la rupture avant-gardiste, dont on peut repérer, livraison après livraison, les audaces et les avancées, les impatiences et les piétinements. Ces revues ne sont donc pas des documents secondaires, anecdotiques et conjoncturels, mais le creuset d’une contestation collective, l’espace d’un renouvellement des formes littéraires et artistiques, la tribune d’une révolution annoncée.

Leur caractère hétérogène et pluridisciplinaire (elles entremêlent le plus souvent essais critiques et textes poétiques, débats d’idées et reproductions d’œuvres d’art) est un enjeu critique autant qu’une tactique ; il ne peut donc être négligé.  Être à la fois « dans et contre la décomposition », agir par tous les moyens, « même artistiques », écrivait Guy Debord. La diversité formelle qui fut par essence celle des avant-gardes dans leur développement historique revêt après-guerre une dimension stratégique déterminante. Assurant une visibilité immédiate, elle construit une image de la radicalité soutenue par la production de discours offensifs sur la société, sa doxa et ses paradoxes.

L’étude des revues avant-gardistes de cette période (des années 1950 aux années 1980) soulèvera donc plusieurs questions qui seront l’objet de ce colloque. Comment se construit, dans la seconde moitié du XXe siècle, une position d’avant-garde politique, artistique et littéraire ? Par quelles stratégies, par quels compromis tactiques s’impose-t-elle ? Quelles sont les logiques de radicalisation de ces avant-gardes ? Et pour quelle « théorie d’ensemble » ? Qu’est-ce, dans ce processus, qu’une pensée politique « révolutionnaire » ? À quelles conditions un art peut-il être qualifié comme tel ? Quelle esthétique élire en vue d’une action efficace ? Et qu’est-ce qu’une « révolution culturelle » ?

L’urgence caractérise le quotidien de ces revues, toujours impliquées, par engagement ou par dégagement, dans la vie de la Cité et les affaires du monde. Les prises de position, les discours tenus sont marqués par cette urgence (active et réactive) : celle de la dispute et du débat, celle de l’expression artistique, celle du manifeste, de la déclaration ou du programme, situés dans l’époque et dans l’instant. Ces revues firent dès lors événement. Cette souveraineté apparente de l’événement permet de construire une histoire des avant-gardes soucieuse du « grain des choses », une histoire qui nous interroge aujourd’hui encore.

 

Colloque « Contre-attaque.  Les avant-gardes en revues (1950-1980) »

Organisé par Olivier Penot-Lacassagne (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)
Pierre Taminiaux (Georgetown University, Washington DC)

Mardi 26 et mercredi 27 mai 2015
Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
13 rue Santeuil, 75005 Paris
Salle Las Vergnas

Contact

Merci de soumettre votre proposition de communication (3000 signes maximum), accompagnée d’une brève notice bio-bibliographique, avant le 15 février 2015 à olivier.penot.lacassagne@gmail.com

 

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