Appel à communication : « De la rue au Musée. Silences et sons du Moyen Age à nos jours : perceptions, identités sonores et patrimonialisation »

Le Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines (UVSQ), le MRTE, laboratoire de géographie de l’UCP et le LéaV, laboratoire de l’École d’Architecture de Versailles lancent un appel à contribution pour une journée d’études consacrée à la perception, aux identités sonores des espaces vécus et à la patrimonialisation des archives sonores. Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre du LabEx Patrima visant à fédérer la recherche sur le patrimoine matériel en associant praticiens de la conservation et chercheurs des sciences exactes et humaines. Les organisateurs se proposent de réunir des contributions venues de tous horizons autour de thématiques allant de la perception ou la mesure des environnements sonores, la conservation ou la cartographie des paysages sonores anciens, la formation des identités sonores, aux représentations ou évocations des scènes sonores dans les arts et la littérature. Les propositions de communication doivent être retournées pour le 1er septembre 2012.

Jingles, musiques écoutées dans l’intimité des casques audio pour s’abstraire du monde qui nous entoure, plaintes de nouveaux habitants des campagnes contre les nuisances sonores causées par le chant matinal du coq ou le tintement des cloches : les sons font partie de notre quotidien, mais la perception que nous en avons est intimement liée à la société dans laquelle nous évoluons. Bruits, sons et silences participent depuis longtemps à la construction d’une sociabilité commune et de nombreux chercheurs s’intéressent au paysage ou à la signature sonores des quartiers . Les architectes et urbanistes ont été certainement les premiers à s’emparer de la question des « paysages sonores », théorisée par le compositeur canadien R. Murray Shafer , aujourd’hui suivis par les géographes , acousticiens ou plasticiens sonores qui proposent une analyse des espaces vécus . Aujourd’hui, géographes, juristes, physiciens, architectes, urbanistes, historiens et littéraires peuvent se rencontrer autour de cette thématique, dont l’irruption récente dans le champ de l’histoire de l’environnement rejoint des réflexions sur la perception des pollutions dans le monde moderne et contemporain .

Pourtant, le monde contemporain n’est pas le seul espace d’expérimentation de la perception ou de la diffusion des sons. Le Moyen Âge et le monde moderne, dans lesquels l’oralité joue un rôle essentiel, sont sensibles aux bruits et aux silences et donnent une très grande place à la voix, y compris parfois dans des actes juridiques, comme le rappelle justement Lucien Febvre dans son analyse du monde de Rabelais . Arlette Farge signale ainsi l’importance de ces voix dans la connaissance du monde moderne, voix difficiles à retrouver pour l’historien alors que l’on ne sait pas encore en garder d’enregistrement, mais qui nous interpellent à travers les journaux intimes, les gazettes rappelant l’environnement sonore des rixes, et bien entendu les archives judiciaires pleines de ces cris retranscris . Historiens et ethnologues, avec leurs outils différents, peuvent ainsi légitimement vouloir « reconstituer le paysage sonore du passé », s’interroger sur la nature et la perception des sons en fonction des époques comme des espaces. Les linguistes, quant à eux, se pencheront sur la « lexicalisation » de ce paysage sonore ; et les littéraires interrogeront le transfert dans l’écrit de ces perceptions auditives, sur ses permanences et ses différences.

La question de la « trace du son » est aussi révélatrice d’une approche renouvelée de l’histoire culturelle. Les périodes anciennes utilisent l’écrit pour nous décrire ces sons intempestifs et hors-la-loi ou pour signaler, via l’usage des testaments oraux effectués pendant la grande Peste, la place primordiale accordée à la langue et à l’ouïe dans le monde sensible. Les enluminures aussi peuvent être le lieu d’une représentation d’une ambiance sonore (et non pas d’une musique savante et codifiée), tout comme peuvent l’être les transcriptions anciennes de musique n’utilisant pas les codes musicaux existants depuis le milieu du Moyen Âge. La littérature rend compte de l’harmonie, de la dissonance, de la nuisance, de façon imagée ou non. L’enregistrement sonore a lui aussi une histoire singulière : s’il on met de côté les enregistrements de musique savante, l’utilisation des enregistrements d’ambiance par les ethnologues dans leurs premières recherches, utilisation aujourd’hui généralisée dans l’étude des sociétés très contemporaines, pose aussi la question de la conservation et du statut de ces enregistrements. À l’instar des images dont on savait qu’elles pouvaient mentir , les sons deviennent un moyen d’embellissement d’une carte postale, d’une campagne publicitaire ou de quartiers de ville sans que l’on ne sache la provenance de ces enregistrements.

La ville contemporaine, également, est le lieu d’un « combat du son ». Bateleurs, camelots et saltimbanques ont disparu du Boulevard du Crime et il semble s’instaurer un règne du calme, au point que Paris, Ville lumière, serait devenue une ville qui dort. Des évènements ponctuels (Nuit blanche) ou des initiatives « spectaculaires » (Les Pierrots de la Nuit, « brigades d’intervention artistiques nocturnes », dont le but est « d’éveiller sans réveiller ») témoignent de cette lutte silence/son. Les expériences sont nombreuses et il conviendra d’interroger cette dualité entre calme et sonore, et de réfléchir aux nombreuses significations que les habitants, en particulier, accordent à ces adjectifs comme à la place de la lutte contre le bruit dans la ville contemporaine.

La matérialité de l’oralité et du son est aussi une réalité attestée au moins depuis le XIXe siècle, et pourtant peu de chercheurs s’interrogent encore sur la patrimonialisation actuelle de ces sons et de ces images sonores, devenues pour certaines de véritables identités sonores. Les champs de cette patrimonialisation et de cette valorisation sont nombreux, mais on peut aussi penser à l’habillage sonore des documentaires, des émissions de radio, ou encore des émissions de télé-réalité – où les « scies » sentimentales du moment, distillés à petite dose, mais identiques d’une chaîne à l’autre, « signalent » le genre télévisuel et jouent pour le téléspectateur le rôle de marqueur identitaire.

Regroupant des chercheurs venus d’horizons différents, littéraires, linguistes, historiens, architectes, géographes, acousticiens et praticiens du son, l’initiative « silences et sons du Moyen Âge à nos jours » se propose de réunir des contributions venues de tous horizons autour des thématiques suivantes :

  • histoire, perceptions, expression et mesures des environnements sonores
  • identités sonores : comment se forgent ces identités reconnaissables aux premiers sons, comment sont elles conservées et érigées en véritable patrimoine sonore ? (échelle d’une entreprise, d’un programme radiophonique ou d’une émission télévisuelle, mais aussi échelle d’un quartier ou d’une ville)
  • conservation et cartographies des paysages sonores anciens et contemporains. Le rôle de la retranscription et de la fabrication des sons peut être aussi une piste de réflexion à creuser autour de l’identification des sons.
  • représentations des musiques civiques (au moment des fêtes urbaines, des charivaris, des liturgies parfois), transcription sonore
  • indexation et diffusion des ambiances sonores depuis la création des enregistrements sonores : quelle politique patrimoniale, quels enjeux pour la société contemporaine
  • l’usage de l’outil sonore dans le champ des enquêtes sociales et historiques
  • représentations et évocations des scènes « sonores » dans la littérature et les arts. Il s’agit aussi d’interroger la littérature, forme de retranscription d’une identité sonore. Le « son » signale-t-il également des écoles différentes (amour du « bruit » pour les romantiques, retranscription de la ville bruyante pour les réalistes, quête de l’harmonie musicale pour les symbolistes?)

Conditions de soumission

  • Les propositions de communication, titre + résumé de 300 mots, doivent être adressées à l’adresse suivante : delarueaumusee@gmail.com,
  • Avant le 1er septembre 2012.

  • Elles doivent être accompagnée d’une présentation rapide de l’auteur et de son rattachement institutionnel.
  • Elles seront examinées par l’équipe d’organisation aidée par ceux des membres du comité scientifique (en cours de constitution) qui le souhaitent.

Comité scientifique :

  • Juliette Aubrun, historienne, CHCSC (UVSQ)
  • Maria Basile, architecte, urbaniste, MRTE (UCP)
  • Catherine Bruant historienne de l’architecture, LéAV (ENSAV)
  • Christian Delporte, historien, CHCSC (UVSQ)
  • Corinne François-Denève, littérature française XIXe-XXe, CHCSC (UVSQ)
  • Anne Hertzog, géographe, MRTE (UCP)
  • Laura Kendrick, littérature médiévale, ESR (UVSQ)
  • Catherine Lavandier, acousticienne, MRTE (UCP)
  • Julien Longhi, linguiste, CRTF (UCP)
  • Damien Masson, urbaniste, MRTE (UCP)
  • Nathalie Simonnot, historienne de l’architecture, LéAV (ENSAV)
  • Jean-Claude Yon, historien, CHCSC (UVSQ)

Comité d’organisation :

  • Juliette Aubrun, MCF en histoire contemporaine, CHCSC (UVSQ)
  • Pauline Delaitre, doctorante en acoustique, laboratoire MRTE (UCP)
  • Cédric Fériel, doctorant en histoire de l’architecture, UVSQ-IEP de Paris (ENSAV/UVSQ)
  • Corinne François-Denève, MCF en littérature française, XIXe-XXe siècles, CHCSC (UVSQ)
  • Catherine Lavandier, MCF en acoustique, laboratoire MRTE (UCP)
  • Damien Masson, MCF en urbanisme, laboratoire MRTE (UCP)
  • Nathalie Simonnot, ingénieur de recherche, historienne (ENSAV)

Date et lieu : Université de Versailles – St Quentin-en-Yvelines, site de St-Quentin-en-Yvelines, les 15-16 novembre 2012

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