Appel à communication : Journées d’étude « Livres de fête et ballets équestres » (Paris, 8-9 avril 2021)

Appel à communication : Journées d’étude « Livres de fête et ballets équestres » (Paris, 8-9 avril 2021)

Journées d’étude des 8 et 9 avril 2021. Institut national d’histoire de l’art, 2, rue Vivienne, 75002 Paris

Proposition de communication (2000 signes) avec courte bio-bibliographie à envoyer avant le 31 janvier 2021 à : pauline.chevalier@inha.fr et antonin.liatard@inha.fr

Images du monde, images du pouvoir : noter et dessiner le ballet équestre, du carrousel à la contredanse à cheval (XVIIe-XVIIIe siècles)

Tantôt vous les voirrez à courbettes danser,

Tantost se reculer, s’approcher, s’avancer,

S’escarter, s’esloigner, se serrer, se rejoindre

D’une pointe allongée, et tantôt d’une moindre,

Contrefaisant la guerre au semblant d’une paix,

Croisez, entrelacez de droit et de biais,

Tantost en forme ronde, et tantost en carrée,

Ainsi qu’un Labyrinth, dont la trace esgarée

Nous abuse les pas en ses divers chemins,

Ainsi qu’on voit danser en la mer les Dauphins,

Ainsi qu’on voit voler par le travers des nues

En diverses façons une troupe de Grues.

Pierre de Ronsard, Cartel pour le combat à cheval en forme de balet

 

À l’occasion des Noces du duc de Joyeuse en 1581, Ronsard décrit ce qui fut l’un des premiers ballets équestres, ses figures et ses images, relevant une géométrie naturelle qui s’observera non seulement dans les représentations des ballets, mais aussi des ballets équestres, parfois dans une subtile articulation entre représentations figurées des cavaliers et des motifs dessinés par leurs déplacements, et représentations abstraites : lignes, points, schémas déployés sur la page et isolés de tout contexte topographique.

À partir d’un corpus de livres de fête conservés dans les collections Jacques Doucet de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, ces journées d’études chercheront à saisir les enjeux de la notation du ballet équestre dans les premières décennies du XVIIe siècle et ses prolongements jusqu’à la fin du siècle suivant, dans une relation à l’histoire de la danse, mais aussi à l’histoire des sciences et à l’histoire politique. Comment interpréter l’évolution de la représentation et de la notation des ballets équestres à l’aune d’une histoire intellectuelle valorisant une certaine « mathématisation de la nature » ? Ces formes notationnelles recourant au schéma et au diagramme convergent-elles avec l’évolution majeure de la notation de la danse au XVIIIe siècle ?

Les gravures de ballets équestres adoptent fréquemment une dimension analytique : synthèse des déplacements sur une seule planche (un schéma qui semble parfois donner une matrice des figures géométriques), ou juxtaposition savante de la série de figures, ces représentations révèlent une tension entre l’image comme outil matériel de la pensée et l’image mimétique de l’événement, plaisir renouvelé de la fête sur la page. Ce sont aussi les enjeux de pouvoirs que ces planches révèlent, quand la symétrie et l’abstraction des formes mettent en évidence une métaphore de l’ordre parfait (PAPIRO, 2016), image de la concorde après la bataille feinte et figuration du mouvement des astres. En adoptant des modalités de combinaison entre l’image géométrique analytique et la représentation topographique, ces images interrogent directement la place du « lecteur exégète » (BOLDUC, 2016).

Les journées entendent s’intéresser particulièrement au statut de ces images, à leur circulation et à leur intégration dans une réflexion plus large sur l’histoire du schématisme et de la pensée diagrammatique, une histoire du livre et de l’image technique, dans un contexte scientifique bouleversé. Matthaeus Greuter travailla à partir des dessins des tâches solaires de Galilée pour illustrer la publication de 1613 (Galileo Galilei, Istoria e dimostrazioni intorno alle macchie solari e loro accidenti, Rome, Appresso Giacomo Mascardi, 1613). Graveur en globes, spécialiste de gravures de diagrammes mathématiques, il réalisa également une planche de ballet équestre en 1608. Ce sont ainsi le rôle et la place des graveurs dans les choix techniques et esthétiques du livre de fête que nous souhaiterions aborder.

Une attention particulière sera accordée à l’articulation entre la description des figures (voltes, demi-voltes, passades, etc.) et la représentation des parcours et positions successives dans l’espace, sachant que certains livrets sont volontairement dépourvus de toute explication des figures.

Il s’agira donc de travailler à une herméneutique de ces planches qui donnent à voir et à penser la fête.

Différentes thématiques pourront être abordées durant ces journées :

  • La redécouverte des traités militaires antiques aux XVe et XVIe siècle et les usages des représentations des manœuvres par schémas et diagrammes montrent l’établissement de « conventions non picturales pour visualiser les formations militaires » (HALE, 1988, p. 280, à propos de Machiavel). En quoi les gravures de ballet équestre révèlent-t-elles une certaine filiation avec ces traités ?
  • Les collaborations entre graveurs et maîtres d’équitation, maîtres de danse et maîtres d’armes.
  • La réduction en art et le rôle des traités équestres dans l’évolution de la notation du ballet aux XVIIe et XVIIIe siècles (les notations chez Cesare Fiaschi notamment).
  • De la relation entre le texte et l’image et comment les diagrammes viennent prolonger le texte, malgré des étapes de création bien distinctes. Comment écriture du texte et création des gravures se sont-elles articulées dans la production des ouvrages ?
  • Les pratiques des imprimeurs-libraires, l’édition, la diffusion et le réemploi des planches et des matrices d’un ouvrage à l’autre (avérés par l’étude comparative des livrets de l’INHA et des exemplaires d’autres collections parisiennes et européennes).
  • Le contexte florentin du ballet équestre et son rayonnement en Europe (relation avec Naples, capitale de l’art équestre au XVIe siècle, et avec Paris).
  • Les conditions techniques et économiques du ballet équestre : quels enjeux politiques ?
  • La circulation des ouvrages entre les différentes cours européennes et la circulation des figures du ballet équestre.
  • La préparation des planches gravées : il existe plusieurs dessins préparatoires par Jacques Callot et par Stefano Della Bella montrant la genèse des gravures et d’une organisation spatiale de la représentation des figures équestres. Comment appréhender les étapes de création de ces planches complexes dont la mise en page relève aussi d’une juxtaposition savante des figures ?
  • La dimension sonore du ballet équestre : si l’on sait combien la voix et la musique jouent un rôle dans le dressage des chevaux et l’exécution des ballets, qu’en est-il de la transmission d’une musicalité de la fête dans le livre ?
  • Représentations statiques, représentations des déplacements et philosophie du mouvement au XVIIe siècle.
  • Vocabulaire et définitions du ballet équestre aux XVIIe et XVIIIe siècles (par exemple l’usage du terme « contredanse »).

Les propositions de communication sur des exemples précis (appartenant ou non au corpus de l’INHA), dans une perspective comparatiste, sont aussi encouragées. De même, la participation de collègues développant leurs travaux en histoire des sciences, en histoire, ou en philosophie est particulièrement souhaitée.

Les journées se dérouleront à la fois en ligne et en présentiel, nécessitant une attention toute particulière au format des interventions. Nous demanderons aux participantes et participants de concentrer leur propos de manière très précise durant 15 minutes afin de valoriser les temps de discussion.

 

Corpus étudié lors de l’atelier de recherche mené en 2019 à l’INHA :

  • 1608.Florence.RINUCCINI Camillo, Descrizione delle feste fatte nelle reali nozze de’ serenissimi principi di Toscana D. Cosimo de’ Medici e Maria Maddalena arciduchessa d’Austria (cote INHA :8 Res 723 ; réf. biblio. Watanabe-O’Kelley : n°1241).
  • 1615. Florence, SALVADORI Andrea, Guerra d’amore – Festa del serenissimo gran duca di Toscana Cosimo secondo, fatta in Firenze il carnevale del 1615 (cote INHA : 8 Res 954 ; réf. biblio. Watanabe-O’Kelley : n°1273
  • 1616. Florence. SALVADORI Andrea, Guerra di bellezza – Festa a cavallo fatta in Firenze per la venuta del serenissimo principe d’Vrbino l’ottobre del 1616 (cote INHA : 8 Res 958).
  • 1637. Florence. BARDI Francesco, Descrizione delle feste fatte in Firenze per le reali nozze de serenissimi sposi Ferdinando II gran duca di Toscana e Vittoria principessa d’Vrbino(cote INHA : 8 Res 988 ; réf. biblio. Watanabe-O’Kelley : n°1283).
  • 1652. Florence. RIGOLI Benedetto, Combattimento e balletto a cavallo rappresentato di notte in Fiorenza à serenissimi arcidvchi & arciduchessa d’Austria Ferdinando Carlo, Anna di Toscana, e Sigismondo Francesco nel teatro contiguo al Palazzo del serenissimo gran Duca(cote INHA :8 Res 757 ; réf. biblio. Watanabe-O’Kelley : n°1291).
  • 1661. Florence. CARDUCCI Alessandro, Il mondo festeggiante. Balletto a cavallo fatto nel teatro congiunto al palazzo del sereniss. gran duca, per le reali nozze de’ serenissimi principi Cosimo terzo di Toscana et Margherita Luisa d’Orleans(cote INHA :8 Res 752 ; réf. biblio. Watanabe-O’Kelley : n°1293).
  • 1667. Vienne.SBARRA Francesco, La contesa dell’aria, e dell’acqua – Festa a cavallo rappresentata nell’augustissime nozze delle sacre, cesaree, reali M. M. dell’Imperatore Leopoldo e dell’infanta Margherita delle Spagne, inventata e descritta da Francesco Sbarra consigliero di sua Maestà Cesarea (cote INHA : 4 Res 1191)
  • 1700. Modène. SOLIANI Bartolomeo, La Gloria e’l tempo festeggianti la nascita del Serenissimo Principe di Modana armeggiamento a cavallo fatto alla presenza delle Ser.me Altezze di Parma, etc. nel teatro eretto innanzi al Ducal Palazzo nel mese di febbrajo l’anno 1700 (cote INHA : 8 Res 957)

 

Comité scientifique et d’organisation :

Florence d’Artois (Université Paris-Sorbonne)

Benoît Bolduc (New York University)

Mickaël Bouffard (Université Paris-Sorbonne)

Pauline Chevalier (INHA)

Caroline Fieschi (INHA)

Marie Glon (université de Lille)

Berenike Heiter (université de Vienne, Autriche)

Gaëlle Lafage (Université Paris-Sorbonne)

Antonin Liatard (INHA)

Bianca Maurmayr (université de Lille)

Juliette Robain (INHA)

Marine Roussillon (université d’Artois)

Les propositions de communication (2000 signes), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, sont à adresser avant le 31 janvier 2021 à : pauline.chevalier@inha.fr et antonin.liatard@inha.fr

 

Bibliographie indicative :

BAIGRIE Brian S., Picturing Knowledge: Historical and Philosophical Problems Concerning the Use of Art in Science, Toronto, University of Toronto Press, 1996.

BAUDIÈRE Marie, « The Carrousel of 1612 and the Festival Book », dans McGOWAN Margaret M. (dir.), Dynastic marriages, 1612-1615 : A Celebration of the Habsburg and Bourbon Unions, Ashgate, 2013, p. 83-93.

BOLDUC Benoît, La fête imprimée : spectacles et cérémonies politiques (1549-1662), Paris, Classiques Garnier, 2016.

BONHOMME Guy, « Le cheval comme instrument du mouvement humain à la Renaissance », Le Corps à la Renaissance, actes du 30e colloque de Tours (2-11 juillet 1987), Paris, Aux amateurs de livres, 1990.

CASTELLUCCIO Stéphane, Les carrousels en France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris – Versailles,éd. De l’Amateur – L’Insulaire – Bibliothèque municipale de Versailles, 2002.

CHATENET Monique, « The Carrousel on the Place Royale: production, costumes and décor », dans McGOWAN Margaret M. (dir.), Dynastic marriages, 1612-1615 : A Celebration of the Habsburg and Bourbon Unions, Ashgate, 2013, p. 95-113.

CHATENET Monique et FRANCHET d’ESPÉRAY Patrice (dir.), Les arts de l’équitation dans l’Europe de la Renaissance, 6e colloque de l’École nationale d’équitation (château d’Oiron, 4 et 5 octobre 2002), Arles, Actes sud, 2009.

CISERI Ilaria, « Ballets e Carrousels : immagini simboliche nello spettacolo di corte », dans GRAZIANI Françoise et SOLINAS Francesco (dir.), Le « Siècle » de Marie de Médicis, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2003, p. 137-154.

DOUCET Corinne, Les manèges : témoins de l’histoire équestre en France, XVIe-XIXe siècle, Paris, Belin, 2016.

DOUCET Corinne, Les académies d’art équestre dans la France d’Ancien régime, Paris, Édilivre-Éd. – APARIS, 2007.

DOUCET Corine, « Les Académies équestres et l’éducation de la noblesse (XVIe -XVIIIe siècle) », dans Revue historique, vol. 628, n°4, 2003, p. 817-836.

DUBOURG GLATIGNY Pascal et VERIN Hélène (dir.), Réduire en art : La technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2008.

FINKEL Carola, « A Dancing Master for the Horses – Pierre Dubreil and the Equestrian Ballets at the Bavarian court », dans BOYES Georgina (dir.) : Terpsichore and her Sisters: the Relationship between Dance and other Arts, Cambridge 2017, p. 189–194.

FORLANI TEMPESTI Anna, « Callot et Stefano della Bella : fêtes et “caramogi” », dans TERNOIS Daniel (dir.), Jacques Callot (1592-1635), Paris, Klincksieck – Musée du Louvre, 1993, p. 447-480.

HAIDER-PREGLER Hilde, « Das Rossballett im inneren Burghof zu Wien (Jänner 1667) », dans Maske und Kothurn, vol. 15, 1969, n°4, p. 291-324.

KLEMM David (dir.), Von der Schönheit der Linie. Stefano della Bella als Zeichner, cat. expo. (Hambourg, Kunsthalle, 25 octobre 2013 – 26 juin 2014), Petersberg, Michael Imhof, 2013.

LAZARDZIG Jan, « A Mechano-Poetology of Spectacles : Ménestrier’s Traité des tournois, joustes, carrousels et autres spectacles publics (1669) », dans KAPPELER Annette (dir.), Images d’action : Claude-François Ménestrier’s theoretical writings on festivals and performing arts, translation and commentary, Paderborn, Wilhelm Fink, 2018, p. 369-383.

MARCIAK Dorothée, La Place du Prince. Perspective et pouvoir dans le théâtre de Cour des Médicis, Florence (1539-1600), Paris, Classiques Garnier, 2005.

McGOWAN Margaret M., « Le contexte politique et culturel du carrousel de 1627 », dans TERNOIS Daniel (dir.), Jacques Callot (1592-1635), Paris, Klincksieck – Musée du Louvre, 1993, p. 331-355.

MÉNESTRIER Claude-François S. I., Des ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre, Paris, René Guignard, 1682.

ORDEN Kate van, « From Gens d’armes to Gentilshommes: Dressage, Civility, and the Ballet à Cheval »,  dans RABER Karen et TUCKER Treva J. (dir.), The Culture of the Horse: Status, Discipline, and Identity in the Early Modern World, New York, Palgrave, 2005, p. 197-222.

PAPIRO Martina, Choreographie der Herrschaft. Stefano della Bellas Radierungen zu den Reiterfesten am Florentiner Hof 1637-1661, Munich, Wilhelm Fink, 2016.

PLATTE Maria, Die “Maneige royal” des Antoine de Pluvinel (Wolfenbütteler Forschungen 89), Wiesbaden, Harassowitz, 2000.

PLESSEN Marie-Louise (von), « Danser avec les chevaux – L’histoire du carrousel : ballets et jeux équestres dans les cours européennes à l’époque baroque », dans LEROY DU CARDONNOY Éric et VIAL Céline (dir.), Les chevaux : de l’imaginaire universel aux enjeux prospectifs pour les territoires, Caen, Presses universitaires de Caen, 2017.

POVOLEDO Elena, « Balletto a cavallo », dans AMICO Silvio (d’), Enciclopedia dello spettacolo, Rome, Le Maschere, 1954, p. 1379-1381.

PRÉAUD Maxime, « Un épisode de la Guerre de Beauté gravé par Jacques Callot », dans Revue de la BNF, 2009/1 (n°31), p. 86-89.

RAULIER Marie, « Sur le bon pied : rhétorique des premiers traités français de danse et d’équitation », dans Le Verger – bouquet XVI, septembre 2019.

ROCHE Daniel et REYTIER Daniel, Les Écuries royales du XVIe au XVIIIe siècle, Paris – Versailles, Association pour l’académie d’art équestre de Versailles, 1998.

ROMEI Francesca, « Il carosello notturno di Stefano della Bella », dans GREGORI Mina, ROMEI Francesca et CAPECCHI Gabriele (dir.), Stefano della Bella – Un dipinto riemerso dal buio dei secoli, Florence, Alessandro Falciani, 1997, p. 19-40.

SCHÄFER Dorit, MACK-ANDRICK Jessica et VOLLMER Angela (dir.), Stefano della Bella : ein Meister der Barockradierung, cat. expo. (Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle, 4 juin – 21 août 2005), Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle, 2005.

STEGMANN André, « La naissance de l’art équestre à la fin du XVIe siècle », dans ARIÈS Philippe et MARGOLIN Jean-Claude (dir), Les Jeux à la Renaissance, Paris, Vrin, 1982.

STRONG Roy, Les fêtes de la Renaissance (1450-1650) : essai : art et pouvoir, Arles, Solin, 1991 (1e éd. 1984), p. 96-114.

WATANABE – O’KELLEY Helen et VIGUIE-SIMON Anne, Festivals and ceremonies: a bibliography of works relating to court, civic, and religious festivals in Europe 1500-1800, New-York, Mansell, 2000.

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