Le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz, à la croisée des sources de l’occident chrétien ?
Le plus important ensemble français de sculpture du haut Moyen Âge est conservé au musée de La Cour d’Or – Metz Métropole : le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains, unique par son ampleur et la richesse d’inspiration de son décor. Il se compose de 38 plaques et piliers sculptés d’entrelacs, croix, rinceaux de feuillages, damiers, et Christ bénissant sur la seule plaque du chancel portant un décor figuré. L’église du monastère de bénédictines Saint-Pierre-aux-Nonnains fut élevée à l’époque mérovingienne dans les murs d’un grand édifice civil de plan basilical de la deuxième moitié du IVe siècle. Le premier chancel mis en place au VIIe siècle et remanié à l’époque carolingienne, fut réutilisé en remploi dans les piliers de la nef, lors de la tripartition de l’église à la fin du Xe siècle. C’est dans cette situation que les éléments du chancel furent découverts, pour la plupart lors de fouilles en 1897.
L’histoire du chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains justifie l’importance qui lui a été accordée lors de la rénovation du musée en 1980 : une salle de 8 mètres de hauteur spécialement aménagée pour mettre en scène l’ensemble, dans un espace suggérant un chœur liturgique. Pour les besoins de la muséographie, les éléments fragmentaires du chancel ont alors été complétés par des blocs en pierre brute. Plaques et piliers étaient disposés de façon arbitraire, dans une restitution archéologiquement infondée. En réalité, on ignore tout de leur disposition originelle et l’aspect hétérogène de cet ensemble est renforcé par les remaniements successifs. Comment comprendre la mise en œuvre de ce chancel ?
Récemment restauré, le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains doit faire l’objet d’une nouvelle muséographie, pour permettre une meilleure approche de cette œuvre majeure par le public. Un projet de colloque est né de l’étude scientifique corollaire de ces travaux de restauration. La recherche récente sur les chancels permet d’envisager une mise en contexte renouvelée du chancel messin, par la comparaison avec d’autres ensembles conservés. Le colloque « Le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz, à la croisée des sources de l’Occident chrétien ? », est ouvert à la problématique générale des chancels du haut Moyen Âge. L’objectif est aussi de faire connaître les travaux menés sur les clôtures de chœur : les questions liées aux dispositifs, les sources d’inspiration des décors et la fonction liturgique de ces mobiliers.
La tenue à Metz d’un tel événement centré sur le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains, s’impose. L’importance accordée à ce chancel vient sans doute du prestige de l’édifice auquel il fut destiné, une fondation royale ou impériale. Si Paul Diacre ne mentionne pas le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains, l’auteur des Gesta Episcoporum Metensium souligne le rôle moteur de la réforme liturgique more romano – introduite par l’évêque de Metz Chrodegang (742–766) – pour l’aménagement de mobiliers liturgiques dans les sanctuaires. L’émergence du chant messin appelé ensuite « grégorien », accompagna ce développement. La programmation du colloque en 2017 coïncidera avec les 30 ans de l’ensemble vocal Scola Metensis, investi dans la diffusion du chant grégorien dans l’esthétique originelle de cette école messine.
Grâce aux études scientifiques et techniques, on connaît un peu mieux le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains, mais il garde une part de mystère, car le remploi ancien de ses éléments dans la maçonnerie de l’église a éparpillé les pièces du puzzle. La question complexe de sa restitution est liée à la confrontation peu fructueuse entre les données techniques et archéologiques. Actuellement, aucun élément technique n’est déterminant pour préciser la disposition des pièces du chancel et en établir une restitution crédible dans l’architecture de l’église. La qualité d’exécution plaide en faveur d’une réalisation du chancel en plusieurs étapes. Toutefois, les données archéologiques lacunaires ne permettent pas de restituer de manière assurée les états successifs. Malgré l’homogénéité du matériau employé – une pierre antique de récupération provenant des carrières de Norroy-lès-Pont-à-Mousson en Meurthe-et-Moselle –, et l’impression qui se dégage d’une certaine cohérence d’ensemble, des interrogations persistent sur la datation. Le personnage debout sous un arc en mitre, identifié à un Christ bénissant – seule représentation humaine dans ce chancel – évoque la sculpture de l’Italie lombarde au VIIIe siècle, alors que le répertoire « germanique » utilisant des motifs d’entrelacs, est présent dans l’orfèvrerie au VIIe siècle. Les motifs d’inspiration paléochrétienne sont plus difficiles à dater.
Axes de recherche
Le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains a été restauré en vue de l’élaboration d’une nouvelle muséographie, qui adopte pour principes une hauteur de présentation de tous les éléments à 1 mètre, et leur regroupement par types de décors et traits communs de mise en œuvre technique. Les observations effectuées lors des étapes de la restauration favorisent aussi un débat renouvelé sur la datation, en confrontant les approches iconographique, stylistique et technique et en ouvrant largement à la comparaison.
Les communications pourront porter sur des études de cas, dans un large domaine géographique. Les typologies des dispositifs de chancels, les questions de terminologie, les problématiques techniques, iconographiques et stylistiques sont au cœur de la réflexion. L’objectif du colloque est aussi de replacer l’iconographie et le style des décors du chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains dans le répertoire ornemental utilisé aux époques mérovingienne et carolingienne. Certains caractères le rattachent à un fonds commun à l’art de la fin du VIIe siècle et de la première moitié du VIIIe siècle. Et pourtant, certains aspects techniques le rendent bien particulier. En somme, on réfléchira à la manière de situer le chancel de Saint-Pierre-aux-Nonnains dans une filiation artistique, et on s’interrogera sur ce qui en fait un ensemble aussi exceptionnel.
Dates du colloque : 27, 28 et 29 avril 2017
Lieu : Metz, église Saint-Pierre-aux-Nonnains et salle Claude Lefèvre (Arsenal – Metz en Scènes).
Propositions de communications : avant le 15 novembre 2016
Envoi des résumés : pour le 30 décembre 2016
Publication des Actes : fin 2018.
Partenaires : Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire et Arsenal – Metz en Scènes.
Comité d’organisation : Anne Adrian, Patrick Corbet, Michèle Gaillard, Catherine Guyon, François Héber-Suffrin, Pierre-Edouard Wagner.
Contact : Anne Adrian, conservateur au musée de La Cour d’Or – Metz Métropole, 2 rue du Haut-Poirier, 57000 Metz – 03 87 20 13 27 – aadrian@metzmetropole.fr
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