Appel à communication : Le climat, thème annuel du festival de l’histoire l’art 2023

LE FESTIVAL DE L’HISTOIRE, 12E ÉDITION

La 12e édition du festival de l’histoire de l’art se tiendra les vendredi 2, samedi 3 et dimanche 4 juin 2022 avec la Belgique comme pays invité. Le thème fédérateur choisi cette année est le climat. Chercheurs, conservateurs, artistes, professionnels du monde de l’art, éditeurs, étudiants, venant de France, de Belgique et d’ailleurs, seront au rendez-vous pour partager avec les festivaliers leurs savoirs sur les arts, retracer l’histoire des images et des objets et en révéler les significations, transmettre leur passion et leur métier.

Comme chaque année depuis 2011, le festival proposera conférences, tables rondes, dialogues et débats, séances autour de l’actualité du patrimoine, projections de films, ateliers, animations et visites, le concours « Ma thèse en 180 secondes » et le salon du livre et de la revue d’art.

LE CLIMAT, THÈME ANNUEL

Le climat nous occupe, le climat nous inquiète, mais il serait orgueilleux de penser que nous sommes les premiers à nous poser ces questions, déjà à l’esprit de nos prédécesseurs.

Le temps qu’il fait et le climat sont les deux faces de la même médaille. Quand il est question de météorologie, il est question des événements tels que le vent, la pluie, la chaleur, dans une expérience quotidienne. Lorsque l’on parle du climat, le temps est pris en compte sur des durées beaucoup plus longues. La langue française utilise le même mot pour parler du temps qu’il fait et du temps qui passe. Le temps long, le temps historique, est donc inhérent à la notion même de climat.

Le mot « climat » ne possède plus aujourd’hui le sens de « portion ou zone de la surface de la terre, terminée par deux cercles parallèles à l’Equateur » que l’on trouve dans l’Encyclopédie de D’Alembert au XVIIIe siècle. Cette manière d’envisager le climat est tombée en désuétude avec l’invention de la science météorologique moderne et le climat est devenu lui-même un concept dynamique, impliquant une interdépendance des écosystèmes à l’intérieur du même monde. La notion de climat s’est même imposée dans des domaines autres comme la politique – Bruno Latour parle des atmosphères de la politique[1] -, des mentalités ou des sensibilités[2]. Et elle s’impose également comme une notion centrale en histoire de l’art.

Les paysages hivernaux de Brueghel ou des peintres néerlandais au XVIIe siècle ne semblent pas simplement avoir été inspirés par les rudes hivers des Pays Bas, mais portent la trace de ce que les climatologues appellent le petit âge glaciaire, période climatique froide ayant eu lieu entre le début du XIVe et la fin du XIXe siècle[3]. Attention néanmoins à ne pas tomber dans un usage positiviste de ces images dans lesquelles l’hiver ne serait qu’un simple témoignage[4]. Les événements climatiques représentés doivent être analysés de manière plurielle. Les tempêtes et autres révoltes du ciel qui fascinèrent tant les philosophes et les peintres du sublime étaient à la fois des objets artistiques, scientifiques mais également médiatiques à la fin du XVIIIe siècle[5]. Les ciels rouges de Turner et les dessins de Ruskin portent en eux les traces mais aussi la critique de la pollution et plus largement de la responsabilité de l’homme dans l’altération et la détérioration du climat dans les premières années de la Révolution industrielle. Ceux de Munch pourraient avoir été provoqués par une cause plus naturelle, les « nuages nacrés », phénomène climatique rare et circonscrit aux régions scandinaves[6].

Plus qu’une simple toile de fond de leurs œuvres, les artistes ont fait du climat, de ses aléas et de ses changements plus profonds un sujet à part entière. Mais alors que George Braque disait que l’art est fait pour troubler tandis que la science rassure, nous semblons être entrés dans une ère où la science et l’art troublent de concert. Nous vivons dans ce que le chimiste atmosphérique Paul Crutzen et l’écologiste Eugene Stoermer ont, en l’an 2000, appelé l’ « anthropocène », concept visant à décrire cette nouvelle ère géologique et climatique dont le dérèglement est causé par les actions humaines. Ainsi l’action artistique contemporaine a cherché à s’emparer de la crise climatique pour en souligner la dimension anthropique, sensibiliser l’opinion voire parfois proposer des solutions. Les blocs de glaces de l’Ice Watch Paris d’Olafur Eliasson sur la place du Panthéon lors de la COP 21 alertaient sur le peu de temps qu’il restait avant de faire face aux pleines conséquences du dérèglement climatique. Le street artiste Andreco, pour la quatrième étape de son projet « Climate » a recouvert les murs de la Fondamenta Santa Lucia de Venise de données et de formules mathématiques prouvant que la hausse du niveau de la mer est bien due au réchauffement climatique[7]. Notre monde contemporain en proie au changement climatique et à son cortège de catastrophes a par ailleurs entrainé artistes et curateurs à convoquer de nouveau le concept romantique de sublime, ce « plaisir mêlé de terreur » selon le philosophe Edmund Burke, traduction tristement idéale de l’émerveillement et du sentiment actuel de perte de contrôle de l’humanité sur la planète[8].

Les productions artistiques ne servent pas uniquement à enregistrer les changements climatiques ni la sensibilité de l’humain et des vivants par rapport au climat. A la différence de la nature dont l’humain est appelé, depuis Descartes, à se rendre « comme maître et possesseur », le climat est nécessairement subi même si les scientifiques constatent et consignent, de rapport en rapport, les effets néfastes de l’activité humaine. Pourtant, bien avant les techniques de géo-ingénierie contemporaines, l’histoire est marquée par une action climatique humaine, qu’elle soit technique[9], ou artistique. Certaines tribus berbères du Sahara algérien fabriquent des poupées appelées « fiancées de la pluie » pour faire cesser les sécheresses. Au Népal, au contraire, des cerfs-volants décorés sont lâchés dans le ciel après les récoltes pour arrêter les averses[10]. Les sociétés humaines ont ainsi produit des objets dont la valeur artistique cohabite avec une dimension performative et une potentielle puissance agissante et dont l’étude est actuellement fondamentale pour comprendre les relations des hommes au climat.

Pour ne pas laisser les artistes enregistrer, dénoncer et lutter seuls contre les transformations du climat, l’histoire de l’art doit également prendre sa place dans les humanités environnementales, embrasser ce changement de paradigme et cette nouvelle voie écocritique. L’histoire de l’art a longtemps entretenu des liens étroits avec le climat, pris dans son acception de « portion de la terre » aujourd’hui obsolète, comme moteurs de la création artistique. Lorsque Giorgio Vasari utilise la métaphore de l’aria, c’est pour mentionner l’air, ou plutôt le souffle presque spirituel de certains lieux permettant aux artistes de dépasser le style et d’atteindre le génie, « le milieu où l’inspiration prend vie »[11]. Par la suite, tout un pan de la philosophie européenne, de Montesquieu à Kant, se sont servis du climat pour expliquer la pluralité des lieux et des comportements et en ont fait l’élément fondateur d’un style, d’une école artistique. Johann Joachim Winckelmann a fait de l’art de la Grèce antique le paroxysme de tout art et l’incarnation du Beau en prenant comme socle un optimum climatique qui aurait favorisé le soi-disant génie grec. Ces développements qui ont remplacé le génie de l’individu par le génie d’un peuple et ont conduit à analyser et surtout à hiérarchiser les arts et les civilisations ont depuis été largement réfutés. Ils peuvent néanmoins faire l’objet de réflexions historiographiques pour comprendre comment le climat fut l’un des fondements de théories erronées mais historiquement situées, à partir et en opposition desquelles l’histoire de l’art comme discipline s’est construite.

Les disciplines proches de l’histoire de l’art doivent également être convoquées pour embrasser le plus largement possible ce qu’induit la prise en compte de la notion de climat. L’architecture, par exemple, a toujours été l’art de construire des climats de substitution : avoir moins chaud quand il fait trop chaud, avoir plus de lumière lorsque les journées sont plus courtes, avoir de l’ombre lorsqu’il y a trop de soleil[12]. Les questions d’habitabilité relèvent ainsi autant du domaine de la technique que de celui du care[13]. L’archéologie, par sa pratique mais également par les nombreux vestiges découverts, de leur exhumation à leur restauration, est dépendante du climat et directement exposée à ses variations. Les musées, comme lieux de conservation et de protection des œuvres face aux effets du climat et de ses changements, comme moteurs de la prise en compte de ce changement par une très riche diversité de programmation[14], mais aussi comme lieux participant à ces changements par leur importante consommation énergétique doivent, eux-aussi, être questionnés[15].

Se poser la question du climat et de l’histoire de l’art, c’est confronter notre discipline à une écocritique, à une écopolitique et à une écopoétique. C’est aborder les productions artistiques comme des sources historiques et culturelles pour une étude du climat sur le temps long. C’est aussi analyser, sous cet angle nouveau mais ô combien important pour nos sociétés contemporaines, l’impact du climat sur les formes produites par les humains[16].

Félix Vallotton, Le Vent, 1910, huile sur toile, 89.2 × 116.2 cm, Washington, National Gallery of Art

MODALITÉS DES INTERVENTIONS

Les interventions du festival de l’histoire de l’art adoptent des formats variés, avec une priorité donnée à des interventions traduisant la recherche en histoire de l’art sous une forme vivante et destinée à un large public.

  • Conférence : 1 participant, entre 20 ou 30 minutes maximum
  • Dialogue : 2 participants, entre 40 et 50 minutes maximum
  • Table ronde : jusqu’à 3 participants plus 1 modérateur, durée 1h30 maximum
  • Atelier pédagogique : jusqu’à 3 participants, durée 45 minutes maximum

N.B. : Chaque intervention est suivie d’un échange de 10 minutes avec le public.

DÉPÔT ET SÉLECTION DES PROPOSITIONS

Les candidatures peuvent être envoyées jusqu’au 15 octobre 2022 inclus (avant minuit) via le formulaire dédié.

Un lien n’est pas attendu entre le thème du FHA et le pays invité (la Belgique), ce dernier ne faisant pas l’objet d’un appel à communication.

Les propositions de communication doivent impérativement être rédigées en français et se présenter sous la forme suivante :

  • Titre du projet (80 signes maximum, espaces compris)
  • Un résumé (600 signes maximum, espaces compris)
  • Une présentation plus longue (3500 signes maximum, espaces compris)
  • Un CV

N.B. : Dans le cas des dialogues et des tables rondes, le porteur ou la porteuse du projet doit se désigner clairement dans la proposition d’intervention. Les propositions incomplètes ne seront pas examinées.

L’examen des propositions sera réalisé par l’équipe du festival de l’histoire de l’art accompagné d’un jury issu du comité scientifique du festival de l’histoire de l’art.


[1] Bruno Latour, Pasquale Gagliardi, Les Atmosphères de la politique. Dialogue pour un monde commun, Paris, Les Empêcheurs, 2006.

[2] Le philosophe Bruce Bégout dans son étude du concept d’ambiance utilise l’expression de « design atmosphérique ». Bruce Bégout, Le Concept d’ambiance, Paris, Seuil, 2020.

[3] Tine Luk Meganck & Sabine van Sprang (dir.), Bruegel et l’hiver Un dialogue entre historiens et historiens de l’art, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique | Fonds Mercator, 2018.

[4] Alexis Metzger avant que l’hiver serait utilisée comme un marqueur d’identité nationale pour la nouvelle république des Provinces-Unis face à la méditerranéenne Espagne. Alexis Metzger, L’Hiver au Siècle d’or hollandais, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbnne, 2018.

[5] Anne-Marie Mercier-Faivre et Chantal Thomas (dir.), L’Invention de la catastrophe au XVIIIe siècle. Du châtiment divin au désastre naturel, Genève, Droz, 2008.

[6] Svein M. Fikke, Fred Prata, Oyvind Norali, « Edvard Munch ou le cri des nuages », Revue de l’Art, n° 210, 2020, p. 41-49.

[7] Climate 04-Sea Level Rise, Venise, Fondamenta Santa Lucia, 2017.

[8] « Planet B: Climate Change and the New Sublime », exposition présentée au Palazzo Bollani, Venise, du 20 avril au 27 novembre 2022. Voir également Nicolas Bourriaud, Planète B. Le sublime et la crise climatique, Paris, Les Presses du réel, à paraître 2022. Voir également l’exposition « Sublime. Les tremblements du monde », Metz, Centre Pompidou, du 11 février au 5 septembre 2016.

[9] Notamment via la modification du couvert forestier. Voir Jean-Baptiste Fressoz et Fabien Locher, Les Révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique XVe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2021.

[10] Exposition « La Pluie », musée du quai Branly – Jacques Chirac du 6 mars au 13 mai 2012.

[11] Guillaume Cassegrain, « « Une histoire débonnaire ». Quelques remarques sur l’aria », La notion d’« école » [En ligne], Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2007.

[12] Philippe Rahm, Écrits climatiques, Paris, Editions B2, 2020.

[13] Voir l’exposition Soutenir. Ville, architecture et soin (commissariat Cynthia Fleury et SCAU) au pavillon de l’Arsenal (6 avril – 28 août, prolongée jusqu’au 25 septembre 2022).

[14] Citons par exemple les expositions Toi et moi, on ne vit pas sur la même planète (commissariat Martin Guinard et Bruno Latour) au Centre Pompidou-Metz (6 novembre 2021 – 4 avril 2022) ou Réclamer la Terre (commissariat Daria de Beauvais) au Palais de Tokyo (15 avril – 4 septembre 2022).

[15] Citons des événements comme le workshop « Construire la durabilité de nos musées » organisé les 27 et 28 janvier 2022 au Palais des Beaux-Arts de Lille ou la sixième édition de « L’Argument de Rouen : Les musées face à la crise écologique » organisé par la Réunion des musées métropolitains Rouen-Normandie (RMM) et l’Institut national d’histoire de l’art le 7 avril 2022.

[16] Devillers-Peña, Enno. « Esthétique environnementale et écocritique : perspectives pragmatiques », Nouvelle revue d’esthétique, vol. 22, no. 2, 2018, p. 119-128.

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